« Alors, permettez-moi, pour conclure, de vous interroger : « France, fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? »
Ces mots, extraits de l’homélie prononcée au Bourget par le pape Jean-Paul II le 1er juin 1980, ne finissent pas de résonner. C’était il y a 45 ans. Par ces mots, le pape appelait les Français à réfléchir sur leur relation à Dieu. Face à la déchristianisation observée dans notre pays, le pape rappelait que « le problème de l’absence du Christ n’existe pas (…) Il n’y a qu’un seul problème qui existe toujours et partout : le problème de notre présence auprès du Christ[1] ».
Au cours de ces 45 années, la déchristianisation de la France s’est poursuivie, avec pour conséquence tragique une chaîne ininterrompue de causes et de conséquences.
La diminution de la foi entraîne la baisse du nombre des fidèles. La diminution du nombre des fidèles entraîne la baisse des vocations. La diminution des vocations entraîne la baisse des célébrations eucharistiques. La diminution des célébrations eucharistiques entraîne la baisse du nombre des églises en activité. Et la baisse du nombre des églises en activité pose la question de l’utilité de ces églises.
Pour tout observateur de bon sens, l’inversion de cette réaction en cascades devrait passer par une réflexion de fond : Pourquoi les Français se détournent-ils de la religion catholique ? La raison en est-elle sociétale ? Est-ce la société de consommation, matérialiste, qui détourne l’homme de la recherche du sens de l’existence ? Est-ce un laïcisme dévoyé et extrémiste qui exerce une pression psychologique sur un peuple autrefois chrétien ? Ou est-ce aussi l’Eglise qui a changé au point de décourager les fidèles en quête de Sacré ?
Il semble que plutôt que de risquer cette réflexion, les autorités religieuses catholiques préfèrent une approche pragmatique et gestionnaire. Ainsi, on apprend sur le site du « Bon Coin » que pas moins de deux édifices cultuels sont à vendre à Lens, dans le Pas-de-Calais.
Le premier est « un ensemble immobilier historique de 1925 avec église et presbytère » [Photo ci-dessous], l’église étant présentée comme « un superbe espace (…), idéal pour des projets divers tels qu’un loft, une salle de réception, ou une galerie d’art ». L’agence immobilière fait son métier, et on note qu’aucune condition particulière n’est posée quant au respect du caractère sacré de l’édifice[2].
Le deuxième est présenté comme une « Maison 4 pièces » [Photo ci-dessous]. Ici, aucune utilisation du bâtiment n’est suggérée, et les acheteurs sont invités à laisser « libre cours à leur imagination pour ce bien très rare à la vente[3] » ! Mais comme l’écrit Tribune chrétienne, « le plus ahurissant reste les photographies publiées dans l’annonce. Elles dévoilent un autel encore en place, sur lequel repose toujours la nappe liturgique et même le lectionnaire ! La croix, signe du sacrifice du Christ, n’a pas été retirée, comme si l’on pouvait vendre avec indifférence un lieu où la présence divine a résidé pendant des décennies[4]. » Et de conclure : « Comment le diocèse a-t-il pu laisser publier de telles images sans même prendre la peine de préserver la dignité du lieu ? Une église ainsi exposée aux enchères, sans le moindre effort pour en masquer la nature sacrée, ne fait que renforcer le sentiment de désarroi et d’abandon. » Car il s’agit cette fois de l’église Saint-Edouard, bâtie en 1899 pour les ouvriers de la fosse n° 12 des Mines de Lens. Entièrement détruite en 1914-1918, Saint-Edouard a été rebâtie à l’identique en 1922 et 1923. Elle a été inscrite aux monuments historiques en 2009[5]. Pour finir vendue comme un vulgaire bien immobilier 16 ans plus tard.
Face aux critiques, le diocèse d’Arras, dans le ressort duquel se trouve la paroisse, se justifie mollement : « les fidèles ont déserté, les finances sont exsangues et l’église, faute d’entretien, devient un fardeau trop lourd à porter[6] ». On retrouve la réaction en cascade. L’église est un fardeau trop lourd à porter parce qu’elle n’est plus entretenue. Elle n’est plus entretenue parce que les finances sont exsangues. Et les finances sont exsangues parce que les fidèles ont déserté.
Ainsi, plutôt que de conduire une réflexion de fond, le diocèse se borne à énumérer les faits : pas de fidèles, pas d’argent, pas d’entretien, donc, un fardeau à vendre.
Mais pourquoi ne pas s’interroger sur la cause de cette situation ? Pourquoi ne pas se demander pourquoi les fidèles ont déserté ? Peut-être parce que cela conduirait le diocèse à des conclusions que l’Eglise conciliaire refuse de voir ? Peut-être parce que des fidèles pourraient déclarer leur attente d’une liturgie plus solennelle, d’une prière plus spirituelle, d’une pratique religieuse plus sacrée ? Peut-être qu’une réflexion de fond aboutirait au constat de l’échec du deuxième concile du Vatican à redynamiser l’Eglise, à retenir les fidèles, à susciter des conversions ?
Mais dans l’état actuel des choses, force est de constater qu’aussi longtemps que les catholiques n’auront pas retrouvé le chemin des églises, aussi longtemps qu’ils ne participeront plus aux associations paroissiales, et aussi longtemps que le clergé n’aura pas retrouvé son rôle missionnaire, le sort des églises, qui représentent le patrimoine spirituel, culturel et architectural de la France autant que du catholicisme, sera irréversiblement scellé.
André Murawski – 1er mars 2025
[1] https://www.france-histoire-esperance.com/saint-jean-paul-ii-france-fille-ainee-de-leglise-es-fidele-aux-promesses-de-bapteme/
[2] https://www.leboncoin.fr/ad/ventes_immobilieres/2840207213
[3] https://www.leboncoin.fr/ad/ventes_immobilieres/2904583326
[4] https://tribunechretienne.com/une-eglise-francaise-en-vente-sur-le-bon-coin/?fbclid=IwY2xjawIwPxhleHRuA2FlbQIxMQABHeUrGp0fhE2nfraTzOGO86uoGjxpCcJ6fFpJV2CQevjHIXxquMVFyER4OA_aem_0ys0UHBrAOKqAWciRjE8Kg
[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_Saint-%C3%89douard_de_Lens
[6] https://tribunechretienne.com/une-eglise-francaise-en-vente-sur-le-bon-coin/?fbclid=IwY2xjawIwPxhleHRuA2FlbQIxMQABHeUrGp0fhE2nfraTzOGO86uoGjxpCcJ6fFpJV2CQevjHIXxquMVFyER4OA_aem_0ys0UHBrAOKqAWciRjE8Kg
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