Oleksi Arestovych, conseiller du chef du bureau du président pour les questions militaires, a démissionné aujourd’hui du gouvernement ukrainien de Volodymyr Zelensky. Anciennement assistant du chef de cabinet Andriy Yermak, le haut fonctionnaire de 47 ans a quitté le gouvernement dont il était, en réalité, une éminence grise communicative et politique à cause de ce qui en Ukraine a été qualifié de « fausse » position sur les récents attaques de missiles à Dnipro.

Les missiles tombent sur l’Ukraine avec des conséquences fatales sur le cercle restreint autour de Zelensky : un des plus puissants conseillers du président ukrainien, connu pour sa prédiction d’une guerre totale avec la Russie, prix pour rejoindre l’OTAN, exprimée à la télévision ukrainienne en 2019 vient de démissionner.

La raison officielle de la démission d’Arestovich : ses déclarations concernant le missile tombé sur un immeuble à Dnipro

Selon la raison officielle, Oleksi Arestovich aurait démissionné à la suite de ses déclarations autour du missile tombé sur un immeuble à Dnipro faisant plus de 40 morts. Il a en effet déclaré que le missile russe qui a causé ce massacre samedi dernier était tombé sur l’immeuble résidentiel parce qu’il avait été dévié par un impact avec une roquette des systèmes de défense ukrainiens. De telles déclarations ont été immédiatement reprises par la propagande russe, soulignées par le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. La réaction du maire de Dnipro, Boris Filatov, a été furieuse, l’accusant d’être « un narcissique avec une poubelle au lieu d’une bouche ». Oleksiy Oleksiyovich Goncharenko, député du bloc lié à l’ancien président Petro Porochenko, a appelé à haute voix à la démission d’Arestovych, tout comme le Kyiv Independent, porte-voix de la résistance de Kiev, a parlé de « fausses allégations ».

Arestovitch a construit la stratégie ukrainienne, à façonner le récit de l’Ukraine assiégée par le « nouvel Hitler », Vladimir Poutine et s’est fait beaucoup d’ennemis

Arestovitch, ancien soldat et militaire entré à l’Académie militaire d’Odessa en 1994 puis dirigé vers la direction du renseignement du ministère ukrainien de la Défense, démis de ses fonctions de lieutenant-colonel en 2005 et depuis commentateur, analyste militaire et enfin conseiller du président, « a construit la stratégie ukrainienne pour résister à la guerre déclenchée par la Russie. Médiatiquement et politiquement, il a contribué à façonner le récit de l’Ukraine assiégée par le « nouvel Hitler », Vladimir Poutine » rappelle le blog d’analyses geo-politiques Inside Over.

Menant la bataille « mentale » de Kiev et participant au défi politique de la structuration de la résistance en Ukraine, Arestovitch a assumé un rôle central dans les négociations internes du gouvernement. Un rôle encore plus large que ce que sa position aurait prédit. Il a fait et défait, donnant des interviews dans lesquelles il parlait de grande stratégie, de l’avenir de l’Ukraine proche de l’OTAN. Il a répété que c’était lui, dans ce fameux entretien de 2019 cité plus haut sur la chaîne d’information Apostrophe.ua, qui avait le premier prédit les perspectives et les directions d’une invasion russe. « Bref, il s’est fait connaître et s’est ainsi forgé plusieurs ennemis » explique Inside Over.

La raison officieuse de la démission d’Arestovitch : ses ambitions présidentielles pour la période post-Zelensky

Beaucoup d’ennemis qui veulent l’éliminer, si ce n’est physiquement tout au moins médiatiquement et politiquement.

« Les ambitions d’Arestovitch se sont élargies, souligne en effet Inside Over. S’adressant à The Economist, il s’est déclaré « excité » à l’idée de pouvoir contribuer à mener le pays en guerre, et a commencé à cultiver des ambitions présidentielles pour la période post-Zelensky. En même temps, cependant, il n’a jamais suivi les « faucons » plus agressifs tels que Mikhalio Podolyak et le vice-premir ministre Irina Vereshchuk dans leur recherche d’une guerre totale avec Moscou et le rejet de toute négociation diplomatique. En août, il a déclaré au Post qu’il n’était pas d’accord avec l’idée en cours de discussion dans l’Union européenne d’une interdiction générale de visa pour tous les citoyens russes et biélorusses, qualifiant une telle décision digne de Poutine. En octobre, parlant avec Limes, il a déclaré qu’à son avis la voie diplomatique est faisable pour récupérer les territoires conquis par Moscou à partir de février. Ceux qui ont suivi les événements en Ukraine ont rappelé que son étoile s’est progressivement estompée après que les espoirs d’une fin négociée du conflit eurent diminués. »

La chute de l’un des hommes les plus puissants d’Ukraine : le parti de la guerre totale, directement ou indirectement, gagne du terrain

Deux scénarios, donc, pour la chute de l’un des hommes les plus puissants d’Ukraine jusqu’à il y a quelques jours qu’Inside over décrit ainsi :

« La première hypothèse est que l’incident du missile Dnipro a fait remonter à la surface une intolérance qui couvait depuis longtemps dans l’État profond et dans les appareils ukrainiens envers Arestovitch, le conduisant à démissionner. La seconde est celle du prétexte du missile pour expulser un homme devenu encombrant, surtout parce qu’en ennemi résolu de la Russie et en stratège de la résistance, il n’a cependant pas manqué de penser à une solution diplomatique comme alternative à de nouvelles souffrances pour le peuple ukrainien. Il n’est pas dit que les deux hypothèses ne peuvent pas converger. »

Quelle que soit la raison réelle de cette démission, ces deux scénarios soulignent que si Moscou est traversé des luttes de pouvoir, Kiev l’est tout autant. « Et dans les deux camps, conclut Inside Over, le parti de la guerre totale, directement ou indirectement, gagne du terrain.
Francesca de Villasmundo

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