Le cordonnier Demos est d’abord surpris quand on vient lui annoncer qu’il est désormais le chef de l’État, grâce à une révolution faite en son nom – mais à son insu – par quelques excités. Il est pourtant vite rassuré. En lui apportant la bonne nouvelle, l’avocat démagogue Cléon, le journaliste antireligieux Clisthène et le banquier philanthrope Ploutos se déclarent entièrement à son service : tout prêts à se dévouer pour faire tourner les rouages de l’État. Ainsi, Demos pourra jouir sans souci de son titre de souverain…
Représentée pour la première fois en 1929 – puis traduite en anglais pour être jouée à Londres en 1931 – la comédie « Demos, esclave et roi » est la seule pièce politique du répertoire d’Henri Ghéon (1875-1944), qui, après sa conversion, en 1915, traita surtout des thèmes religieux (Le Pauvre sous l’escalier, Le Saint malgré lui, Le Triomphe de saint Thomas, Le Comédien pris à son jeu, La Bergère au pays des loups, Le Noël sur la place, etc.)
Ouvertement inspirée du théâtre grec d’Aristophane (5e siècle avant Jésus-Christ), la pièce va beaucoup plus loin que lui dans la critique de la Démocratie. Elle fut saluée dans L’Action française comme une « satire étincelante », mais elle attira aussi l’attention du prix Nobel de littérature, George Bernard Shaw, pourtant situé à l’extrême opposé du spectre politique (il prônait le socialisme léniniste, le pacifisme, l’athéisme, l’eugénisme, le végétarisme et le métissage universel). Tout en critiquant la pièce, Shaw reconnut – dans une lettre privée – que le thème en était très bien trouvé et l’allégorie « très véridique » (very truthful).
En un siècle, la pièce n’a malheureusement guère vieilli. La description de la campagne électorale, à la fin du premier acte, reste très drôle, parce que tristement actuelle. Plusieurs traits du troisième acte paraissent même prophétiques, lorsque la comédie semble tourner au drame. Le happy end est toutefois de rigueur. En sera-t-il de même dans notre pays ?
Jamais rééditée depuis sa parution, cette pièce d’Henri Ghéon est reproduite dans le dernier numéro du Sel de la terre (119), avec d’autres extraits du dramaturge catholique.
Le Sel de la terre (revue trimestrielle)
n° 119 (hiver 2021-2022), 15 E (208 p.)
Couvent de la Haye-aux Bonshommes – 49240 Avrillé
Sommaire du numéro : http://www.dominicainsavrille.fr/le-sel-de-la-terre-n119/
Extrait de la pièce : http://www.dominicainsavrille.fr/?ddownload=10196/
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