Dans une interview à Die Zeit le 7 décembre dernier, l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel a affirmé que les Accords de Minsk avaient été « une tentative de donner du temps à l’Ukraine » de se renforcer militairement en vue d’une confrontation future avec Moscou. Un aveu d’importance « historique », comme l’a fait remarquer le président serbe Alexandre Vucic ce 10 décembre, alors que ces accords avaient été conclus avec pour objectif officiel de rétablir la paix entre Kiev et les Républiques du Donbass.
« Nous avons tous vus la déclaration historiquement importante d’Angela Merkel [sur les accords de Minsk]. Je suis surpris », a commenté Alexandre Vucic lors d’un discours à la nation serbe. Et le dirigeant de poursuivre, selon une retranscription de l’agence de presse Tass :
« Pour moi, cette idée est pratiquement incompréhensible mais elle est confirmée par ce que [l’ancien président ukrainien] Petro Porochenko a affirmé, qu’ils n’avaient jamais eu l’intention d’implémenter les Accords de Minsk. »
De la place Maidan aux accords de Minsk
Les Etats-Unis et leurs alliés « ont simulé leur soutien à la feuille de route vers la paix, tout en injectant des armes en Ukraine et en ignorant tous les crimes commis par le régime de Kiev… dans l’intérêt d’une frappe décisive contre la Russie », a précisé Merkel à Die Zeit.
Les Accords de Minsk ont mis fin à la guerre qui a commencé cette année-là, lorsque Kiev, après la révolution de Maidan, coup d’État téléguidé par les Etats-Unis, décida manu militari de reprendre les régions du Donbass qui avaient déclaré leur autonomie vis-à-vis de la capitale et demandé des négociations sur leur statut. Une guerre qui a vu les Russes soutenir les rebelles et l’OTAN Kiev.
Ces Accords, écrit le journaliste américain Ted Snider dans un article publié sur Responsible Statecraft, « ont donné la meilleure solution diplomatique possible à la crise. Médié par la France et l’Allemagne, convenu entre l’Ukraine et la Russie et accepté par les États-Unis et les Nations Unies, l’accord visait à rendre pacifiquement le Donbass à l’Ukraine, lui accordant cependant une pleine autonomie. En particulier, l’accord de Minsk II avait promis l’autonomie du Donbass en Ukraine. La perspective de neutralité et la question de l’adhésion à l’OTAN auraient dû être examinées plus tard ». Snider ajoute :
« L’ancien ambassadeur américain en Union soviétique Jack Matlock a récemment déclaré que ‘’la guerre aurait pu être évitée […] si l’Ukraine avait respecté l’accord de Minsk, qui prévoyait la reconnaissance du Donbass en tant qu’entité autonome en Ukraine, empêché les conseillers de l’OTAN [d’opérer dans le pays] et de s’était engagée à ne pas rejoindre l’OTAN‘’ ».
La duplicité de l’Occident
Si l’on en croit Merkel, faire respecter cet accord n’était pas le plan des Etats-Unis, et de ses alliés européens soumis, mais au contraire faire tomber Poutine, démembrer l’Empire russe, via une guerre otanienne par Ukraine interposée. Pour le plus grand malheur des Ukrainiens, chair à canon pour les intérêts américains, les stratèges de l’Etat profond américain n’avaient pas prévu la vigoureuse riposte guerrière de la Russie, plus difficile à abattre que dans l’imaginatif washingtonien.
L’aveu de cette duplicité occidentale dévoilé par Merkel a suscité une vive réaction du président russe Vladimir Poutine, alors que Moscou a, à de multiples reprises, déploré la non-application de ces accords censés entériner la fin des hostilités entre les forces ukrainiennes et les Républiques populaires de Donetsk et Lougansk.
« Il s’avère que personne n’allait mettre en œuvre tous ces accords de Minsk », a ainsi déploré le chef d’Etat russe en conférence de presse le 9 décembre, ajoutant encore :
« J’espérais encore que les autres parties prenantes à ce processus étaient sincères avec nous. Il s’avère qu’ils nous trompaient aussi. Il s’agissait uniquement de renforcer l’Ukraine avec des armes, en la préparant aux hostilités. »
Vladimir Poutine a ensuite estimé qu’au vu de ces nouveaux éléments, Moscou aurait « peut-être » dû lancer son opération militaire en Ukraine plus tôt, soulignant que la Russie espérait pour sa part être en mesure de résoudre le conflit dans le Donbass par le biais des Accords de Minsk. « Ce qu’on a dit maintenant prouve seulement que nous avons pris la bonne décision en lançant une opération militaire spéciale », a-t-il estimé.
Sans confiance, la perspective de négociations sérieuses s’éloigne
Enfin, le dirigeant a déploré l’impact des déclarations d’Angela Merkel sur la confiance entre Moscou et ses interlocuteurs internationaux. « La confiance est presque inexistante, mais après de telles déclarations, une question de confiance se pose : comment négocier, sur quoi, et s’il est possible de négocier avec quelqu’un, et quelles sont les garanties ? », s’est interrogé publiquement Vladimir Poutine, insistant néanmoins sur la nécessité de parvenir, in fine, à un accord sur l’Ukraine :
« Mais tout de même, à la fin, nous aurons à nous mettre d’accord. J’ai déjà dit à plusieurs reprises que nous sommes prêts à négocier, nous sommes ouverts. Mais cela nous fait penser, bien sûr, à qui nous avons affaire. »
Francesca de Villasmundo
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