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Les Provocations de l’OTAN contre la Russie menacent-elles d’aboutir à un conflit frontal ?

ANACONDA

Bruits de guerre et bruits de bottes: l’OTAN va déployer à partir du 6 juin les forces les plus importantes depuis 1989 en Union européenne, alors que le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg annonce que des « décisions capitales » vont être prises au cours du sommet de l’Alliance atlantique les 8 et 9 juillet à Varsovie en réaction aux « démarches agressives » de la Russie. Cette impression de préparatifs de guerre est renforcée par le général britannique, Sir Richard Shirreff, ex-commandant en chef adjoint de l’OTAN Europe qui a annoncé à la BBC une « plausible » guerre nucléaire avec la Russie pour 2017.

Dans ce contexte de guerre froide, quelles sont les menaces et les forces en présence? 

L’Occident tantôt dénonce les forces russes supérieures aux forces de l’OTAN, afin de débloquer des crédits militaires, et tantôt au contraire couvre de son mépris les forces russes. 

D’abord examinons ce que la guerre de Syrie a révélé sur les capacités russes d’attaque.  Les frappes de missiles Kalibr à partir de navires de la mer Noire ont été les plus impressionnantes. La très convaincante vidéo qui suit montre que ces missiles peuvent être tirés d’un conteneur banalisé, de façon incognito et qu’ils peuvent avoir des intensités diverses en fonctions des besoins. Ces conteneurs peuvent  être chargés, invisibles, sur des camions, ou parmi des conteneurs de marchandises sur des trains ou des navires. Or le missile Kalibr peut frapper dans un rayon de 50 à 4000 km. Il peut aussi transporter une ogive nucléaire. Des missiles qui peuvent donc être déployés n’importe où dans le monde, sur terre, sur mer et dans les air, à bord d’innocents camions de transport civil, de navires porte-conteneurs marchands, ou bien être stockés sur des quais dans n’importe quelle partie du monde. Ils sont quasiment indétectables et prêts à l’emploi.

Découvrez cette excellente vidéo sur le « The Russian 3M-54 Klub missile system »:

Et ce système ne donne qu’une faible idée de la puissance tous azimuts que déploie la Défense russe face aux provocations et rodomontades de l’OTAN. Les sous-marins russes sont les plus indétectables de la planète, le système de paralysie des ondes balistiques ne connaît rien de comparable, alors que les forces de l’OTAN dépendant entièrement de l’électronique. Les USA n’ont jamais vraiment connu de guerre internationale sur leur sol, ce qui, peut-être, les empêchent de prendre la guerre très au sérieux. Mais la Russie qui est aujourd’hui encerclée par l’OTAN tant en Europe qu’en Asie, elle, a connu la plus terrible des guerres sur son sol -et contrairement à la France qui en a connu une très dure en 1914-1918, mais qui l’oublie sous les mascarades de la commémoration de Verdun-, la Russie prend très au sérieux les menaces qui se multiplient du côté occidental. En Europe centrale et en Europe de l’Est les exercices otanesques se multiplient à grand renfort de propagande, comme la plus importante opération militaire qui débutera le 6 juin en Pologne alors qu’une autre opération du même genre vient  de s’achever en mer baltique. La base anti-missile américaine de Roumanie vient à peine d’être inaugurée, qu’une base du même genre s’installe en Pologne. La Russie, à chaque provocation, met en place des dispositifs de riposte équivalents et même supérieurs en face, et ne cesse de moderniser et de renforcer son armée en hommes et en matériel. Ainsi Lorsque le chef du Pentagone, Ashton Carter, annonce que l’Otan envisage de déployer quatre nouveaux bataillons de l’Alliance dans les pays baltes et en Pologne, le ministre de la Défense russe, le général Choïgou déclare aussitôt que trois nouvelles divisions militaires seront créées en Russie pour y faire face.

Les enjeux de la guerre

Les intérêts sont évidemment immenses pour les marchands d’arme, mais cela suffit-il à tout expliquer ? N’y aurait-il pas derrière ces provocations une recherche de solution pour couvrir la faillite du système impérial américain aux abois ? La guerre de 14-18 avait propulsé l’économie américaine, catapultant le pays parmi les plus grandes puissances mondiales. La Seconde guerre mondiale a sauvé les USA de la faillite dans laquelle ils s’étaient enlisés à la fin des années 30 et a hissé le pays à la tête du monde, sans partage, en terme de puissance économique et même militaire. Une grande déflagration mondiale est donc tentante pour les faucons qui s’auto-persuadent, peut-être, que les USA sont à l’abri. Et puis surtout, les USA ne sont menacés par personne, alors qu’ils déploient leurs armes très loin de chez eux. Tandis que la Russie sent son propre sol menacé, elle est donc contrainte de répondre à la menace par la dissuasion et ne cesse donc de s’armer pour maintenir la balance des forces dans un équilibre qui lui soit favorable. Mais il n’est pas du tout certain que cela soit suffisant pour décourager les partisans de la guerre à l’Ouest; inconscients ou cyniques? Difficile de savoir.

