Une policière municipale niçoise affirme avoir reçu des pressions du ministère de l’Intérieur pour modifier son rapport sur le dispositif de sécurité policière du 14 juillet, parmi lequel l’effacement des images de vidéosurveillance de la course meurtrière du Tunisien Mohamed Lahoueiej-Bouhlel au volant de son camion meurtrier. A son tour Bernard Cazeneuve annonce qu’il va porter plainte contre elle pour diffamation… Impossible de ne pas se demander si ce dépôt de plainte n’est pas une pression supplémentaire exercée contre la policière municipale, pour atténuer des responsabilités d’Etat ?
Sandra Bertin, chef du Centre de supervision urbain (CSU) de Nice et secrétaire générale du Syndicat autonome de la Fonction publique territoriale (SAFPT) Métropole-Ville de Nice, était en poste le 14 juillet au soir, lors du massacre islamique au camion sur la Promenade des Anglais. C’est dans un entretien paru aujourd’hui au Journal du Dimanche que la policière met gravement en cause le ministère de l’Intérieur.
Voici les principaux extraits de l’interview qu’elle a donnée au Journal du Dimanche:
Je me rappellerai toute ma vie de cette heure-là : 22h33. J’étais devant les écrans du CSU avec les équipes. Nous recevons alors des policiers municipaux positionnés sur la Promenade le signalement d’un camion fou. Nous récupérons tout de suite son image à l’écran et nous demandons son interception. Le camion était lancé à 90 km/h, sans phares, sans qu’on l’entende à cause du bruit. Il contourne le barrage de la police municipale. Les équipes n’ont pas pu l’arrêter. On ne crève pas les pneus d’un 19 tonnes avec un revolver! A ce moment-là, d’autres policiers municipaux sont en civil dans la foule, qui se retrouvent face à lui. S’ils avaient été armés comme nos collègues de la police nationale, une de nos revendications, ils auraient pu le stopper. Le poids-lourd se retrouve finalement face aux policiers nationaux, qui tirent et le neutralisent. Il est 22h34. (…)
Le lendemain des attentats, le cabinet du ministre de l’Intérieur a envoyé un représentant au CSU qui m’a mis en ligne avec la place Beauvau. J’ai alors eu affaire à une personne pressée qui m’a demandé un compte-rendu signalant les points de présence de la police municipale, les barrières, et de bien préciser que l’on voyait aussi la police nationale sur deux points dans le dispositif de sécurité. Je lui ai répondu que je n’écrirais que ce que j’avais vu. Or la police nationale était peut-être là, mais elle ne m’est pas apparue sur les vidéos. Cette personne m’a alors demandé d’envoyer par email une version modifiable du rapport, pour « ne pas tout retaper ». J’ai été harcelée pendant une heure, on m’a ordonné de taper des positions spécifiques de la police nationale que je n’ai pas vu à l’écran. A tel point que j’ai dû physiquement renvoyer du CSU l’émissaire du ministère! J’ai finalement envoyé par email une version PDF non modifiable et une autre modifiable (…)
Suite à ces très graves accusations qui confirment ce que Christian Estrosi a lui-même affirmé immédiatement après l’attentat, le ministère de l’Intérieur dont les services sont directement mis en cause, annonce qu’il va porter plainte aujourd’hui pour « diffamation » après les « graves accusations » de Sandra Bertin.
La sous-direction antiterroriste avait demandé mercredi à la ville de Nice « l’effacement complet » des enregistrements « des caméras desservant la promenade des Anglais », ce qui a éveillé la méfiance des autorités niçoises qui ont refusé d’obtempérer à l’injonction.
L’effacement des bandes de vidéosurveillance est une affaire avérée et incontestée qui plaide en faveur du témoignage de ce chef de police urbaine.
Souhaitons que la Justice ne sera pas elle aussi sous pressions…
emiliedefresne@medias-presse.info
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