Vendredi des Quatre-Temps de Carême
La Station est dans la Basilique des Douze-Apôtres, l’une des plus augustes de Rome, enrichie des corps des deux Apôtres saint Philippe et saint Jacques le Mineur.
Portons nos regards sur les pénitents publics que l’Église se prépare à rétablir bientôt dans la participation des Mystères. Mais auparavant ils ont besoin d’être réconciliés avec Dieu qu’ils ont offensé. Leur âme est morte par le péché ; pourra-t-elle donc revivre ? Oui, le Seigneur nous l’atteste ; et la lecture du Prophète Ézéchiel, que l’Église commençait hier pour les Catéchumènes, elle la continue aujourd’hui en faveur des pénitents publics. « Que l’impie, dit le Seigneur, fasse pénitence de tous les péchés qu’il a commis ; qu’il garde désormais mes préceptes : il vivra certainement, et il ne mourra pas. » Cependant ses iniquités sont là, qui s’élèvent contre lui ; leur voix est montée jusqu’au ciel et provoque une vengeance éternelle. Assurément, il en est ainsi ; mais voici que le Seigneur qui sait tout, qui n’oublie rien, nous déclare qu’il ne se souviendra plus de l’iniquité rachetée par la pénitence. Telle est la tendresse de son cœur paternel, qu’il veut bien oublier l’outrage qu’il a reçu d’un fils, si ce fils revient sincèrement à son devoir. Ainsi nos pénitents seront réconciliés, et au jour de la Résurrection du Sauveur, ils se mêleront aux justes, parce que Dieu ne gardera plus souvenir de leurs iniquités ; ils seront devenus justes eux-mêmes. En remontant par la pensée le cours des âges, nous nous retrouvons ainsi en face de ce grand spectacle de la pénitence publique, dont la Liturgie, qui ne change pas, a seule conservé les traces aujourd’hui. De nos jours, les pécheurs ne sont plus mis à part ; la porte de l’église ne leur est plus fermée ; ils se tiennent souvent tout près des saints autels, mêlés aux justes ; et quand le pardon descend sur eux, l’assemblée des fidèles n’en est point avertie par des rites spéciaux et solennels. Admirons la miséricorde divine, et profitons de l’indulgence de notre mère la sainte Église. A toute heure et sans éclat, la brebis égarée peut rentrer au bercail : qu’elle use donc de la condescendance dont elle est l’objet, et qu’elle ne quitte plus désormais le Pasteur qui a daigné l’accueillir encore. Quant au juste, qu’il ne s’élève pas par une vaine complaisance, en se comparant à la pauvre brebis égarée ; qu’il médite ces paroles : « Si le juste se détourne de la justice, s’il commet l’iniquité, toutes les œuvres de justice qu’il avait faites, on ne s’en souviendra plus ». Craignons donc pour nous-mêmes, et ayons pitié des pécheurs. La prière des fidèles pour les pécheurs, durant le Carême, est un des grands moyens sur lesquels compte l’Église pour obtenir leur réconciliation.
Revenons encore sur nos pénitents de l’antiquité ; le passage sera facile à ceux d’aujourd’hui et à nous-mêmes. Nous venons devoir par le Prophète la disposition du Seigneur à pardonner au pécheur repentant. Mais comment ce pardon sera-t-il appliqué ? Par qui la sentence d’absolution sera-t-elle prononcée ? Notre Évangile nous l’apprend. Ce malheureux paralytique de trente-huit ans figure le pécheur invétéré ; cependant il est guéri, et le voici qui marche. Que s’est-il donc passé ? Écoutons-le d’abord : « Seigneur, dit-il, je n’ai point d’homme pour me « jeter dans la piscine ». L’eau de cette piscine l’eût sauvé ; mais il lui fallait un homme pour l’y plonger. Le Fils de Dieu sera cet homme ; c’est parce qu’il s’est fait homme que nous sommes guéris. Comme homme, il a reçu le pouvoir de remettre les péchés, et avant de monter aux cieux, il dit à d’autres hommes : « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ». Nos pénitents seront donc réconciliés avec Dieu, en vertu de ce pouvoir surnaturel ; et le paralytique levant avec facilite son grabat, et l’emportant sur ses épaules, comme un trophée de sa guérison, est la figure du pécheur auquel l’Église de Jésus-Christ, en vertu du divin pouvoir des clefs, a remis ses iniquités.
