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Mgr Hindo : « La guerre en Syrie est une guerre contre les chrétiens », IIe partie de l’interview

Suite de l’interview de Mgr Jacques Behnan Hindo, archevêque syro-catholique de Hassakè-Nisibi, le diocèse qui comprend aussi Raqqa, la capitale du soi-disant État islamique.

Mgr Hindo a choisi de rester en Syrie auprès de ses ouailles. Kurdes, État islamique, jeu israélien, intérêts américains, mensonges des gouvernements occidentaux, il passe tout au crible de son regard critique. Il parle sans langue de bois et révèle les implications et les manigances politico-américaines, en lien avec Israël, dans ce conflit syrien où les chrétiens sont les premiers persécutés et où la Syrie risque d’être démembrée.

« Et les terroristes de Al-Nosra ont changé de noms pour se présenter comme de bons djihadistes…

Oui. Et ils sont soutenus par le Qatar, comme l’État Islamique l’est par l’Arabie Saoudite.

Mais quelle est la politique des États-Unis au Moyen-Orient ?

Celle d’Israël, qui est le pied américain au Moyen-Orient. L’État hébreux est une valeur économique et stratégique fondamentale. Pour cela il doit être plus fort et c’est pour cela que les États-Unis veulent démembrer la Syrie. Ce n’est pas pour rien qu’ils ont donné pour 38 milliards d’armes aux Israéliens. Mais l’Amérique protège aussi les intérêts de l’Arabie Saoudite, au point qu’Obama a opposé son veto sur le dessein de loi sur le 11 septembre qui permettrait aux familles des victimes du 11 septembre de poursuivre en justice les Saoudiens. L’Amérique a décidé d’attaquer la Syrie parce qu’Assad n’a pas voulu rompre ses alliances avec l’Iran et le Hezbollah.

Comment est le rapport entre chrétiens et musulmans en Syrie ?

L’islam syrien est spécial. Il n’est pas comme celui d’Arabie Saoudite ou de Turquie. Ce n’est pas un islam politique. Les musulmans syriens ont, avant tout, un cœur syrien. Ils ont pris le visage de la culture, du commerce et de la civilisation syrienne. Malheureusement nous avons nous-aussi des personnes, dans quelques villages ou certaines villes, avec la mentalité des Frères musulmans…

Mais avant le printemps arabe, Assad arrivait à les tenir tranquilles…

Depuis que le parti Baas a pris le pouvoir, la Syrie est devenue un pays laïc. Quand j’ai construit un clocher de 42 mères de haut avec une croix de 7 mètres, personne ne m’a rien dit. Même si elle est plus haute que les minarets. Comment cela est-il possible ? Depuis 70 ans nous avons une culture laïque. L’extrémisme est arrivé avec les Frères musulmans. Daesh est leur fils et celui des Wahhabites.

Mais est-ce que vraiment Assad a commis tous les crimes dont il est accusé ?

Durant la première semaine de la révolte, il y a eu quelques grèves et l’armée a tiré sur les grévistes. C’est vrai. Mais qui a tiré a été puni. En Syrie ce n’était pas une révolution. C’est une guerre des Frères musulmans. Qui dit qu’il s’agit d’une révolution ne fait que de la propagande. C’est une guerre contre les chrétiens. Le secrétaire de Laurent Fabius, il y a trois ans, m’a dit :  » Bientôt, arrivera en Europe un avion plein de chrétiens iraniens. » Vous savez ce que je lui ai répondu ? « Vous êtes en train de déraciner les chrétiens du Moyen-Orient pour que continue la guerre entre chiites et sunnites. »

Après le bombardement américain contre l’armée syrienne, Mgr Abu Khazen, archevêque d’Alep, a dit que ce n’était pas une erreur. Partagez-vous cette thèse ?

En 2012, j’ai pris du papier et un stylo pour dire que ce devait être la Russie, la Chine et l’Iran à bombarder Daesh en Syrie. Pas les Américains et leurs alliés parce que j’étais certain qu’ils auraient aussi bombardé l’armée syrienne. Maintenant c’est arrivé. D’habitude l’EI essaye de toucher les avions, mais cette fois-ci il ne l’a pas fait. Pourquoi ? Je ne peux pas parler avec calme devant ce bombardement. Je suis aussi archevêque de Deir el-Zor et je ne peux pas accepter ce que les Américains ont fait. Je connais les personnes qui combattent avec l’armée syrienne et les chrétiens qui vivent encore là-bas. Je ne peux pas rester assis sur un trône. J’utilise les paroles qui me viennent du cœur et, quand je vois Frederica Mogherini qui pleure pour les attentas de Bruxelles, je me demande si elle ne ment pas. Plutôt je sais qu’elle ment. Elle n’a jamais parlé de toutes les écoles bombardées par les terroristes à Damas. Peut-être que le sang syrien n’est pas comme celui occidental…

Nous avons beaucoup parlé de propagande. Mais que pouvons-nous faire, nous journalistes, pour raconter honnêtement le conflit syrien ?

Ne prenez pas pour argent comptant tout ce que les gouvernements occidentaux vous disent. Ce sont des menteurs et ils sont contre les chrétiens et les Syriens. Ils ont leurs intérêts et ils n’ont à l’esprit ni les hommes ni les chrétiens. Je crois que la politique doit signifier « service », mais malheureusement aujourd’hui c’est seulement une question d’intérêts. Interrogez-vous sur les choses qu’ils vous disent. Ayez un peu de cœur pour cette Nation. La Syrie est avant tout mienne. Parce que je suis Syrien. Et Syrie dérive de Syrien. Je suis la Syrie. Les Syriens sont la Syrie. Arrêtez d’appeler « modérés » les rebelles. C’est un mensonge. Ils ne sont pas modérés. L’Armée syrienne libre ne l’est pas non plus. C’est seulement un changement d’étiquette. Comme l’État Islamique et comme Al-Nosra, ce sont des islamistes. Les Russes continuent à demander qui sont les rebelles modérés aux Américains qui n’ont toujours pas répondu.

Il y a deux mois, vous avez pu parler avec Bachar el-Assad. Que vous êtres-vous dit ?

Pour dire la vérité, j’ai parlé de la situation dans ma région. J’ai parlé du problème kurde, en présentant aussi des documents écrits. Vous savez ce qu’il m’a dit ? « Je veux une Syrie laïque où il est interdit de parler de minorités. » Ensuite il m’a dit : « Je suis un symbole. Si un symbole disparaît, tout croule. » Et il a raison. En Syrie arriverait ce qui est arrivé en Libye et en Irak. Si Assad part, l’armée disparaîtra et la Syrie sera démembrée.

Mgr Hindo prononce ses paroles avec une voix émue. Et nous ne pouvons lui donner tord. La Syrie est aussi à « lui ». C’est une question de foi et de sang. » (Traduction de Francesca de Villasmundo)

Francesca de Villasmundo

 

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