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Les Antigones décryptent la loi-cadre « Egalité Hommes-Femmes »

Dans le cadre du passage sur la loi-cadre « Egalité Hommes-Femmes », le groupe des Antigones publie un article décryptant les différents aspects du texte, passé à l’Assemblée Nationale il y a quelques jours. Cette analyse mérite d’être lue avec attention, proposant un regard équilibré sur les différents aspects du projet de loi et une étude sur la place qu’y tient l’idéologie du pouvoir en place.

Lire cet article sur le site des Antigones.

Critique de la proposition de loi-cadre Egalité Femmes-Hommes

Le projet de loi-cadre « Égalité Hommes-Femmes » est actuellement en deuxième lecture au Sénat, avec une opposition minime. L’opinion publique en connaît les points les plus médiatisés : réforme du congé parental et droit à l’avortement perçu comme conquête ultime du le combat des femmes pour la libre disposition de leur corps. Il a pourtant une envergure et une ambition bien plus vaste, et touchera à divers titres l’ensemble de nos codes juridiques.

Un texte d’une telle portée requiert une réflexion globale sur la société et la place des femmes en son sein, en vue du bien de l’ensemble du corps social. Or, ce projet de loi ne répond pas à cette exigence. Hors les quelques mesures concrètes positives et isolées qui y sont formulées, l’on n’y trouve qu’une combinaison d’idéologies et de bricolages visant à réduire la charge de l’État au détriment des familles en difficulté et des femmes en situation de détresse.

Par l’importance de son objet et l’étendue des mesures envisagées, un tel projet de loi réclame un véritable débat public. Or ce débat public, rendu malaisé par l’absence de transparence de ce texte indécryptable par la population, n’existe pas. Il vous appartient de le créer.

Nous vous proposons par conséquent une critique d’ensemble de ce projet de loi, au cours de laquelle nous nous attacherons à mettre en lumière les prémisses idéologiques mixtes – modernes et postmodernes – qui président à la conception de la loi-cadre Égalité hommes-femmes ; nous aborderons les problèmes, concrets et réels, identifiés par les pouvoirs publics, auxquels ce texte répond fort mal, malgré quelques mesures dignes d’intérêt, mais peu signifiantes ; nous montrerons enfin comment il manifeste la politique et l’idéologie du gouvernement actuel, et l’indigence d’un mode de gouvernement de premier secrétaire du Parti socialiste.

L’exposé se fera en quatre temps : nous rappellerons dans une première partie la nature et les enjeux de cette loi-cadre, et en étudierons plus précisément l’objet et les sous-entendus; nous soulignerons ensuite les mesures intéressantes qui y figurent, avant d’en signaler les lacunes et de dénoncer pour finir les dispositions les plus graves et contraires au bien social qu’il propose.

Présentation de la loi-cadre et de son objet

On peut s’étonner de la quasi-absence de débat qui entoure ce texte, alors qu’il s’agit d’un projet de loi-cadre, soit une sorte de fourre-tout législatif appelé à modifier des dispositions dans toutes les directions, et dans tous les codes juridiques. Ce type de loi demande une lecture particulièrement attentive, comme nous allons le montrer.

Qu’est-ce qu’une loi-cadre ?

Une loi-cadre est une loi qui définit une orientation politique, laissant au pouvoir règlementaire l’application des dispositions. Il s’agit ici d’un projet de loi-cadre : un projet de loi émane du gouvernement, par opposition à la proposition de loi émanant des députés. Un projet de loi-cadre est donc un projet émanant de l’exécutif, destiné à octroyer un pouvoir à l’exécutif, validé par un pouvoir législatif de même couleur que l’exécutif.

Voilà qui remet en cause la séparation des pouvoirs inspirée de Montesquieu, proclamée dans notre Constitution comme étant la condition sine qua non de l’État de droit constitutionnel : la séparation institutionnelle existe, mais dans les faits les contre-pouvoirs à l’exécutif ont disparu. Cette situation, récente, est due à la mise en place du quinquennat ; aucune réforme constitutionnelle n’a remédié à cette anomalie. Cela aboutit à une forme de despotisme de l’exécutif qui signe la fin de l’État de droit.

