Youtube peut fournir la liste des spectateurs de certaines vidéos à un gouvernement

Un pas supplémentaire vient d’être franchi dans la surveillance de notre utilisation d’internet. A la demande du gouvernement des Etats-Unis, un juge a ordonné à YouTube de fournir les noms, adresses, numéros de téléphone et activités des utilisateurs de comptes YouTube, ainsi que les adresses IP, de tous ceux qui ont visionné certaines vidéos sélectionnées.

Bien sûr, on vous dira que c’est dans un contexte très particulier relatif à une enquête criminelle fédérale (concernant un vendeur de Bitcoins soupçonné de blanchiment d’argent). Mais les faits sont là : Google, la société mère de YouTube, a été contrainte de livrer les données de dizaines de milliers d’utilisateurs (on parle de vidéos vues plus de 30 000 fois).

Et demain avec la criminalisation de la pensée ?

Si on considère la criminalisation de la pensée qui se propage largement en Occident, comment ne pas craindre qu’à l’avenir de telles mesures soient prises concernant les spectateurs de vidéos dites « complotistes », « d’ultra-droite », « anti-vax » ou encore « russophiles ».

Rappelons que la république française a renforcé cette année son arsenal répressif, permettant même de poursuivre devant les tribunaux ceux qui contesteront le discours officiel en matière de santé et de remèdes ou encore de condamner ceux qui auraient tenu des propos « discriminatoires » dans un cadre privé.

Des groupes de défense des droits civiques ont exprimé leur inquiétude, affirmant que de telles ordonnances menacent de transformer des spectateurs innocents de YouTube en suspects criminels.

Notons que les personnes qui regardent des vidéos sans être connectées à un compte ne sont pas à l’abri, puisque le gouvernement des Etats-Unis a également demandé l’adresse IP des spectateurs des vidéos incriminées.

Idem pour les émissions en direct sur YouTube

Dans le cadre d’une autre affaire récente, les autorités américaines ont exigé de Google la liste des comptes qui avaient « visionné et/ou interagi » avec huit émissions en direct sur YouTube. Or, l’une de ces vidéos a été publiée par le compte Boston and Maine Live, qui compte plus de 130 000 abonnés.

Un porte-parole de Google a déclaré à Forbes que l’entreprise suivait un « processus rigoureux » pour protéger la vie privée de ses utilisateurs : « Pour toutes les demandes des forces de l’ordre, nous avons mis en place un processus rigoureux destiné à protéger la vie privée et les droits constitutionnels de nos utilisateurs tout en soutenant le travail important des forces de l’ordre », a déclaré Matt Bryant, porte-parole de Google. « Nous examinons la validité juridique de chaque demande, conformément à la jurisprudence en vigueur, et nous nous opposons systématiquement aux demandes de données d’utilisateurs trop vastes ou inappropriées, y compris en nous opposant complètement à certaines demandes ».

Sans compter « les mandats de géofence »

Albert Fox-Cahn, directeur exécutif du Surveillance Technology Oversight Project, s’inquiète aussi de ce qu’on appelle  « les mandats de géofence », qui obligent Google à fournir des données sur tous les utilisateurs se trouvant à proximité d’un lieu de crime.

« Ce que nous regardons en ligne peut révéler des informations très sensibles sur nous – nos convictions politiques, nos passions, nos croyances religieuses, et bien plus encore », a déclaré John Davisson, conseiller principal au Electronic Privacy Information Center (Centre d’information sur la vie privée électronique). « Il est normal de s’attendre à ce que les forces de l’ordre n’aient pas accès à ces informations sans motif valable. Cette ordonnance renverse cette hypothèse ».

Pierre-Alain Depauw

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