En accordant un entretien à Rorate Caeli (lire l’interview sur medias-catholique.info), Mgr Schneider a par moments des mots très forts, consolants pour ceux qui luttent contre l’apostasie silencieuse qui gangrène l’Eglise catholique. Ses positions sur le synode sur la famille sont claires et sans ambigüités. Le plus encourageant est qu’il n’hésite pas à remonter aux sources profondes du mal lorsqu’il déclare que « la vraie source de l’actuelle crise dans l’Église, la crise du mariage, de la famille et de la moralité en général n’est pas la réforme liturgique, mais le défaut de foi, le relativisme doctrinal, dont découle le relativisme moral et liturgique ».
En un autre domaine, il s’oppose avec tout autant de fermeté à ces « clercs semi-hérétiques » qui ont atteint le « sommet de la confusion et de l’absurdité. » Il n’hésite pas à désigner implicitement le pape François lorsqu’il juge que « le lavement des pieds des femmes avec ceux des hommes non seulement distrait de l’accent principalement mis sur l’Eucharistie et le Sacerdoce, mais engendre la confusion au sujet du symbolisme historique des « douze » et du fait que les apôtres sont de sexe masculin ». Remontant là encore à certains principes liturgiques, il ajoute : « Il n’y a pas de doute que la participation féminine dans les services liturgiques à l’autel représente une rupture radicale avec la pleine et entière pratique de l’Église. Une telle pratique est donc contraire à la tradition apostolique. »
Reste qu’en ces rappels, aussi excellents que généraux, il n’ose encore s’en prendre ouvertement à ce qui a introduit officiellement la confusion dans l’Eglise et la crise de la foi : les faux principes contenus dans le concile Vatican II. D’où chez lui la volonté de concilier ce qui de soi est inconciliable. Promoteur de la liturgie traditionnelle par exemple, il ne dénonce pas pour autant les méfaits du rite de Paul VI, mais seulement ses abus. Symptomatique à cet endroit le fait que, dans la louange qu’il adresse au rite traditionnel, il ne mentionne pas la nature sacrificielle de la messe, alors que le nouveau rite la met sous le boisseau. C’est pourtant là que se situe l’ossature de la messe, et le point d’achoppement entre les tenants du nouveau rite et du rite de toujours. Mais aborder la crise liturgique sous cet angle l’obligerait à dénoncer le rite de Paul VI, démarche qu’il n’a pas (encore ?) faite.
L’ambiguïté d’une telle position lui rend incompréhensible certains choix de la FSSPX, dont il se dit ami. S’il la considère non seulement comme catholique, mais encore comme un « don pour l’Eglise de nos jours », il en dénonce pourtant certains membres (pour ne pas parler ouvertement de ses positions) comme « excentriques » (hors du centre) qui n’auraient pas le sentire cum ecclesia. Que vise-t-il ainsi ? Espérant une reconnaissance canonique de la FSSPX, son attaque viserait-elle les réticences de cette dernière ? C’est qu’en son attitude générale visant malgré lui à concilier les inconciliables, il ne peut saisir les raisons prudentielles plus que fondées qui expliquent ces réticences : peut-on sans danger se mettre sous la gouvernance directe d’une autorité dont les actes habituels sont destructeurs pour l’Eglise ? Et si Mgr Schneider apprécie en la FSSPX sa capacité à déranger ceux qui « craignent les éternelles vérités catholiques et ses exigences dans la sphère morale et liturgique », n’y a-t-il pas un risque réel à ce qu’une reconnaissance canonique affadisse ce sel ? Plus d’une chose le laisse pourtant craindre, à commencer par le changement profond de discours de ses autorités suprêmes lorsqu’il s’agit d’analyser les actes et discours du pape actuel.
De même, en dénonçant « ceux qui s’estimeraient (être) la dernière instance judiciaire dans l’Eglise », Mgr Schneider ne vise-t-il pas la Fraternité Saint-Pie X elle-même, lorsque celle-ci s’estime le devoir de revenir sur certains actes judiciaires posés par les tribunaux, même romains ? Oui hélas, notamment en matière de nullité de mariage, la FSSPX est dans l’obligation de le faire, et cela n’ira qu’en s’empirant avec les récents motu proprio du 15 août 2015. A qui la faute ? A la FSSPX qui se proclamerait « dernière instance judiciaire » (ce qui est absolument faux) ou à Rome qui n’exerce plus son pouvoir judiciaire en vue du bien commun ? C’est bien cette carence romaine qui oblige à user de la suppléance.
On le voit : si Mgr Schneider est indéniablement un défenseur de la foi catholique, celle-ci ne pourra être efficacement défendue qu’en acceptant encore de dénoncer non seulement les erreurs – et toutes les erreurs – mais encore les fauteurs d’erreur. Seule cette attitude donnera une lucidité suffisante sur la situation actuelle et ses remèdes profonds.
Christian LASSALE
Cet article vous a plu ? MPI est une association à but non lucratif qui offre un service de réinformation gratuit et qui ne subsiste que par la générosité de ses lecteurs. Merci de votre soutien !