L’appel de l’ONU, à travers le Haut-Commissaire aux droits de l’Homme Michelle Bachelet, de libérer des détenus pour éviter des « ravages » en prison a été entendu, non seulement par le ministre de la justice français Michèle Belloubet, mais aussi par les gouvernements d’Afrique du Nord.
Un journaliste italien, Alessandro Scipione, a mené une enquête. Ses conclusions sont alarmantes, une bombe à retardement menace l’Europe.
« Au moins 15 000 prisonniers sont en liberté au Maroc, en Algérie, en Tunisie et en Libye à cause de l’urgence Covid-19, explique-t-il, dans un article paru sur Inside Over. La plupart d’entre eux sont des criminels qui ont été reconnus coupables de délits mineurs ou qui ont déjà purgé la plupart de leurs peines de prison. Cependant, le risque lié à la sécurité et à la criminalité ne doit pas être sous-estimé dans les pays où la crise économique pourrait frapper plus fortement et provoquer une nouvelle vague de migration, notamment à long terme. En Tunisie, (…) la population n’est pas en mesure de supporter les mesures de sécurité rigides (verrouillage total et couvre-feu nocturne) imposées par les autorités: entre maladie et faim, beaucoup choisissent la première option en défiant le blocus et les militaires dans la rue.
L ‘Algérie (le plus grand pays du continent africain), avec la Libye, est le pays qui pourrait subir des les pertes économiques les plus importantes à cause de la baisse du prix du pétrole. (…) 90% de son économie repose sur la vente d’hydrocarbures. Avec l’arrêt forcé des vols, le Maroc voisin aura beaucoup de mal à trouver des sources alternatives aux devises étrangères, généralement apportées par des touristes et envoyées par des expatriés. Cependant, comme le souligne l’Agence Nova, c’est certainement la Libye qui effraye le plus, avec son mélange de terrorisme, de criminalité, de traite des êtres humains, de guerre et maintenant aussi de coronavirus.
Le roi marocain Mohammed VI a accordé la grâce royale à 5 654 prisonniers début avril. (…) »
Il ne faut pas non plus baisser la garde du côté « des migrations illégales » :
« Le 6 avril, en effet, il y a eu un épisode grave d’invasion massive dans l’enclave espagnole de Melilla. Les trafiquants savent que l’Espagne a mobilisé une grande partie de ses forces dans la lutte contre le coronavirus et pourraient intensifier les tentatives d’envahissement de la ville autonome de Melilla et de l’enclave espagnole de Ceuta, les seules frontières terrestres entre l’Afrique et l’Europe.
5 037 autres détenus ont été graciés par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, toujours en vertu des dispositions contre la propagation du coronavirus. (…) En outre, le chef de l’État a également ordonné une réduction partielle de la peine pour les détenus qui ont commis des délits non graves et dont l’âge est égal ou supérieur à 60 ans. (…) »
En Tunisie, même scénario révèle l’article :
« 3 276 criminels [ont été] libérés. (…) Il est à noter, rappelle l’auteur de l’enquête, que la Tunisie est le premier pays d’origine des migrants illégaux débarqués en Sicile en 2019 ( au moins 2654 selon les données du ministère de l’Intérieur ). Début 2020, les activités des trafiquants d’êtres humains ont connu une reprise importante qui semble toutefois s’être apaisée en mars avec l’urgence due au Covid-19. »
Mais c’est la Libye, véritable plaque tournante de la criminalité, du terrorisme et de l’immigration clandestine à destination du Vieux Continent, qui connait la situation la plus complexe et dangereuse pour l’Europe :
« La situation en Libye représente un véritable cauchemar pour les 007 italiens, explique Alessandro Scipione. Le mélange entre la traite des êtres humains, la guerre, le terrorisme, la criminalité et maintenant aussi le coronavirus (19 cas enregistrés en Tripolitaine, dont un décès et un rétablissement; aucun cas déclaré en Cyrénaïque) est susceptible de déclencher une réaction en chaîne à travers la Méditerranée, vu les frontières terrestres poreuses et la présence de nombreux trafiquants d’êtres humains. (…)
Les autorités judiciaires de l’ouest de la Libye, reconnues par les Nations Unies, ont pour l’instant annoncé la libération d’environ 500 prisonniers. Selon le porte-parole de la police du gouvernement de la Cyrénaïque (ce dernier non reconnu par la communauté internationale), le lieutenant Asadiq Al Zawi, ce sont des personnes impliquées « dans des crimes atroces » qui, dans certains cas, ont déjà quitté la capitale. Le porte-parole de l’est de la Libye a également accusé le gouvernement de Tripoli de déployer des détenus sur le front contre l’Armée nationale libyenne (LNA) du général Khalifa Haftar au sud de Tripoli. Des déclarations qui doivent être prises avec des pincettes parce qu’en Libye, la situation est « très fluide » – expliquent les analystes militaires (…). Pourtant, les risques semblent concrets dans un pays où la guerre civile (ou plutôt la guerre par procuration) a eu il y a quelques jours un an. »
La crise du coronavirus pourrait donc bien être le déclencheur de nouvelles vagues importantes d’immigration d’Afrique du Nord vers le Vieux Continent, avec, en prime, bien des criminels cachés en leur sein.
Francesca de Villasmundo
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