Le malaise ne cesse de grandir au sein de l’armée française, malgré les dernières assurances de François Hollande. Dans sa dernière lettre parue sur le site mardi, l’ASAF (association de soutien à l’armée française) n’hésite pas à titrer : « Au bord du Rubicon… », un titre évocateur et significatif.
Dans cette lettre, la rédaction de l’ASAF revient sur les derniers événements relatifs au budget de la Défense, lançant un cri d’alarme. On n’a cessé ces derniers années de sacrifier la Défense : « N’oublions pas que la loi de programmation militaire 2014 – 2019 marque déjà un nouveau recul de l’effort de défense de la France et se traduit par un contrat opérationnel réduit de moitié par rapport au Livre blanc de 2008. Cette réduction n’est jamais que le prolongement des coupes successives qui ont fait passer la part du budget de la Défense de 5,44 % du PIB en 1961 à 1,5 % du PIB aujourd’hui et à 1,3 % demain. C’est dire que ce sont des dizaines de milliards d’euros qui ont déjà été «économisés» sans que d’ailleurs la dette ait été réduite, bien au contraire. La réduction des crédits militaires n’est donc pas la solution à la réduction du déficit budgétaire. »
Pour l’ASAF, de nouvelles réductions entraîneraient une grave crise de confiance entre les chefs militaires et la classe politique car : « outre l’engagement formel du chef de l’État, c’est l’ensemble des députés et sénateurs qui ont voté le budget de la Défense 2014. » Par ricochet, cette crise de confiance se répercuterait dans l’armée elle-même : « Crise de confiance aussi entre des hommes et des femmes à qui il est demandé de s’engager dans des missions longues et complexes avec des moyens toujours plus réduits, un soutien insuffisant, des équipements de plus de trente ans d’âge, et des chefs d’état-major qui seraient incapables de leur garantir les moyens nécessaires à leur engagement opérationnel dans de bonnes conditions, sans parler du paiement aléatoire des rémunérations qu’aucun organisme civil ne tolèrerait. »
L’ASAF n’hésite pas à mettre en garde sur l’impact, qu’auraient de nouvelles coupes budgétaires, sur l’armée . Les militaires ne sont plus dupes des paroles flatteuses, venant de politiques. Désormais, l’association se dit prête à refuser l’inacceptable : « En fait, les trente années consécutives de déficit budgétaire contraignent la France à revoir radicalement son modèle économique et social. Les gouvernements successifs ont espéré atténuer ce déficit en prélevant sur le budget de la Défense des dizaines de milliards d’euros. 80 000 soldats professionnels ont été supprimés en une dizaine d’années. Il n’est plus possible d’utiliser la même recette. Il faut remettre en cause d’autres budgets qui n’ont cessé de croître. Il faut faire preuve de courage politique et cesser de prélever sur un budget militaire déjà insuffisant qui va rapidement condamner les armées à l’inefficacité. Aujourd’hui en déclin, notre armée serait demain en situation de rupture si les ressources votées n’étaient pas allouées et nos soldats se sentiraient alors trahis par ceux qui les envoient au combat. Un tel scénario est de nature à susciter des réactions très vives chez ceux qui portent les armes de la France et acceptent le principe du sacrifice de leur vie. L’ASAF, et à travers elle tous ceux qui estiment, comme le général de Gaulle le rappelait, que « la défense est le premier devoir de l’Etat », n’acceptera pas cette trahison. »
L’ASAF n’est qu’une association militaire parmi d’autres mais son poids, dans le monde de la Défense, n’est pas insignifiant. Ce cri d’alerte corrobore les derniers échos d’une fronde sourde au sein de l’état-major, en cas de nouveaux efforts demandés aux militaires français en plus de la nouvelle loi de programmation militaire. Les politiques auraient tout intérêt à le prendre en compte au lieu de flatter.
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