HOMÉLIE POUR LA FÊTE DE LA NATIVITÉ DE LA TRÈS SAINTE VIERGE MARIE

Permettez-moi d’exprimer mon salut aux chers parents, amis et proches de Claudio et de Fabrizio, qui se consacrent aujourd’hui au service du Très-Haut : non pas le jour de la Présentation au Temple, comme cela se passe habituellement, mais à l’occasion d’une autre fête mariale non moins importante. Tu es qui restitues hereditatem meam mihi. C’est toi qui m’assures mon lot (Ps 15, 5). Ce sont les paroles qui accompagnent le rite de la Tonsure, signifiant que l’abandon du monde représenté par la coupe des cheveux implique une perte des choses transitoires et changeantes, pour s’approprier celles éternelles et immuables.

Dans la Nativité de la Très Sainte Vierge Marie se confirme le parallèle entre la Vierge Mère et la Sainte Église

De même qu’en la fête de l’Assomption, de même dans la Nativité de la Très Sainte Vierge Marie se confirme le parallèle entre la Vierge Mère et la Sainte Église : elle est Reine et Dame comme son divin Fils est Roi et Pontife. La liturgie de ce jour béni est centrée sur le Mystère de l’Incarnation, pour lequel la Très Sainte Trinité a créé ab æterno (Pr 8, 23) Celle qui, assimilée à la Sagesse divine, serait l’Arche de l’Alliance, la Tour de David, le Tabernacle vivant du Très-Haut. Dès le premier instant de sa conception, Notre-Seigneur a consacré l’intégrité de la Mère de Dieu en la préservant du péché originel et en la gardant toujours vierge : quæ et Unigenitum tuum Sancti Spiritus obumbratione concepit ; et Virginitatis gloria permanente, lumen æternum mundo effudit, Jesum Christum Dominum nostrum. Elle qui, le Saint-Esprit la couvrant de son ombre, a conçu votre Fils unique et, sans perdre la gloire de la virginité, a mis au monde la lumière éternelle, Jésus-Christ notre Seigneur (Préface).

Saint Bernard appelle la Très Sainte Vierge Marie l’Aqueduc de la Grâce, parce qu’à travers Elle toutes les grâces et les bénédictions du Christ, la Source divine, nous parviennent. La Sainte Église est elle aussi un canal de Grâce à travers les Sacrements. Dans son sein, le Corps du Seigneur est formé mystiquement dans le Saint-Sacrement de l’Autel ; grâce au Sacerdoce, le Sacrifice de la Messe perpétue la présence de l’Emmanuel, Dieu avec nous.

Le vêtement clérical et la Tonsure que je m’apprête à conférer à Claudio et à Fabrizio au cours de cette célébration solennelle marquent le moment où ils choisissent librement de se consacrer au Seigneur et de renoncer au monde. Le rite du Pontifical Romain montre cette séparation avec ses signes extérieurs : la soutane noire, la coupe des cheveux, le surplis qui symbolise l’homme nouveau dont on doit se revêtir in justitia, et sanctitate veritatis. Le clerc cesse de vivre selon les coutumes du monde, même quand elles sont licites, pour suivre l’exemple du divin Maître : dans le monde, mais pas du monde. En effet, ce qui est du monde est profane et, en tant que tel, doit rester en dehors du temple, qui est précisément sacré et saint, c’est-à-dire séparé et inviolable parce qu’il est réservé au culte de Dieu (sacer) et ratifié par Dieu comme Sien (sanctus).

Mgr Viganò confère le vêtement clérical et la Tonsure à deux jeunes aspirants au Sacerdoce

Le clerc, avec sa robe austère qui rappelle silencieusement mais éloquemment la Croix du Christ, la pénitence, le renoncement, la mortification, est et doit être « hors du monde ». Pour cette raison, le monde déteste tout ce qui rappelle les réalités célestes, les signes extérieurs de la Religion, la Croix, les reliques des saints, les images sacrées et même la soutane qu’aujourd’hui vous endosserez pour toujours, et dont de manière significative se dépouillent ceux qui, bien que revêtus de l’Ordre Sacré, continuent d’appartenir au monde.

