Valéry Giscard d’Estaing, ancien Président de la République, est mort hier, 2 décembre 2020, à l’âge de quatre-vingt quatorze ans. L’on avait presque oublié ce dirigeant de l’autre siècle. Son décès est l’occasion de lui rendre la justice qu’il mérite en pesant ses (grandes) fautes et ses (faibles) mérites.

Pendant sa carrière, semée d’infidélités successives, Valéry Giscard d’Estaing a été, un homme nocif. Arriviste snob et vindicatif (il a fait supprimer la mention des titres de noblesse à l’Élysée, sans doute parce que son « d’Estaing » rajouté n’avait pas convaincu l’Association de la Noblesse Française), cet énarque technocrate est un représentant de cette oligarchie étudiée par Emmanuel Beau de Loménie qui a plus fait pour son enrichissement que pour la grandeur du pays. Il s’est distingué en tant que ministre des finances du général De Gaulle («fiscard ») au profit duquel il avait trahi M. Pinay. Il a ensuite concouru à la chute dudit général. Après l’intermède de la présidence Pompidou, il réussit à se faire élire président en 1974 en écartant le gaulliste Chaban-Delmas : tous les espoirs d’une vraie politique de droite étaient alors permis, mais tous furent déçus. Il échoua finalement à se faire réélire en 1981 et laissa le pouvoir à une gauche qu’il n’avait ni su ni vraiment voulu combattre.

A l’intérieur, Giscard président fit triompher diverses mesures particulièrement scandaleuses et calamiteuses. C’est ainsi que, malgré ses engagements («spiritualiste, je suis pour le respect de la vie » avait-il écrit-il à l’un de ses correspondants), il fit adopter en 1975, par une majorité parlementaire de rencontre, qui cassait la droite en deux et incluait toute la gauche, la loi qui dépénalisait l’avortement (avec l’aide de ses complices Jacques Chirac, premier ministre, et Simone Veil, ministre de la santé). Outre ses conséquences désastreuses sur la démographie, cette loi représente une rupture spectaculaire avec la morale chrétienne, et même avec la simple morale naturelle, jusqu’alors à peu près respectée par le législateur, fût-il laïque. Ce crime contre les tout-petits restera à jamais son déshonneur.

Par ailleurs Valéry Giscard d’Estaing a permis le regroupement familial des immigrés en France, et non dans le pays d’origine, ce qui a suscité un accroissement considérable de leur nombre et le passage d’une immigration temporaire de travail à une immigration durable de peuplement. Il est donc l’un des premiers responsables de l’ « invasion » – terme qu’il a lui-même utilisé un jour de lucidité – de notre pays chrétien par les musulmans, et de sa colonisation à rebours. Enfin, avec la majorité à dix-huit ans – qui a, surtout rapporté des électeurs à la gauche -, ce gribouille progressiste a désorganisé les familles et donné aux jeunes tous les moyens de rater leur vie : à dix-huit ans, nombreux sont ceux qui ont abandonné des études qui leur étaient imposées pour leur bien et se sont tournés vers le vagabondage ou le concubinage au lieu de chercher un travail et de fonder une famille. Au lieu de pallier la fragilité et l’instabilité de la jeunesse, la nouvelle loi a sapé l’autorité parentale à l’époque où elle est le plus nécessaire.

Démagogue, Valéry Giscard d’Estaing s’est cru obligé de commémorer la victoire des « démocrates » de la Seconde Guerre Mondiale au détriment de la réconciliation nationale prônée par Georges Pompidou, et c’est sous son septennat que le réveil de la « mémoire » a commencé à faire ses ravages en mettant la France de l’Occupation en accusation et en la faisant passer du rang de (petit) vainqueur à celui d’accusé des ligues de vertu.