Ce projet de loi est d’une importance particulière parce que son objet concerne la société entière : il entraînera des modifications dans le Code civil, le Code de la santé publique, le Code des étrangers, le Code pénal, la législation de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales – tout cela à l’initiative du Ministère des droits des femmes.

Le projet de loi-cadre « Égalité Hommes-Femmes » et son objet

Ce projet a pour objet « l’égalité dans toutes les dimensions professionnelles, une lutte contre la précarité spécifique aux femmes, une lutte contre les violences faites aux femmes et une parité dans les postes à responsabilité [sociale] (…). »

L’Égalité et les femmes

L’application du principe juridique d’Égalité au cas des femmes a connu une évolution très nette dans l’histoire du droit français.

La première vague d’application du principe d’égalité a consisté à mettre en œuvre le principe brut, ce qui a entraîné la suppression de droits protecteurs envers les femmes : à titre d’exemple, l’arrêt de la Cour de justice européenne dit Greismar de 2001, a nettement joué en leur défaveur quant à la politique fiscale, qui leur était auparavant favorable ; la loi a également abrogé les facilités d’accès aux postes de la fonction publique pour les mères de famille. Exemplaire de cette première vague d’application brute du principe d’Égalité, la décision Quotas par sexe, adoptée par le Conseil constitutionnel le 18 novembre 1982, concluait à la non-conformité à la Constitution de la politique paritaire actuellement pratiquée.

Un revirement a ensuite eu lieu, dont l’instrument fut la distinction nouvelle opérée entre égalité de fait et égalité devant la loi : il s’agissait désormais de marcher vers l’égalité de fait, en utilisant au besoin des discriminations dites « positives ». Ce qui correspond à un glissement vers l’État-Providence.

Le projet de loi de Najat Vallaud-Belkacem marque une troisième étape, nouvelle version de l’égalité, inconnue jusqu’alors : l’égalité dite « intégrée », qui combine l’égalité devant la loi (la fin) et l’égalité de fait (les moyens), l’idéologie permettant seule de trancher et de donner la primauté à l’une ou à l’autre. Dans ce projet crypto-totalitaire, le principe d’égalité devient ainsi le masque d’une idéologie qui pourra s’appliquer dans la coercition et le mensonge, grâce à la confusion principes-moyens-fins.

C’est ainsi que la contradiction entre égalité de droit et égalité de fait est supposée  résolue dans l’« égalité intégrée » de Madame Vallaud-Belkacem.

Rappel sur la notion juridique d’Égalité

La notion juridique d’Egalité, particularisme français par excellence, trouve son fondement dans l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « la loi […] doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leur vertus et de leurs talents. » La décision du 9 mai 1991, Statut de la Corse, ajoute « que le peuple français [est] composé de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de race, de sexe ou de religion. » Nous avons donc là un principe complet.

Une limite et une exception s’y ajoutent : depuis une décision du 9 avril 1996, le Conseil constitutionnel juge que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations objectivement différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. » La limite énoncée ne doit pas contrevenir au principe énoncé dans la loi, et n’a vocation qu’à le compléter : elle permet de faire l’objet d’un traitement différent, si et seulement si l’on se trouve dans une situation objectivement différente. On ne peut conclure à une « situation objectivement différente » sur la base d’une distinction de race, de sexe ou d’opinion. Mais les règles énoncées dans le principe de la loi et sa limite peuvent faire l’objet d’une exception, lorsque l’ « intérêt général » le réclame – exception qui prend valeur de règle. Ce qui, dans la pratique, signifie que la discrimination entre un national et un étranger, ou la différence de traitement entre personnes de sexe masculin ou féminin, est légalement possible en vertu de l’intérêt général.

Le texte énonçant le principe d’Egalité devant la loi, sa limite et son exception, autorise donc des discriminations légales, via la notion d’intérêt général.

        

Des dispositions de lois très attendues que nous saluons

Cette première partie est indifférente à l’idéologie qui sous-tend le projet de loi étudié – nous nous intéressons uniquement aux mesures concrètes et positives qui y figurent. Elles sont intéressantes parce que protectrices, et reconnaissent l’existence de spécificités féminines sans tomber dans l’écueil de la « discrimination positive ». Elles favorisent les femmes sans jouer au détriment des hommes.

