Eric Denécé, directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R)
L’impérialisme américain qui se manifeste par le fer et le feu, est facilement observable. Plus subtil est l’arme anti-terrorisme et anti-corruption utilisée par la « justice » américaine pour asseoir sa suprématie dans le monde entier.
On se rappelle du scandale du procès intenté à la Banque française BNP Paribas, par les USA. La banque française devait répondre du fait de ne pas avoir respecté l’embargo décrété par les USA contre l’Iran. La « Justice » américaine a puni BNP Paribas en lui imposant une amende si énorme que la banque ne s’en est toujours pas relevée:
La BNP Paribas a été formellement condamnée par la justice américaine, vendredi 1er mai [2015] , à payer l’amende de 8,9 milliards de dollars (près de 8 milliards d’euros) faisant partie d’un accord annoncé en juillet avec des régulateurs pour violations d’embargos des Etats-Unis. (Source)
Vladimir Poutine, a dénoncé, il y a quelques jours, l’intrusion de la « Justice »américaine dans n’importe quel pays au mépris du Droit international, à propos du procès des membres de la FIFA. (Voir ou revoir la vidéo ci-dessous).
A la faveur des attentats du 11 septembre, la NSA a été dotée de moyens d’espionnage exorbitants qui sont à l’origine de ces procès intempestifs; au nom de la lutte contre le terrorisme et contre la corruption, l’agence américaine utilise des moyens d’espionnage illicites, tant du point-de-vue du Droit américain, que du Droit international, et en fait profiter le FBI et la « justice » américaine, au mépris de toute déontologie, selon le principe de la loi du plus fort.
Eric Denécé, docteur en Science Politique, directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) explique le processus sur Atlantico:
Nous savons que la NSA, depuis le Patriot Act qui a déjà largement augmenté ses possibilités d’action, est très largement utilisé à des fins économiques plutôt que contre-terroristes. (…). Sous couvert de lutte contre le terrorisme, les Etats-Unis écoutent la planète entière, souvent pour faire de l’espionnage de la concurrence, et pour asseoir la domination des entreprises nationales sur les marchés, sur le contrôle des technologies, et le contrôle des ressources naturelles principalement.
C’est la principale mission de la NSA.
Depuis l’été dernier, nous savons aussi que les Américains écoutaient les dirigeants européens qu’ils soient politiques ou économiques. Ces mêmes observations se retrouvent également chez les dirigeants chinois. Cela leur permet également de faire pression sur les individus dès lors qu’ils ont quelque chose à cacher.
(…) C’est par le biais d’un faisceau d’observation (et pour l’essentiel elles sont issues des révélations d’Edward Snowden) que nous pouvons tendre vers l’idée que cette hypothèse est crédible.
Dans le cas précis du scandale de la FIFA, il faut savoir que la lutte anti-corruption est l’une des principales armes employée par les Américains, (…) pour s’attaquer à leurs concurrents politiques et économique. Ceux-ci ont décrété que leurs normes étaient obligatoires partout dans le monde. Cela est rendu possible par le fait que la moindre transaction en dollars, ou une quelconque activité sur leur territoire, les rend justiciables aux yeux des Américains. Le FBI, comme dans l’affaire de Sepp Blatter, peut alors prendre le relais et porter les affaires sur le plan de la justice internationale.
(…) Avec ce système, les Américains ont compris deux choses : premièrement ils ont développé des armes anti-corruption pour que personne ne puisse gagner des contrats dans le monde grâce à la corruption, et cela leur donne dans le même temps l’arme de la pression. D’un côté ils ont contribué à faire évoluer les normes en matière de corruption, mais ils l’ont également utilisé pour écarter des contrats des personnes morales ou physiques étrangères. »
En d’autres termes, seuls les Américains peuvent utiliser l’arme de la corruption.
« Les données récoltées par la NSA ne sont pas utilisables dans les juridictions internationales ou par le FBI. En revanche, il est possible de les transformer en preuves légales : les informations sont transmises aux autorités judiciaires américaines, en l’occurrence le FBI, lequel sait désormais où chercher. Il suffit alors aux agents de demander dans le cadre d’une commission rogatoire à un fournisseur d’accès à internet ou à un opérateur téléphonique de mettre sur écoute l’individu ciblé, et de retrouver alors les preuves que la NSA avait déjà identifiées pour une poursuite judiciaire.
Donc, les USA et la « justice » américaine, qui se présentent en championnes de la lutte contre la corruption, contournent allègrement leur propres lois quand ça les arrangent.
« Si ce type d’utilisation était effectivement observé en France [en raison de la loi sur le renseignement votée récemment en France], cela se cantonnerait au territoire national. Or aujourd’hui le droit américain s’applique dans le monde. Prenons l’exemple d’une société allemande qui ferait des affaires avec l’Indonésie. Même s’il n’y a pas de concurrence avec une entreprise américaine, le droit américain s’appliquerait malgré tout. Si la corruption a lieu en euro, mais qu’un mail concernant la corruption se faisait à travers un serveur américain comme Gmail, le droit américain s’applique également. Et comme les Etats-Unis, à travers la part principale du dollar dans les transactions internationales, ou par des technologies américaines, il est difficile de ne pas être touché. Cela leur donne des moyens de coercition rarement vus.
Ce dispositif technico-juridique leur donne une puissance extraordinaire : le vice-président Français d’Alstom mis en prison il y a plusieurs mois maintenant pour des soupçons de corruption s’est retrouvé lors de l’audience avec deux mails qu’il avait échangé un jour et qui servent aujourd’hui de preuve à charge contre lui. Les 14 mois de prison qu’il a fait jusqu’à aujourd’hui ne sont qu’uniquement liés à ces deux mails.
Cela leur permet dans le cas d’Alstom d’acheter une entreprise qui n’est pas à vendre, et de s’accaparer ses technologies.Mais ces outils ne se limitent pas dans leur utilisation à la sphère économique. La corruption faisant partie intégrante du commerce international. Les Américains ont alors une arme de chantage extraordinaire.
« Les Chinois, les Européens, et particulièrement les Français sont dans le collimateur des Américains. Si des entreprises américaines sont parfois épinglées, le montant des amendes qu’elles payent sont en moyenne 4 fois moins importantes. Les seuls qui s’en sortent sans dommage sont les Britanniques et les Israéliens.
Il serait possible de neutraliser rapidement ce dispositif par une volonté politique. Le point est essentiellement juridique, et nous avons donc les moyens d’y répondre. » (Source: Atlantico)
Mais apparemment la volonté politique est paralysée en France, face à l’Empire. La seule leçon retirée par les autorités françaises semble être d’utiliser les mêmes méthodes mais en interne avec la loi sur le Renseignement, récemment votée, qui ressemble comme une soeur au Patriot Act américain.
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