Pendant très longtemps l’opinion publique considérait que la profession de pharmacien était exercée par des nantis. Effectivement il y a quarante ans, les pharmaciens partaient à la chasse pendant que leurs préparateurs s’occupaient de tout et souvent en venaient à connaître autant l’exercice du métier que leur patron(ne). Ce temps est révolu depuis longtemps. Les pharmaciens d’officine sont depuis de très nombreuses années obligés de se coller au comptoir. Mais dans le cadre de l’exercice médical, ce sont des aides permanentes très précieuses pour leurs patients.
Or progressivement les chiffres d’affaires des pharmacies ont fondu. Nous connaissons tous de nos amis pharmaciens qui ont mis la clé sous la porte ou sont partis sans trouver de repreneurs à leurs fonds de commerce.
Jean-Luc Fournival, président de l’Union Nationale des Pharmacies de France (UNPF), nous apprend qu’une pharmacie ferme tous les deux jours. 151 l’an dernier. 99 durant les six premiers mois de l’année. Entre 8 et 18 % des pharmaciens sont au chômage, selon les départements. « C’est le cas de 12 000-15 000 pharmaciens et préparateurs » explique-t-il.
Les raisons sont simples : depuis trois ans les pharmaciens perdent de l’argent par diminution du chiffre d’affaire en chute libre. Conséquences de la diminution du prix des médicaments, des campagnes contre les prescriptions médicales considérées comme inutiles, abusives ou déremboursées, l’arrivée de génériques, l’augmentation des charges sociales du personnel, et tout bonnement la crise économique. Face aux difficultés de la Sécurité Sociale les pharmaciens se sont trouvés en première ligne pour payer les erreurs successives en matière de politique de la santé. La profession est désormais « à risque » pour ceux qui veulent s’y engager. « 76 % des titulaires n’ont pas confiance dans l’avenir de la pharmacie. » écrit Jean-Luc Fournival.
La nouvelles ne passionnera sans doute pas nos concitoyens. Ils ont bien tort. D’abord parce que les pharmaciens rendent au quotidien des quantités de service et de conseil évitant à leurs clients de se déplacer chez le médecin. Ils servent souvent de filet de sécurité lors des erreurs de prescription : les médecins sont surchargés et sont faillibles comme tout le monde. Face à la pénurie de médecins organisée en 1995 par Juppé – il a d’ailleurs fait repentance sur sa réforme du système de santé – tout récemment, les pharmaciens sont irremplaçables.
La disparition des services rendus en matière de santé par les pharmaciens de facto va entraîner une surcharge supplémentaire de travail pour les médecins ; ce qu’ils ne souhaitent pas compte tenu qu’ils travaillent en moyenne 70 heures par semaine.
Dernière conséquence pour les patients : il est actuellement en train de se créer des déserts en matière de pharmacie. Dans les zones rurales, il est nécessaire de se déplacer de plus en plus loin pour trouver une officine. Il faut plaindre les personnes notamment âgées n’ayant pas de véhicule ou habitant des villages isolés. Par exemple dans certains coins du Cantal, il faut une demi heure de route de voiture pour trouver un pharmacien. Les patients n’ont pas intérêt à être en état de mal asthmatique.
M. Fournival explique que « Si c’était à refaire, seul un tiers des pharmaciens serait partant ! » En clair la situation va s’aggraver, car il y aura de moins en moins de pharmaciens pour tenir des officines dans les années qui viennent.
Entre déserts médicaux et déserts pharmaceutiques, c’est bien toute la santé en France qui se trouvera face à de nouvelles difficultés.
Jean-Pierre Dickès
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