  1. Cette loi propose dans son titre II, portant sur la précarité des femmes, la possibilité d’un autre système de paiement pour les assistantes maternelles, permettant aux familles de ne pas attendre les impôts avant de bénéficier de l’abattement : « Afin d’aider les familles modestes à recourir à l’offre d’accueil par les assistants maternels, le versement en tiers payant, directement à l’assistant maternel agréé, du complément de libre choix du mode de garde normalement versé au parent employeur est expérimenté. »
  1. La loi crée une autorisation d’absence pour permettre aux conjoints de se rendre aux rendez-vous médicaux concernant la grossesse : « Le conjoint salarié de la femme enceinte  ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle bénéficie également d’une autorisation d’absence pour se rendre à trois de ces examens médicaux obligatoires au maximum. »
  1. Elle met en place une protection de la femme enceinte dans le cadre des professions libérales : « La collaboratrice libérale en état de grossesse médicalement constaté a le droit de suspendre sa collaboration pendant au moins seize semaines à l’occasion de l’accouchement. À compter de la déclaration de grossesse et jusqu’à l’expiration d’un délai de huit semaines à l’issue de la période de suspension du contrat, le contrat de collaboration libérale ne peut être rompu unilatéralement, sauf en cas de manquement grave aux règles déontologiques ou propres à l’exercice professionnel de l’intéressée, non lié à l’état de grossesse. »
    « Le collaborateur libéral a le droit de suspendre sa collaboration pendant onze jours consécutifs suivant la naissance de l’enfant, durée portée à dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples. À compter de l’annonce par le collaborateur libéral de son intention de suspendre son contrat de collaboration après la naissance de l’enfant et jusqu’à l’expiration d’un délai de huit semaines à l’issue de la période de suspension du contrat, le contrat de collaboration libérale ne peut être rompu unilatéralement, sauf en cas de manquement grave aux règles déontologiques ou propres à l’exercice professionnel de l’intéressé, non lié à la paternité. »
  1. La loi prend en compte les différences de sexe dans l’évaluation des risques professionnels. Le projet de loi-cadre modifie ainsi l’article L. 4 121-3 du code du travail : « Cette évaluation des risques tient compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe. »
  1. La procédure pour les victimes de violence est également modifiée : actuellement une « médiation » est obligatoire en cas de plainte pour violences conjugales, soit une entrevue entre les deux conjoints en conflit, en présence d’une tierce personne – en pratique, il s’agit davantage d’une confrontation que d’une médiation. Avec cette loi, la séance de médiation n’aura lieu que si la victime le demande.
  1. Un article prévoit que le personnel judicaire et policier reçoive une formation concernant les violences faites aux femmes. Il est temps que cesse le mauvais accueil réservé aux femmes victimes de viol dans certains services.
  1. Nous approuvons également la tentative d’accélération des procédures, ainsi que le renforcement du système préventif, pour les victimes de violence.
  2. Nous saluons enfin, et en particulier, la disposition suivante visant à encadrer strictement les concours de « Mini Miss » – en nous interrogeant toutefois sur la raison pour laquelle cette disposition, qui augmente les possibilités de contrôle de l’État, figure sous le titre concernant l’autorité parentale : « Toute personne qui organise un concours d’enfants de moins de seize ans fondé sur l’apparence doit obtenir l’autorisation préalable du représentant de l’État dans le département. Seuls les concours dont les modalités d’organisation assurent la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant et de sa dignité peuvent être autorisés. »

Des attentes laissées en suspens, des titres vides

Dans une loi dont l’emballage semble aussi prometteur, nous constatons avec consternation que certains titres sont pratiquement vides… Et que le traitement de nombreux problèmes reste très décevant.