Concernant la place de la France dans le monde, le même président, décidé à avaliser une décadence plutôt qu’à la combattre, s’est avéré tout aussi nuisible. Ainsi a-t-il «liquidé » deux possessions françaises d’outre-mer, Djibouti et les Comores. En Europe, voulant faire de l’avorteuse Simone Veil le président du parlement européen, il a préconisé et obtenu l’élection au suffrage universel des membres de ce « machin » cosmopolite et ennemi de la souveraineté nationale, et augmenté son poids politique. En politique étrangère, Giscard a offert le généreux asile politique de la France à l’ayatollah Khomeiny, qui, au rebours des usages et sans en être empêché, s’est servi de cette hospitalité comme d’une tribune pour renverser le shah d’Iran, ami et client de la France détesté des progressistes de tout poil. Le président a ainsi apporté une pierre supplémentaire à la révolution islamique et à l’explosion de l’Islam conquérant qui menace l’Occident. C’est aussi le premier chef d’Etat occidental qui a été déposer une gerbe au tombeau de Lénine, unissant la démagogie progressiste et l’aveuglement sur la réalité de l’odieux régime soviétique et sur sa fragilité.

Son éviction de la magistrature suprême n’a pas mis fin à la nocivité du personnage. Péché d’omission à ajouter à ses nombreux péchés d’action. Giscard préféra ne pas siéger au Conseil constitutionnel, auquel son statut d’ancien président lui donnait accès, pendant les deux septennats mitterrandiens. Cette abstention a probablement permis ou facilité l’adoption d’une partie de la législation socialiste, que ledit Conseil n’a validée qu’en raison de la voix prépondérante de son président. C’est aussi lui qui a proposé le calamiteux quinquennat, dans le but de gêner Jacques Chirac, lequel a su retourner la situation en sa faveur : dans ces jeux de politiciens le seul perdant est la France. Enfin l’ex- président Giscard s’est fait désigner pour élaborer une « constitution » européenne. Son projet, qui comportait de larges abandons de souveraineté nationale à un nouveau Reich, a heureusement été rejeté.

En face de ces erreurs et de ces reniements, le positif est bien mince. Pour rester objectif, l’auteur de ces lignes rappellera tout de même le plus important : en 1978 Giscard a fait sauter la Légion sur Kolwezi, au Congo-Zaïre, lors d’une des multiples convulsions africaines, sauvant ainsi des otages européens et africains d’un massacre imminent. A un stade différent, le personnage aurait eu aussi, paraît-il, quelques mérites dans la gestion du Conseil régional d’Auvergne à la présidence duquel il s’était fait élire en 1986, et dans la création du parc Vulcania… A la réflexion, ce conseil était peut-être le seuil d’incompétence qu’il n’aurait pas dû tenter de dépasser…

Valéry Giscard d’Estaing a été élu le 11 décembre 2003 à l’Académie française, malgré l’opposition à sa fièvre verte de quelques gaullistes historiques comme Maurice Druon. C’est une preuve de plus du fait que la vieille dame du Quai Conti n’échappe pas à la décadence à laquelle la démocratie condamne irrésistiblement l’ensemble des institutions, et même les meilleures. Les mérites du personnage ne plaident pourtant pas en faveur de son immortalité littéraire. Il est l’auteur de mémoires sans grand intérêt et d’un roman qu’un critique, faisant allusion à l’écrivain préféré de l’ancien président, a, lors d’une émission de télévision comparé à Maupassant revu par Bécassine. En l’accueillant, l’Académie s’ouvrait au premier chef d’Etat français qui s’était exprimé publiquement en anglais ! L’on peut encore regretter que Valéry Giscard d’Estaing n’ait même pas écrit les livres qui lui auraient permis de mériter a posteriori l’honneur qui lui a été fait, à savoir des confessions ou une repentance…

Nul doute que la Ve République finissante n’accorde à ce personnage des funérailles grandioses à la hauteur de ses pseudos mérites. Pourquoi pas le Panthéon, église profanée qui accueille déjà bien des « gloires » républicaines ? L’on s’attend aussi à voir quelques évêques, foulant aux pieds la condamnation que l’Eglise porte à l’encontre des avorteurs comme ils l’ont fait précédemment lors du décès de Jacques Chirac, se précipiter pour bénir la dépouille mortelle d’un de ces chefs d’État trouvés qui usurpent le trône des quarante rois qui en mille ans firent la France.

François Marceron

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