Claire Guédon et Nathalie Perrier sont journalistes au Parisien.
Saint-Ouen est un cas d’école dans la lutte contre la vente illégale de cannabis. Pendant un an, jusqu’à l’été 2016, les deux journalistes ont braqué leurs projecteurs sur cette commune de 48.000 habitants, à la frontière de Paris.
Saint-Ouen, ville de l’ex-banlieue rouge, aspire à devenir une commune-phare du Grand Paris. A l’image de nombreuses municipalités populaires proches du périphérique, elle connaît le phénomène de gentrification. Le prolongement de la ligne 14, l’implantation d’un immense hôpital public et le futur transfert du siège de la région Ile-de-France accélèrent ces mutations. La commune a incontestablement des atouts. Mais il y a une ombre au tableau. Le trafic de drogue. Omniprésent. Tentaculaire. Incontournable. Effrayant.
Rien qu’en Seine-Saint-Denis, le chiffre d’affaires annuel du trafic de stupéfiants (toutes drogues confondues) est estimé à un milliard d’euros, selon Sébastien Piffeteau, qui était jusqu’à l’été 2016 vice-procureur du tribunal de Bobigny. Dès son arrivée en 2011, le magistrat a été en charge de Saint-Ouen, une des plaques tournantes en Ile-de-France du trafic de cannabis. Ce produit devenu de consommation courante n’est pour autant pas inoffensif. » Selon la personne, la quantité consommée et la composition du produit, le cannabis peut avoir des effets physiques et psychiques immédiats ou sur le plus long terme « , rappelle la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives.
Chaque jour, 1.000 à 1.200 acheteurs, originaires de toute l’Ile-de-France, viennent s’approvisionner à Saint-Ouen en herbe ou résine de cannabis. Avec un calvaire à la clé pour les habitants. Les violences vont crescendo dans la ville.
L’enquête menée par les deux journalistes est saisissante. Les témoignages bousculent. William Delannoy, maire de Saint-Ouen, déclare : » Saint-Ouen est une ville sous occupation des trafiquants et de la mafia, une ville où les habitants ne peuvent plus sortir tranquillement. « . C’est dit. Mais, puisque la ville est sous occupation, il faudrait prendre des mesures pour la libérer. Hélas, les mesures prises par les autorités ne sont que poudre aux yeux, sans effet. Au contraire, la situation empire. A Saint-Ouen, les dealers ont même privé les enfants de la crèche de l’accès au jardin.
Si les informations contenues dans ce livre sont intéressantes parce qu’elles témoignent de la gravité de la situation, il est pour le moins regrettable que cette enquête serve d’occasion à ses auteurs pour souhaiter un débat sur la légalisation ou la dépénalisation du cannabis. C’est le refrain bien connu de ceux qui, – faussement ?- naïfs, prétendent que cela mettrait fin au trafic et règlerait le problème. Comme si ceux qui se font une fortune avec ce trafic iraient jouer aux billes si le cannabis était en vente libre… Le problème serait tout simplement déplacé vers une autre substance que les trafiquants rendraient très vite tout aussi populaire auprès des toxicomanes.
Une ville sous emprise, Claire Guédon et Nathalie Perrier, éditions du Rocher, 280 pages, 19,90 euros
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