  1. Le Titre III bis, « Dispositions visant à préserver l’autorité partagée et à privilégier la résidence alternée pour l’enfant » est… entièrement vide.   Le titre était pourtant prometteur : à l’heure où le divorce concerne un couple sur cinq, reconsidérer la question de l’autorité partagée semble répondre à une demande sociale très saine, voire à une véritable urgence. Mais ce titre reste vide. N’y figure que la disposition concernant le contrôle strict par l’État des concours de beauté pour les enfants de moins de 16 ans. L’autorité partagée aujourd’hui, c’est donc l’autorité du père, de la mère et de l’État. Voilà qui rend perplexe.
  1. Les questions de justice salariale sont traitées par la création de nouveaux conseils et commissions – nouveau camouflage bureaucratique. Le phénomène, lourdement réel et concret, des inégalités salariales, n’est pas un problème exclusivement féminin – voire féministe : c’est le fonctionnement économique global de la France qui est en jeu.  Il est faux de penser que ces inégalités salariales trouvent leur explication sociale dans une misogynie organisée par le « Patriarcat ». Elles sont le fruit d’une réalité : la vie d’une femme en entreprise est souvent conditionnée et limitée par ses congés maternité, avec pour conséquence la tentation pour les entreprises d’éponger le préjudice des grossesses en limitant ou n’augmentant pas le salaire des femmes.Lors de la négociation de salaire, l’entreprise négociera en réalité le temps d’absence de la salariée en congé et ses impacts sur l’entreprise. Lors du départ en congé maternité d’une salariée, l’entreprise continue de payer l’URSSAF, et la salariée absente est toujours comptée au nombre des salariés de l’entreprise, ce qui peut poser de réels problèmes de seuil pour la société. En outre, les difficultés et la précarité de l’embauche sur ce poste vacant – pour une durée qui peut aller jusqu’à 5 ans en cas de congés à répétition – sont un poids réel pour l’employeur. Aucune solution véritable – donc globale – n’est envisagée à l’heure actuelle.« A situation égale, traitement égal » – or une femme n’est pas dans la même « situation » qu’un homme. La négociation des salaires prend en compte les inégalités réelles de situation avec beaucoup moins de scrupules que la loi, qui ignore les réalités temporelles de la vie d’une femme.         Or la maternité ne doit pas être vécue comme un handicap dont le poids serait supporté uniquement par les femmes. Des solutions financières concrètes sont à envisager afin de permettre aux entreprises d’employer des femmes en âge d’enfanter, sans que les employeurs ne subissent un préjudice en cas de congé maternité.
  1. La question des violences faites aux femmes est symptomatique d’un système judicaire qui va mal. Peut-être serait-il temps prendre le problème à bras le corps et de ne pas laisser madame Taubira défaire d’un côté ce que madame Vallaud-Belkacem prétend faire de l’autre. Si les femmes sont les premières victimes de violences, elles sont loin d’être les seules – une réforme pénitentiaire et judiciaire est impérative.

       

Des dispositions idéologiques et liberticides

Si nous saluons certaines des prises de positions gouvernementales, sous réserve de leur application, il n’en va pas de même du reste des dispositions – en particulier de celles mentionnées ci-dessous. Deux dimensions sont à considérer : d’une part, le caractère très idéologique, voire mensonger, de ces dispositions et, d’autre part, leur impact économique réel – elles aboutissent souvent à réduire les charges de l’État au détriment des familles les plus modestes, sans que la situation des femmes ne soit jamais prise en compte.

Réforme du congé parental

La réforme du congé parental, telle que ce projet de loi la prévoit, a des objectifs très clairs – « remettre mesdames au travail » – qui, sous couvert d’égalité, représentent pour les intéressées une évidente perte de droits.

Dans un couple dont la situation financière est modeste, le second conjoint ne peut pas se permettre de prendre six mois de congé parental : dans la plupart des cas, la mère reprendra plus vite le travail, l’enfant ira à la crèche, et l’État économisera ces six mois de congé parental sur le dos des familles – la réforme aurait-elle pour seul objectif de réduire la dette de l’État ?

Le projet de loi souligne, par ailleurs, une réalité à laquelle il ne remédie guère : les congés maternité à répétition posent un véritable problème aux petites et moyennes entreprises, raison principale de la discrimination à l’embauche des femmes en âge d’être mères. Plutôt que de chercher une véritable solution économique permettant de faciliter leur recrutement, madame Vallaud-Belkacem supprime six mois de congé parental, ce qui frappera les familles en précarité, et jusqu’aux classes moyennes. S’agit-il d’une mesure favorisant l’égalité, ou d’une façon détournée de faire des économies ?

