La date choisie du 20 mars pour la rencontre entre xi Jinping et Vladimir Poutine n’est déjà pas anodine : c’est le jour anniversaire de l’invasion de l’Irak par les États-Unis
A peine confirmé la nomination de Xi Jimping pour la troisième fois consécutive à la tête de la République populaire de Chine, Pékin annonçait dans la foulée vendredi dernier que le président chinois Xi Jinping se rendrait à Moscou du lundi 20 au mercredi 22 mars pour s’entretenir avec le président Vladimir Poutine. Il est arrivé en ami hier à Moscou. Les États-Unis et l’Europe derrière eux regardent avec « une grande attention » cette visite de Xi Jinping à Moscou qui les a pris de surprise.
La date choisie du 20 mars n’est déjà pas anodine : c’est le jour anniversaire de l’invasion de l’Irak par les États-Unis (et leurs alliés), qui « avait une haute valeur symbolique, celle d’annoncer au monde l’irrévocabilité de l’unilatéralisme américain » souligne le blog géopolitique italien Piccole Note. Un unilatéralisme que Poutine et Xi Jinping, -et de nombreux pays émergents derrière eux-, en choisissant le 20 mars pour se rencontrer remettent largement en cause aujourd’hui. « Poutine et Xi, qui travaillent à la construction d’un nouvel ordre multipolaire, ont décidé d’annoncer officiellement leur perspective mondiale à l’occasion de cet anniversaire fatidique » continue Piccole Note.
La visite de Xi à Moscou revêt donc une importance considérable, peut-être historique. L’importance de la visite est également indiquée par sa durée, soit deux jours : une rencontre non pas symbolique, mais de travail. Tandis que les pourparlers entre les deux hommes d’État étaient en cours à Moscou, rapporte Zero Hedge, « Alors que s’échangeaient les cordialités et les expressions de rapprochement attendues, l’une des premières déclarations les plus marquantes fut celle de Poutine, qui s’est dit « ouvert » à des pourparlers de paix avec l’Ukraine et aux efforts de médiation de la Chine ».
Vladimir Poutine s’est dit « ouvert » à des pourparlers de paix avec l’Ukraine et aux efforts de médiation de la Chine
Face à ces tractives de paix chinoise, la réponse de Washington a été un niet brutal. Avant même que Xi Jinping ne décolle pour Moscou, la Maison Blanche a condamné vendredi dernier toute éventuelle initiative de plan de paix négociée par la Chine concernant l’Ukraine. Le porte-parole de la sécurité intérieure de la Maison Blanche, John Kirby, a exprimé l’inquiétude des Etats-Unis face à un « mauvais accord » potentiel pour l’Ukraine. Selon lui, tout cessez-le-feu inconditionnel ne profiterait qu’à Poutine et à ses forces à ce stade. Ceci après qu’il a également été révélé que Xi devrait avoir un appel téléphonique avec l’Ukrainien Zelensky concernant le plan de paix en 12 points de la Chine. « Un cessez-le-feu maintenant… ratifierait effectivement la conquête russe », a déclaré Kirby. « Et, bien sûr, ce serait une autre violation continue de la Charte des Nations Unies. »
Les États-Unis montrent ainsi qu’ils craignent que l’intervention diplomatique et le plan de paix de la Chine n’entraînent d’importantes concessions territoriales, un cessez-le-feu inconditionnel qui stopperait l’offensive russe en Ukraine pourrait légitimer l’emprise de Moscou sur environ 17% du territoire ukrainien de l’est, à savoir la région du Donbass, où la Russie a fait des progrès ces derniers temps et est prête à prendre la ville stratégique de Bakhmut.
Par de telles déclarations, la Maison Blanche contredit son narratif sur l’Ukraine analyse Maurizio Blondet sur son blog :
« Le rejet préventif et catégorique de Kirby de tout éventuel cessez-le-feu va à l’encontre des déclarations répétées précédentes des États-Unis selon lesquelles la décision d’un cessez-le-feu appartient uniquement à Zelensky. La Maison Blanche a vraiment promu l’idée qu’elle n’est pas en arrière-plan pour prendre des décisions pour Kiev, mais que c’est l’administration Zelensky qui exerce ses choix souverains en matière de stratégie de guerre. Mais dans ce cas où Washington essaie de claquer la porte à une paix négociée par la Chine, il est clair qu’elle fait pression sur Zelensky pour qu’il fasse de même. Les États-Unis pourraient également être alarmés par l’ouverture de l’Ukraine à la Chine. »
Ce n’est pas l’Ukraine qui décide de la guerre et de la paix, comme le déclarent obsessionnellement les politiciens américains, mais Washington.
A l’appui de cette analyse, il faut noter la dernière interaction positive entre la Chine et l’Ukraine : jeudi dernier Dmytro Kuleba a déclaré s’être entretenu avec le conseiller d’État chinois et ministre des Affaires étrangères Qin Gang, où les deux ont discuté de « la signification du principe d’intégrité territoriale » et ont souligné l’importance de la « formule de paix » de Zelensky pour mettre fin à la guerre de la Russie, qui appelle en partie la Russie à retirer ses troupes de tout le territoire qu’il occupe en Ukraine.
Mais depuis que ce plan a été dévoilé, les États-Unis ont allégué des motifs cyniques derrière les efforts de paix de Pékin, bien que Zelensky ait laissé entendre qu’il était ouvert à des discussions approfondies avec les dirigeants chinois. Kirby a notamment déclaré que Moscou utilisera tout cessez-le-feu possible pour consolider les gains. Ainsi, les forces russes « seront fondamentalement libres d’utiliser ce cessez-le-feu pour renforcer davantage leurs positions en Ukraine ».
« Au-delà du détail, on peut noter la déconnexion des raisons données par Kirby pour donner une forme plausible au rejet d’une proposition aussi humanitaire que sensée ; le cessez-le-feu ne donne ni n’enlève rien à aucun des deux prétendants : il ne sert qu’à ouvrir un espace de négociations » rappelle Piccole Note.
Ainsi, non seulement les négociations, mais l’idée même qu’il puisse y avoir des négociations est rejetée avec mépris par les Etats-Unis. Après l’intervention de Kirby, il est maintenant incontestable qu’il s’agit d’une guerre par procuration des Etats-Unis contre la Russie faite sur la peau du peuple ukrainien. Jusqu’au dernier Ukrainien…
Francesca de Villasmundo
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