Cela faisait 600 ans que les Anglais détenaient une bague qu’ils avaient volé directement ou indirectement à Jeanne d’Arc qu’ils étaient venus supplicier en France. Non contents de ne pas l’avoir rendue à la France depuis tout ce temps, ils ont en plus l’audace de vouloir la récupérer maintenant qu’enfin elle est de retour en France, après que l’association du Puy-du-Fou l’ait payée très cher aux enchères à Londres.
Nicolas de Villiers, « chargé de rapporter la sainte relique d’Angleterre » explique comment le Puy-du-Fou entend ne pas céder:
Nicolas De VILLIERS – [La sommation de l’Art Council of England] est sans fondement solide, puisqu’en réalité, le règlement européen qu’invoquent nos amis Anglais pour récupérer l’anneau nous protège. Il y est précisé que l’obligation de licence d’exportation ne concerne que les biens culturels qui quittent le territoire de l’Union européenne. Entre les différents pays membres de l’UE, comme l’Angleterre et la France, ce même texte garantit au contraire la libre circulation de ces biens culturels. Les Anglais font là un détournement de procédure. Nous pourrions d’ailleurs aller plus loin en avançant un argument diplomatique de poids. D’après la Convention de l’Unesco de 1970 également invoquée par les Anglais, «sont considérés comme illicites l’exportation et le transfert de propriété forcés de biens culturels résultant directement ou indirectement de l’occupation d’un pays par une puissance étrangère.» Or l’anneau, dont il a été scientifiquement prouvé que c’est celui de Jeanne d’Arc, avait été confisqué par les Anglais pendant la Guerre de Cent ans, qui est une période d’occupation. Tous les éléments sont réunis. S’ils persistent, les Anglais vont vers un trouble diplomatique majeur. À presque de dix jours de l’échéance imposée par les Anglais, quel est votre état d’esprit?
Nous l’attendons de pied ferme, avec une grande sérénité. Cette aventure ubuesque ne nous fait pas peur. Je suis certain que nous gagnerons, mais je ne sais ni quand, ni comment. Cet anneau est tout ce qu’il nous reste de Jeanne d’Arc. Il est absolument hors de question de le céder. Les Anglais ont intérêt à affûter leurs armes parce que nous affûtons les nôtres et sommes prêts à monter au créneau.
Comment expliquer cet acharnement des Anglais?
Les Anglais savaient très bien ce qu’ils avaient dans les mains. Leurs archives sont abondantes à ce sujet. Leur erreur a été de sous-estimer non pas la valeur de l’anneau, mais la probabilité que des Français se présentent aux enchères. Probabilité d’ailleurs très faible, puisque nous-mêmes avons eu vent très tard de ces enchères et nous ne nous sommes inscrits que 24h avant. À cause de ce manque de vigilance, ils ont vu l’anneau quitter leur territoire sans avoir eu le temps de le préempter comme trésor national. S’ils tiennent tant à le faire revenir sur leur territoire, c’est pour rectifier cet oubli. Cette obstination est délirante quand on sait que cet anneau était celui d’une héroïne française brûlée par les Anglais. J’ai de nombreux contacts en Grande-Bretagne depuis que nous y préparons un spectacle sur leur Histoire. Et d’après ces échos, les Britanniques eux-mêmes voient mal comment le gouvernement anglais pourrait aller plus loin dans cette requête sans se ridiculiser. C’est amusant de voir qu’il est fort probable que nous ramenions les Anglais à la raison, eux qui sont d’habitude si raisonnables. (…)
Cette affaire a déchaîné en France un engouement surprenant. Vous y attendiez-vous?
Très honnêtement, nous avons été les premiers surpris par l’engouement extraordinaire suscité par la récupération de cet anneau. Depuis le début de l’affaire, les manifestations de joie, les réactions vives et passionnées, souvent touchantes, nous submergent par courrier, par mail, par oral. Hier encore, dans le train, une femme s’est adressée à moi d’un ton suppliant: «S’il vous plaît, ne rendez pas l’anneau aux Anglais.» Cela nous a surpris mais c’est aisément compréhensible. Cette affaire remonte à six siècles, mais elle est chargée de symboles qui donnent une image de la grandeur nationale. Je pense que les Français ont été heureux de voir que leur pays est encore capable de panache. (…)
(Source: Le Figaro)
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Emilie Defresne
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