Au IIIe siècle du christianisme, un hérétique, Novatien, osa enseigner que l’Église n’avait pas le pouvoir de remettre les péchés commis depuis le baptême. Cette erreur désespérante fut proscrite par les conciles et les saints docteurs ; et, pour exprimer aux yeux des fidèles l’auguste puissance que le Fils de l’homme a reçue pour purifier toute âme pénitente, on peignit, dans les lieux où les chrétiens s’assemblaient, le paralytique de notre Évangile marchant libre et dégage, son grabat sur les épaules. Cette consolante image se rencontre fréquemment sur les fresques des Catacombes de Rome, contemporaines de l’âge des Martyrs. Nous apprenons sur ces monuments l’intention de cette lecture de l’Évangile que l’Église, depuis tant de siècles, a fixée à ce jour. L’eau de la piscine Probatique était aussi un symbole ; mais il était destiné à l’instruction des Catéchumènes. C’est par l’eau qu’ils devaient être guéris, et par une eau divinement fécondée d’en haut. Ce miracle, dont Dieu favorisait encore la Synagogue, ne servait chez les Juifs qu’à la guérison du corps, et seulement pour un seul homme, à rares intervalles ; mais depuis que l’Ange du grand Conseil est descendu des cieux et qu’il a sanctifie l’eau du Jourdain, la piscine est partout ; à chaque heure son eau rend la santé aux âmes, depuis l’enfant naissant jusqu’au vieillard. L’homme est le ministre de cette grâce ; mais c’est le Fils de Dieu devenu Fils de l’homme qui opère. Disons aussi un mot des malades que l’Évangile nous représente comme rassemblés dans l’attente de la guérison. C’est l’image de la société chrétienne, en ces jours. Il y a des languissants, hommes tièdes qui ne rompent jamais franchement avec le mal ; des aveugles, chez lesquels l’œil de l’âme est éteint ; des boiteux, dont la marche dans la voie du salut est chancelante ; des malheureux dont les membres sont desséchés, impuissants à toute espèce de bien ; ils espèrent dans le moment favorable. Jésus va venir à eux ; il va leur demander, comme au paralytique : Voulez-vous être guéris ? Question remplie d’une charité divine ! Qu’ils y répondent avec amour et confiance, et ils seront guéris.
Sanctoral
Bienheureux Innocent de Berzo, Prêtre, 1er ordre capucin
Innoncent de Berzo est né le 19 mars 1844 à Niardo, dans la province de Brescia. Son père meurt d’une pneumonie alors qu’il n’a que quelques mois. Dès l’enfance, il manifeste une grande compassion pour les pauvres donnant le peu qu’il possède. De 1855 à 1860, il étudie au collège de Lovere et en 1864, il entre au séminaire diocésain de Brescia. Il est ordonné prêtre en 1867 et nommé vicaire à la paroisse de Cevo. En 1873, il entre dans l’Ordre des capucins au couvent de l’Annunciata dans le village de Borno, aujourd’hui Piancogno. Quatre ans plus tard, il prononce ses vœux solennels sous le nom de Père Innocent de Berzo ; il est ensuite nommé vice-maître des novices. Il reste dans ce couvent toute sa vie sauf pour des missions ou retraites prêchées en Lombardie. Il est réputé pour sa vie d’abandon intense selon son adage « faire le bien et disparaître ». Le secret de sa joie était son intense vie de prière, il aime passer de longues heures devant le Saint Sacrement en particulier tard dans la nuit. Son désir de vivre dans la même maison que Jésus avait été un facteur qui a influencé sa décision de rejoindre les capucins. L’autre dévotion de sa vie de prière est la Passion du Christ, il effectue le chemin de croix plusieurs fois par jour et en recommande la pratique à ses pénitents dans la confession. L’Eucharistie et la Passion ainsi la dévotion à Notre-Dame sont également les principaux thèmes de sa prédication. Le 3 mars 1890, il tombe gravement malade et meurt, à l’âge de 46 ans, dans le couvent de Bergame. Quelques mois plus tard, ses restes sont solennellement transférés à Berzo, déjà entourés d’une grande réputation de sainteté. Le 12 novembre 1961 le pape Jean XXIII le proclame bienheureux et patron des enfants.
