Une méta-analyse (analyse d’un ensemble de 225 études) a été présentée fin mars dernier par le Conseil australien de la santé nationale et de la recherche médicale à propos de l’homéopathie. « Il n’y a aucune preuve d’une quelconque efficacité de l’homéopathie sur la santé ». Un rapport de l’Académie de Médecine de 2003 établissait « qu’elle n’avait aucun fondement scientifique » et demandait même qu’elle soit déremboursée par la Sécurité Sociale. La chambre des Lords en Grande Bretagne avait émis un avis similaire ; et la fameuse revue médicale The Lancet avait présenté en 2005 un ensemble de travaux allant dans le même sens.

L’auteur du présent article, allopathe traditionnel, aurait bien mauvaise mine à aller dans ce sens, car lui-même n’hésitait pas à faire usage de cette technique thérapeutique. Que dire sinon que l’homéopathie arrive effectivement à soigner un certain nombre de gens. Mais – hormis l’Académie de Médecine- tout le monde lui reconnaît une certaine efficacité et même une efficacité certaine grâce à l’effet placebo.

Cependant il apparaît que l’homéopathie a un effet variable selon les personnes d’où la piste génétique de la sensibilité au placebo. La revue Trends in Molecular Medicine, a présenté les travaux des chercheurs de l’Ecole de médecine de Harvard (Boston, Etats-Unis) et font le point sur ce qu’ils nomment « placebome ». Il s’agit d’un réseau de gènes qui serait impliqué dans ce phénomène. Celui-ci entraîne effectivement une réaction biologique connue depuis 1978. Les placebos utiliseraient les mêmes circuits biologiques que des médicaments classiques, notamment la libération de la sérotonine qui transmet l’influx nerveux dans les cellules du cerveau. Mais aucune étude comparative n’a vraiment été effectuée. Il faudrait donc faire des tests solides sur ce sujet.

Les placébos ont un effet indiscutable dans certaines maladies comme certaines maladies du système génito-urinaire, l’asthme, la fatigue, la nausée, l’anxiété. Mais cela n’a jamais été étudié rationnellement. Tant que cela n’aura pas été fait, nous restons dans des suppositions. Il est fort dommage que l’homéopathie se contente d’un pragmatisme qui nolens volens garde une certaine efficacité. Le tout est d’en connaître les limites.

Un de mes meilleurs amis -dont je n’étais pas le médecin-, défenseur inconditionnel de l’homéopathie présentait des troubles digestifs itératifs : il mourut d’un cancer du colon non-diagnostiqué. Trois ans plus tard sa femme mourrait de la même maladie ans dans les mêmes circonstances. Tous les deux voyaient l’homéopathie comme une sorte de « sirop typhon, universelle panacée… » comme chantait feu Richard Anthony.

Un bon homéopathe doit pouvoir être en même temps un bon allopathe.

L’origine biologique identifiée en 1978

L’effet placebo « est une réponse biologique à des signaux environnementaux qui encadrent l’administration d’un traitement inactif (ou actif) », précisent les auteurs en préambule de leur revue de la littérature. Désormais reconnue, cette réaction reste mystérieuse. L’imagerie a révélé l’activation de voies de signalisation dans le cerveau, mais il reste difficile de prédire qui sera plus sensible à l’effet placebo. 

C’est en 1978 que le mécanisme biologique de l’effet placebo a été mis en évidence. A l’époque, les chercheurs démontrent que le système d’inhibition de la douleur peut être activé par un traitement sans principe actif. Depuis, plusieurs travaux ont démontré que ces médicaments agissent sur les systèmes endocannabinoïdes et de la sérotonine. « Le placebo n’est pas le seul composant de l’effet placebo. Ces voies de signalisation, qui sont modifiées par la génétique, sont des circuits sur lesquels agissent à la fois les médicaments et les placebos, ajoute le co-auteur de la revue Ted Kaptchuk. Cela suggère qu’un médicament pourrait changer la réaction au placebo, et cette réaction pourrait modifier la réponse au traitement. »

Changer les essais cliniques

L’identification précise des mécanismes de l’effet placebo a le potentiel de changer le visage de la recherche médicale sur plusieurs plans. Aux yeux des auteurs, les protocoles des essais cliniques devraient tenir compte de l’interaction possible entre les médicaments inactifs et actifs. Cela « suggère que nous devons affiner et recalibrer nos suppositions sur les contrôles placebo dans les essais cliniques randomisés, estime Kathryn Hall, principal auteur de la revue d’études. Peut-être faut-il prévoir en plus des groupes traitement et placebo, un groupe qui ne reçoit rien du tout. Ce serait un pas en avant dans la description du placebome. »

Le recours à cette pratique aurait un double intérêt. Non seulement cela permettrait de mieux démontrer l’efficacité d’un traitement, mais aussi de mieux comprendre l’action des gènes impliqués dans l’effet placebo.

Des problèmes éthiques

Mieux comprendre l’effet placebo, permettrait également de mieux identifier les personnes qui y sont sensibles. Une perspective précieuse dans certaines maladies. « Le placebome semble moins important que connaître les variantes génétiques du cancer qui répondront à une intervention pharmaceutique sur mesure, mais il pourrait y avoir des implications importantes pour la pratique quotidienne », relèvent les auteurs. Des études ont ainsi démontré le rôle bénéfique des placebos dans des maladies de l’appareil urinaire, comme le syndrome de la vessie irritable, mais aussi des symptômes comme la fatigue, la nausée, les bouffées de chaleur ou l’anxiété.

Reste à définir les problématiques éthiques encadrant l’utilisation de l’effet placebo. « Les médecins peuvent-ils, et doivent-ils, tester la capacité génétique de réaction au placebo ? Les patients peuvent-ils refuser d’être testés ? Les patients devraient-ils connaître leur capacité de réponse ? Peuvent-ils refuser de savoir, ou d’avoir cette indication dans leur dossier médical ? » Autant de questions qui devront être résolues avant une utilisation plus large de cette solution « thérapeutique ».

Docteur Jean-Pierre Dickès

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