Cette cérémonie est le premier pas de l’itinerarium vers le Sacerdoce. Dans la liturgie de la Nativité de la Très Sainte Vierge Marie, et en particulier dans l’Épître tirée du Livre de la Sagesse, nous trouvons un point de départ pour notre méditation spirituelle : Et maintenant, mes fils, écoutez-moi ; heureux ceux qui gardent mes voies ! Écoutez l’instruction pour devenir sages ; ne la rejetez pas. Heureux l’homme qui m’écoute, qui veille chaque jour à mes portes, et qui en garde les montants ! Car celui qui me trouve a trouvé la vie, et il obtient la faveur du Seigneur. (Pr 8, 32-35).

Chers Claudio et Fabrizio, vous vous préparez à marcher vers un but, en suivant un chemin très précis. Vous êtes appelés à veiller chaque jour dans la demeure du Seigneur, à la lisière du Saint des Saints, afin qu’un jour vous soyez dignes d’offrir à la divine Majesté la Victime pure, sainte et immaculée, née d’une Vierge pure, sainte et immaculée. Et c’est pourquoi votre vie et tout votre être doivent avoir pour modèle le Christ, Victime et Prêtre, et Sa Très Sainte Mère, qui est notre Mère et qui, dans la Co-rédemption, s’est unie à la Passion du Seigneur. L’une et l’autre – la divine Sagesse et la Vierge Marie – s’adressent au cœur de chacun de vous : Mes délices sont d’être avec les enfants de l’homme (Pr 8, 31). L’Église vous répète aussi ces paroles, et vous devez vous-mêmes conjuguer vos devoirs envers Dieu avec la charité envers votre prochain, afin que, dès aujourd’hui, ceux qui vous voient et vous écoutent, voient en vous un Ministre du Christ et écoutent Sa voix, la voix de l’Église, établie par Dieu in initio viarum suarum.

Le monde vous est hostile, comme il a été hostile à Notre Seigneur et comme il est hostile à tout ce qui vient de Dieu. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi (Jn 15, 20), nous avertit le divin Maître. Si le monde ne se moquait pas de vous, ne vous marginalisait pas, ne vous combattait pas, il verrait en vous quelque chose qui lui appartient et saurait que vous ne représentez pas une menace. Vous, en revanche, vous devez être comme ces médecins consciencieux radiés pendant la farce pandémique parce qu’ils ont pris soin des patients au lieu de les tuer avec des protocoles criminels ; vous devez être comme ces enseignants suspendus parce qu’ils n’ont pas voulu corrompre les enfants et les jeunes avec les perversions du gender et l’idéologie woke ; vous devez être comme ces magistrats qui sont évincés parce qu’ils administrent la Justice au lieu de laisser les criminels en liberté. Vous êtes étrangers au monde, et le monde le sait et vous craint à cause de la puissance de l’Évangile du Christ que vous prêchez.

Aujourd’hui, la Hiérarchie conciliaire ne reconnaît plus la Seigneurie de Notre-Seigneur

Aujourd’hui, l’Église du Christ est obscurcie et éclipsée par des hérétiques et des corrompus qui l’ont occupée : la Hiérarchie s’est prostituée au monde et a fait siennes ses maximes. Elle ne reconnaît plus la Seigneurie de Notre-Seigneur, et proclame avec le Sanhédrin : Nous n’avons d’autre roi que César. Sur le Trône de Pierre ne siège pas le Vicaire du Christ, mais un usurpateur voué à la démolition de l’Église. L’ostracisme que subissent les fidèles et les clercs pour leur fidélité au Seigneur n’est donc pas la voix de l’Église, mais sa contrefaçon : c’est pourquoi les faux pasteurs craignent et combattent ceux qui dénoncent leur trahison.