Par ailleurs, si les pères de familles prennent à l’avenir de façon systématique les six mois de congé auxquels la loi leur donnerait droit, ce sont tous les jeunes couples de la tranche d’âge 25 -30 ans qui se trouveront discriminés à l’embauche, et non plus seulement les femmes. Faire en sorte qu’un problème devienne général et non plus spécifique, ce n’est pas résoudre ce problème…

Suppression de la notion de détresse dans la règlementation de l’IVG

Supprimer la notion de détresse de la législation sur l’IVG revient à nier la souffrance de la femme qui avorte. Les promoteurs de cette disposition invoquent le nombre limité des avortements qui remplissent effectivement cette condition de « situation de détresse ».

Mais l’abolir revient à accréditer dans les esprits l’idée qu’il existerait des « avortements de confort » anodins et indolores, et à faire de l’avortement l’équivalent d’une « séance de rattrapage » contraceptive. Ce faisant, l’État se dédouane de ses responsabilités : si l’avortement est un « droit » positif dont l’exercice n’évoque plus la moindre notion de souffrance, l’aide post-traumatique aux avortements que prévoyait la loi Veil devient inutile et l’on peut s’attendre à ce qu’elle soit supprimée – or il est reconnu que les femmes ayant subi un avortement ont, pour la plupart, besoin de soutien psychologique.

Par ailleurs, l’avortement étant la seule solution proposée dans chaque cas de grossesse non désirée, il est entendu que celles qui auraient besoin de structures d’accueil et de protection parce qu’elles ont décidé de garder l’enfant, ne sont plus en mesure de demander légitimement aucune aide.

Les dispositions du gouvernement secondent la tyrannie technique, et l’État se démet à nouveau de ses responsabilités sociales, puisque l’avortement est promu comme réponse unique à la question des grossesses non désirées. Pour ne pas avoir à régler un problème de société, il semble plus simple d’en nier l’existence – la suprême habileté consistant à le transformer, ainsi que la souffrance qui l’accompagne, en droit positif et libérateur.

Punition pénale pour les sites concurrents à l’IVG

Informer sur les risques liés à l’avortement et les solutions alternatives devient aujourd’hui un délit d’entrave. L’article L. 2223 -2 du code de la santé publique est en effet ainsi modifié :

« 1° Au premier alinéa, après la seconde occurrence du mot : « empêcher », sont insérés les mots : « de pratiquer ou de s’informer sur » ;

2° Au dernier alinéa, après les mots : « y subir », sont insérés les mots : « ou s’informer sur ». Remise en situation, cette disposition prévoit donc que soit « puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption de grossesse ou les actes préalables prévus par les articles L.2212-3 à L.2212-8 : – soit en perturbant de quelque manière que ce soit l’accès aux établissements mentionnés à l’article L. 2212-2, la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces établissements ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ; – soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans ces établissements, des femmes venues y subir ou s’informer sur une interruption volontaire de grossesse ou de l’entourage de ces dernières ».

Ces modifications visent à condamner les sites dits « pro-life » en les accusant de faire obstacle à l’information. Il s’agit d’une atteinte sans pareille à la liberté d’expression, qui contrevient à une liberté de choix effective. Pour qu’un choix soit éclairé, il ne suffit pas d’avoir accès aux renseignements techniques de l’un des termes de l’alternative, il faut encore pouvoir confronter le pour et le contre. Donner pour seule « information » à la femme confrontée à une grossesse non délibérée un manuel technique de l’avortement, comme celui que propose www.ivg.gouv.fr, ce n’est pas éclairer le choix, mais supprimer l’alternative.

Lutte contre les stérotypes dans les émissions de radio et les télécommunications audio-visuelles.

L’article 16 « assure le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle. À cette fin, il veille, d’une part, à une juste représentation des femmes et des hommes dans les programmes des services de communication audiovisuelle et, d’autre part, à l’image des femmes qui apparaît dans ces programmes, notamment en luttant contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples. Dans ce but, il porte une attention particulière aux programmes des services de communication audiovisuelle destinés à l’enfance et à la jeunesse. »

Cette mesure omet de préciser qui s’arrogera le droit de censurer les « stéréotypes », et comment cette autorité déterminera si un « stéréotype » est bon ou mauvais. Tout « stéréotype » est-il mauvais en soi ? Ou bien doit-on considérer comme mauvais tout ce qui est inégal ? Mais qu’est-ce qui est inégal ? Les questions sans réponses auxquelles aboutit cette disposition en manifestent l’absurdité – une loi provoquant un tel enchevêtrement de questions, sur la base d’une vulgarisation idéologique et politique des gender studies universitaires, n’a pas lieu d’être. Cette disposition est manifestement contraire à la nature et à la finalité de la loi, qui doit donner un cadre clair à la vie publique.