Bien entendu dans cette escalade guerrière, difficile de discerner ce qui relève de l’intoxication, ou ce qui relève de l’information sérieuse. Ainsi dans une interview, Stephen Cohen, professeur d’études russes aux universités de Washington et de Princetown,  affirme que son aile droite serait en train de pousser le président Poutine à abandonner sa politique conciliante sur la scène internationale. 

Depuis quelque temps, nous disposons d’indices indiquant qu’une faction clé au sein du Kremlin, qu’on pourrait plus ou moins qualifier de « nationaliste », ressent un profond désenchantement vis-à-vis de la tolérance de Poutine face à la politique de Washington et à ses partisans. Ces gens se situent dans la Banque centrale russe et dans d’autres postes essentiels de la sphère économique. Les nationalistes veulent écarter les partisans de la politique actuelle, et contraindre le gouvernement du premier ministre Dmitri Medvedev, considéré comme trop conciliant avec les Occidentaux, à la démission. Poutine est peut-être extrêmement populaire, mais pas son gouvernement dont la politique économique suscite de nombreuses critiques. L’opposition réclame une mobilisation immédiate de l’armée et de l’économie en vue d’une guerre conventionnelle ou hybride. Il ne s’agit pas là d’évincer Poutine, mais de le pousser à sortir les armes, et à frapper fort.

Ce que cette faction désire, en plus d’une préparation de la Russie à la guerre? Une ligne plus dure en Ukraine, et un rejet des pièges tendus en Syrie par le Secrétaire d’État américain, John Kerry qui s’efforce toujours de pousser Assad vers la sortie, et continue d’appeler les Etats-Unis à soutenir davantage l’opposition syrienne, quitte à ne pas faire de distinction entre « modérés » et djihadistes. Les nationalistes russes considèrent que l’Amérique ne cherche pas vraiment un accord avec la Russie, car elle est en réalité désireuse de piéger Poutine en Syrie. Ce qui pourrait bien être la réalité, comme l’ont exposé Gareth Porter et Elijah Magnier. Explique le professeur Stephen Cohen.

Des gens à la droite de Poutine qui demandent des réactions armées plus vigoureuses, il y en a toujours eu en Russie, ce n’est pas une nouveauté. Particulièrement depuis le coup d’État en Ukraine qui a permis à Washington d’imposer ses intérêts à la direction du pays. Des personnalités s’agiteraient dans ce sens, parmi lesquelles le professeur Cohen nomme « Alexander Bastrykine, chef du Comité d’enquête russe », qui est une sorte de super ministre de la Justice.

La guerre économique générée par les sanctions, la baisse organisée des prix du pétrole et l’attitude agressive de l’OTAN, expliqueraient amplement que ce parti de souverainistes se renforce et renforce son influence auprès de Poutine. De là à en conclure que la politique menée par Vladimir Poutine est en train de basculer, il faudra des signes plus concrets, comme la démission, par exemple, de Dmitri Medvedev, pour le conclure.  Au contraire, le retrait d’une partie des forces russes en Syrie et les avances auprès des USA pour faire guerre commune en Syrie tendraient à prouver le contraire. La Russie généralement élimine d’abord tous les obstacles avant de se lancer. C’est ce qui s’est passé pour son entrée en guerre en Syrie. Lorsque l’échec de la coalition américaine a été clairement démontré, et même avoué du sein de l’armée américaine, la Russie est passée à l’action, c’était en septembre 2015. Actuellement, une nouvelle fois elle a tendu la main en promouvant de larges discussions à Genève et un accord avec les USA, mais ceux-ci n’ont accepté la main tendue que du bout du doigts, tout en tentant de reprendre la main sur le terrain. Jusqu’à quand la Russie maintiendra-t-elle se jeu subtil dans lequel les Occidentaux tentent de la pousser sans cesse contre le mur, alors que par ailleurs, son armée ne cesse de se renforcer ? Voilà la question.

Mais en attendant, le commerce des armes marche à fond, et lorsqu’un des pays producteurs d’armes réussit à placer son matériel dans un autre pays, il rend celui-ci dépendant et donc il étend son influence. Dans la surenchère de l’armement, les guerres locales profitent à tous les pays producteurs d’armes, surtout lorsque ceux-ci sont impliqués dans les conflits, parce que les guerres permettent de tester en grand le matériel. Mais le commerce des armes n’est pas le seul critère à prendre en compte. Le critère de la stabilité intérieure devrait être le premier. Ce qui est le cas de la Russie, Vladimir Poutine a toujours placé au premier rang de ses préoccupations la stabilité intérieure de la Fédération de Russie. Ce qui n’est pas le cas des autorités françaises puisqu’elles n’hésitent pas à attiser la guerre des islamistes en leur fournissant des armes, ce qui a de fortes répercussions en France…

Mais dans le duel entre Washington et Moscou, le professeur Cohen semble plutôt, quant à lui, mettre sa confiance en Poutine pour préserver la paix, et se défier de la politique de Washington pour laquelle la ‘doctrine Wolfowitz‘ est, selon lui, toujours d’actualité, qui préconise en gros, que les USA doivent dominer le monde par tous les moyens. 

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Emiliedefresne@medias-presse.info

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