Ils vous diront que vous êtes une minorité en voie de disparition, que vous voulez vous distinguer des autres par orgueil, que votre rigidité et votre arriérisme sont contraires à l’Évangile, que la Foi que vous proclamez est obsolète et intolérante, que la Liturgie que vous célébrez est incompréhensible et lointaine. Ils vous diront que vous êtes peu nombreux et seuls, tout comme il y a peu de bons médecins, de bons enseignants, de bons juges : pusillus grex. Et tandis qu’ils remplissent leur bouche d’inclusivité et d’accueil, de tolérance et de dialogue, ce n’est que contre vous que leur fureur se déchaînera, ce n’est que contre vous que leurs prisons s’ouvrirons. Les excommunications pour les hérétiques et les schismatiques sont lancées contre ceux qui combattent l’erreur et le schisme, dans un renversement total de tous les principes et dans l’abus de l’autorité, civile et religieuse. Tout comme les portes des prisons s’ouvrent pour les criminels, de sorte que les personnes honnêtes sont enfermées. Satan n’est pas bipolaire : son action corruptrice – menteur et meurtrier dès le commencement (Jn 8, 44) – révèle la lucidité dans la tromperie et la cohérence perverse propres à un esprit angélique, bien que déchu, c’est-à-dire diabolique. Et c’est pourquoi aujourd’hui l’Église subit sa propre passio par la main de ses propres dirigeants, tout comme ce fut autrefois le Sanhédrin qui a soulevé le peuple et fait chanter Pilate pour qu’il envoie Notre Seigneur à la mort.

L’Église a toujours été considérée comme étrangère au monde, tout comme la Très Sainte Vierge Marie

Pourtant, malgré l’efficacité de l’organisation des forces du mal et la désorganisation du bien, Satan sait qu’il a déjà perdu. C’est pourquoi il met tout en œuvre pour entraîner avec lui dans la damnation autant d’âmes possibles, afin de contrecarrer la Rédemption. C’est pourquoi il veut un monde sans foi, sans espérance, sans amour. C’est pourquoi il veut un monde sans prêtres, sans religieux et sans moniales, sans âmes expiatrices. Et c’est pour cette raison – comme cela se produit – qu’il veut que toute vocation soit corrompue, pervertie ou rendue inutile. C’est pourquoi Satan exige que son mensonge arrogant soit non seulement toléré, mais qu’il soit accepté comme tel et que ce soit la Vérité qui est condamnée. Son imposture exige une adhésion consciente et ostentatoire à l’erreur, ainsi qu’un refus obstiné du Bien. C’est la seule façon d’expliquer l’abomination de la désolation dans le lieu saint : un homme qui usurpe le Trône de Pierre et l’autorité sacrée de Notre Seigneur pour imposer l’apostasie et détruire l’Église.

Chers Claudio et Fabrizio, ne vous découragez pas ! L’Église a toujours été considérée comme étrangère au monde, tout comme la Très Sainte Vierge Marie. Nous sommes exsules filii Hevæ, enfants de l’ancienne Ève dans le péché, enfants de la nouvelle Ève dans la Grâce. Notre exil constitue le temps de l’épreuve et de la lutte pour mériter la citoyenneté de la Jérusalem céleste. Sa Nativité fait d’elle la plus pure et la plus sainte de toutes les créatures, associant notre pauvre humanité à Ses perfections. Et avec l’Assomption au Ciel corps et âme, Elle nous montre notre patrie céleste. Que Ses vertus, en premier lieu l’humilité et la pureté, soient la pierre angulaire de votre vie spirituelle, car tous les maux qui affligent aujourd’hui le corps ecclésial proviennent de l’orgueil et de la fornication : nous en avons un exemple affligeant dans les scandales de la secte bergoglienne. Soyez humbles en accueillant le trésor que la Sainte Église détient, en le remettant à la postérité sans rien n’y ajouter ni lui enlever. Soyez purs dans l’immolation quotidienne de votre corps et de votre âme, sachant que vous êtes toujours en présence de Dieu et de la Vierge Marie.

Rendons-nous dignes, avec la grâce de Dieu et sous la protection de la Très Sainte Vierge Marie, d’atteindre le but indiqué par l’Etoile du Matin qui annonce le Soleil de Justice, en répétant avec une confiance filiale l’antienne mariale : Et Jesum, benedictum fructum ventris tui, nobis post hoc exilium, ostende. Et qu’il en soit ainsi.

+ Carlo Maria Viganò, Archevêque

8 septembre MMXXIV a. D.ñi

In Nativitate B.M.V.

© Traduction de F. de Villasmundo pour MPI relue et corrigée par Mgr Viganò

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