Exit « bonus paterfamilias »

L’expression « en bon père de famille » disparaît de la jurisprudence, remplacée par « raisonnablement ». « À l’article 601, au 1° de l’article 1728, à l’article 1729 et au premier alinéa de l’article 1766, les mots : « en bon père de famille » sont remplacés par le mot : “raisonnablement” ».

Évidemment, les deux termes n’étant pas synonymes, et une métaphore étant remplacée par une platitude, il s’agit d’une perte de richesse sémantique pour la jurisprudence. Cette modification est complètement inutile, concernant une notion juridique dont la valeur dépasse la question des représentations sexuées.

La notion de « bon père de famille » provient directement de l’expression bonus pater familias. Il désigne l’attitude d’un individu normalement prudent et diligent, attentif, soucieux des biens et/ou des intérêts qui lui sont confiés comme s’il s’agissait des siens propres.

Ce changement sémantique superflu montre que le gouvernement veut couper notre droit de son histoire pour satisfaire quelques susceptibilités féministes.

Le nom d’épouse disparaît : étape vers la disparition du foyer fiscal    

Il convient, avant d’évoquer cette disposition, de rappeler que la femme en France n’a jamais juridiquement changé de nom pour prendre celui de son époux ; le nom de l’époux est seulement un nom d’usage toléré et valable dans les documents administratifs. Ce nom d’usage rattachait en principe la femme et les enfants (dont la filiation est certaine) au père, instaurant une primauté de la filiation juridique sur la filiation biologique.

Avec la nouvelle loi, l’usage du nom de l’époux disparaît totalement des pratiques administratives. Cette perte peut sembler aussi anodine que la disparition du terme « Mademoiselle » dans la législation et l’administration. Or, qu’il s’agisse de la civilité « Mademoiselle » ou du nom d’épouse, l’objectif poursuivi est de supprimer dans la pratique administrative la différence entre une mère de famille mariée et une femme célibataire. Le rattachement au père est estimé inutile à la construction de la cellule familiale, comme l’est celui de Madame à Monsieur. Les retombées d’ordre symbolique de cette disposition sont considérables.

Ces changements par petites touches signent dans le droit et dans sa traduction administrative la disparition de la famille. Si celle-ci n’a plus de réalité juridique, elle perdra sa réalité sociale. Cela n’a rien d’une spéculation, puisque les réformes fiscales prévoient la disparition du « foyer fiscal », qui permet notamment des abattements d’impôt pour les familles et fait exister la cellule familiale dans l’univers fiscal.

La raison sous-jacente de cette disposition hypocrite, à dimension symbolique et idéologique très forte, doit-elle être cherchée dans la volonté de préparer les futures économies que permettra la dissolution administrative de la cellule familiale ?

Parité à outrance 

L’article 18 bis de la loi prévoit :
« 1° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2122-7-2, après le mot : “listes,”, sont insérés les mots : “le premier candidat est de sexe différent de celui du maire”. » Par ailleurs, « Le titre IV (articles 18 à 23) a pour objet la mise en œuvre de l’objectif constitutionnel de parité. Les mesures proposées ont notamment pour objet :

Le dernier chapitre de cette loi concerne la parité homme-femme. Dans l’esprit de madame Vallaud-Belkacem, la parité désigne la représentation égalitaire des hommes et femmes dans l’ensemble de la société, par l’imposition de quotas.