Sainte Cunégonde, Impératrice († 1040)
Sainte Cunégonde fut élevée par ses nobles parents dans les sentiments d’une tendre piété. Mariée à saint Henri, roi de Bavière et plus tard empereur, elle avait résolu avec ce prince, avant la célébration du mariage, de vivre dans une continence parfaite. Les deux époux tinrent leur promesse et n’eurent pour but de leur union que de se porter mutuellement à la perfection. Cunégonde se montra la mère des pauvres, et comme elle s’était interdit les amusements de la cour, elle trouvait de quoi soulager les malheureux, ériger des évêchés, fonder des monastères et orner les églises. Dieu permit, pour éprouver sa patience, qu’elle fût indignement calomniée et que la calomnie, partie de haut, pénétrât jusque dans le peuple, qui n’avait qu’une voix pour flétrir la prétendue hypocrisie de la reine. Henri, connaissant la vertu de son épouse, repoussa d’abord ces rapports avec indignation. Mais la perfidie des ennemis de Cunégonde finit par le convaincre, et il en vint à mépriser sa sainte épouse et à ne lui plus parler. Un jour, la reine eut le courage de l’aborder et de lui protester de sa parfaite innocence ; elle fut même la première à proposer de s’en remettre au jugement de Dieu, comme on le tolérait encore à cette époque demi-barbare : « Faites chauffer à blanc, lui dit-elle, douze socs de charrue ; pieds nus, je marcherai sur ces fers ardents, me confiant en la bonté de mon Dieu, qui connaît le fond de mon cœur. » Le jour venu, les douze socs, chauffés à blanc, furent placés dans la basilique, au milieu d’une foule nombreuse accourue pour être témoin de cet étrange spectacle. La reine allait s’avancer sur ce pavé brûlant, quand Henri lui dit : « Je crois à votre innocence ; je vous en prie, ne persistez pas dans votre projet. » Mais Cunégonde voulait la preuve complète : « Plus ce feu est terrible, plus mon innocence éclatera », dit-elle. Levant donc les yeux au Ciel, elle s’avança pieds nus sur les fers rouges, en disant : « Seigneur mon Dieu, protégez Votre humble servante ! » Quand elle fut arrivée au douzième, elle y resta debout comme sur un trône d’honneur. La multitude, frémissante, se précipitait pour vénérer la sainte et courageuse reine, et, de son côté, Henri se jeta aux pieds de Cunégonde en la suppliant de lui conserver son amour et en jurant de travailler à réparer son erreur jusqu’au dernier jour de sa vie. Après la mort de son royal mari, elle entra dans un couvent, où elle prit le voile et vécut dans la plus parfaite humilité.
Martyrologe
A Césarée de Palestine, les saints martyrs Marin soldat, et Astère sénateur, durant la persécution de Valérien. Le premier, accusé par ses compagnons d’armes d’être chrétien, et interrogé par le juge, déclara hautement qu’il l’était et reçut la couronne du martyre par la décapitation. Au moment où Astère recueillait le corps du martyr décapité et le plaçait sur ses épaules en lui faisant un coussin de son vêtement, il devint lui-même martyr, méritant ainsi un honneur égal à celui qu’il rendait à son compagnon.
A Calahorra, en Espagne, l’anniversaire des saints frères martyrs Hémitère et Chélidoine. Ils servaient comme soldats au camp de Léon, en Galice, quand se déchaîna la tempête de la persécution; tous deux, pour confesser le nom du Christ, partirent pour Calahorra, où ils endurèrent divers tourments et reçurent la couronne du martyre.
Le même jour, la passion des saints Félix, Luciole, Fortunat, Marcia et de leurs compagnons.
Le même jour encore, les saints soldats Cléonique, Eutrope et Basilisque, qui, pendant la persécution de Maximien, sous le préfet Asclépiade, triomphèrent heureusement par le supplice de la croix.
A Brescia, saint Titien, évêque et confesseur.
A Bamberg, sainte Cunégonde impératrice. Mariée à saint Henri Ier, empereur des Romains, elle garda, du consentement de son époux, la virginité perpétuelle ; comblée des mérites de ses bonnes œuvres, elle fit une sainte mort, après laquelle elle devint célèbre par ses miracles.
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