Soucieuses de la complémentarité hommes-femmes et de la véritable prise en compte des compétences féminines, nous nous inquiétons de telles dispositions. La parité à grands renforts de quotas et d’obligations recrée une misogyne ordinaire : elle renforce le présupposé selon lequel une femme n’occupe pas sa position sociale parce qu’elle est compétente, mais parce qu’elle contribue à remplir un quota légal. Ce type de dispositions paritaires propulse à tous les échelons de la société des prête-noms qui véhiculent, malgré elles, une image d’incapacité, puisqu’elles ne souhaitent pas réaliser pleinement la mission qui leur est confiée – le fait est particulièrement évident dans le domaine politique, où le fait de préférer telle ou telle personne en fonction de son sexe plutôt que de ses compétences réelles est inquiétant pour le bon fonctionnement de la société.

Nous préférons réaffirmer la compétence réelle des femmes à exercer des postes clés, privilégiant la qualité à la quantité. Nous demandons le respect des compétences féminines, et la suppression des dispositions légales favorisant la misogynie ordinaire.

Afin de favoriser l’égal accès des femmes aux postes clés, pourquoi ne pas préférer de véritables changements concrets, permettant aux femmes qui le souhaitent de s’engager – comme, tout simplement, l’aménagement des horaires de réunions, la mise en place de crèches d’entreprise, ou encore l’accès aux formations de cadre pour les mères de famille ?

       

      

Conclusion

Malgré les quelques mesures concrètes positives soulignées au début de cette étude, l’ampleur des aberrations dénoncées nous conduit à rejeter sans appel l’ensemble de ce pack législatif. Symptomatique de notre temps, cette loi touche aux conséquences et non aux causes, oscille entre le concret et l’idéologie.

La tentative de synthèse entre égalitarisme moderne et différencialisme postmoderne semble vouée à l’échec – c’est l’alliance de la carpe et du lapin, ou l’art de tenir ensemble des contradictions dans une même proposition sans apporter la moindre solution réaliste aux problèmes de société.

Epilogue

Cette analyse de la loi dite de l’égalité homme-femme, et de l’ « égalité intégrée » qu’elle propose, montre les impasses et l’hypocrisie des dispositions idéologiques/ économiques que le gouvernement s’apprête à prendre, en l’absence d’un débat public véritablement transparent et constructif. Le principe d’Égalité demande à être fondé sur un principe de Justice, en vue du bien social. A l’hypocrisie et aux contradictions des politiques égalitaires, nous préférons la notion réaliste et concrète d’inégalités protectrices.

Mettre en place une politique sociale d’inégalités protectrices, c’est employer une méthode réaliste et concrète permettant d’appliquer à des situations différentes des traitements différents.Cette notion doit être formulée non plus comme une limite, mais comme une exception – c’est à dire une règle de même valeur que celle qu’énonce le principe. En effet, ces inégalités protectrices doivent trouver leur limite dans l’objectivité des différences de situation, et n’être qu’une exception à l’égalité devant la loi, exception exclusivement motivée par l’intérêt général. La différence sexuelle peut, dans des situations concrètes et objectives, comme la maternité, ou encore devant le constat réaliste de la fragilité physique de la femme en cas de violences, fonder des mesures protectrices inégalitaires. L’égalité devant la loi est inefficiente et vaine lorsqu’il s’agit de protéger les femmes des violences dont elles sont l’objet, ou encore de proposer des solutions concrètes aux femmes que leur condition sexuée place en situation précaire – en raison notamment de la maternité.

Traiter de la question féminine ne revient pas à se préoccuper du cas d’une minorité particulière qui bénéficierait de privilèges de groupe. Les mesures qui concernent les femmes intéressent l’ensemble de la société. La question féminine ne doit pas être l’apanage d’un ministère prétendant représenter les femmes comme un groupe à part, et dont les compétences se superposent à celle des autres organes gouvernementaux – elle doit être envisagée dans chaque ministère, chaque fois que la matière traitée le réclame, afin d’intégrer la politique concernant les femmes dans une vision d’ensemble cohérente et efficace. Émanant d’un ministère des Droits des femmes aux compétences floues et non spécialisées (puisque ce sujet concerne toute la société), les dispositions de cette loi traitent les questions réelles de façon partielle, fragmentaire, idéologique. Ce constat d’incompétence est particulièrement flagrant lorsqu’il s’agit de traiter la situation économique des femmes en âge d’enfanter ; il est le symptôme d’un gouvernement qui ignore les véritables problèmes de la société française.

Les Antigones

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