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« Traité pour désaveugler les juifs » de Saint Vincent Ferrier

Saint Vincent Ferrier (né en Espagne en 1349 et mort en Bretagne en 1419) n’est pas seulement célèbre pour les miracles qu’il semait de ville en ville dans ses tournées de prédicateur itinérant. Il amena au baptême plusieurs rabbins et des dizaines de milliers de juifs (dans la seule ville de Perpignan, en 1415 : quatre rabbins et soixante familles). Un de ces convertis, Joshua ha-Lorqui, devenu Jérôme de Sainte-Foi, organisa en 1413-1414 un grand débat entre quatorze rabbins et autant de docteurs catholiques. Au terme de 69 conférences, tous les rabbins sauf deux demandèrent le baptême.

Le Traité contre l’incrédulité des juifs que rédigea saint Vincent Ferrier (avec trois autres docteurs en théologie dont on n’a pas conservé les noms) est pourtant resté inédit jusqu’au 20e siècle. En 1909, il fut publié pour la première fois – en latin – dans les Œuvres complètes de saint Vincent Ferrier, d’après un manuscrit du 15e siècle, conservé à Rome. La première traduction en français est parue en 2012-2013 dans la revue Le Sel de la terre. Elle vient seulement d’être réunie en volume, sous le titre : Traité pour désaveugler les juifs.

La grande force de cet ouvrage réside dans son plan. En s’appuyant sur les prophéties hébraïques, saint Vincent Ferrier mène une démonstration méthodique en cinq étapes :

  1. Le Messie annoncé par les prophètes hébreux devait d’abord prêcher aux juifs, mais sa mission libératrice ne se limitait pas à ce peuple : il devait apporter la libération à tous les hommes.
  2. Cette libération universelle est principalement spirituelle : il s’agissait de libérer les hommes du péché et de ses conséquences, notamment le châtiment éternel en enfer.
  3. Le Messie doit être déjà venu (c’est le plus gros chapitre, car il développe plusieurs arguments, et répond en détail aux objections juives).
  4. Ce Messie déjà venu ne peut être que Jésus.
  5. Il n’est pas seulement un homme.

En annexe, pour répondre aux difficultés qui pourraient encore retenir les juifs loin du baptême, l’auteur répond à quelques objections sur la sainte Trinité, la loi de Moïse ou les saintes images (« les juifs nous accusent en outre de fabriquer des idoles »). On sait que cette dernière objection a été reprise au 16e siècle par des protestants, qui se prétendent chrétiens (certains s’autodésignent même aujourd’hui comme « évangéliques ») mais veulent revenir aux prescriptions de la Loi de Moïse. Elle est particulièrement bien réfutée (p. 120-127).

Le copiste qui a reproduit cet ouvrage à la main, en 1440, y a ajouté ces mots :

« Ainsi s’achève ce traité destiné aux enfants et aux jeunes gens pour qu’ils puissent dans une certaine mesure réfuter les sophismes et les arguties des juifs, et démontrer par la Loi juive elle-même la vérité de la foi catholique. »

Saint Vincent Ferrier, Traité pour désaveugler les juifs, traduit en français par Yves Brinquin, éditions du Sel (Avrillé), 142 p., 14 €.

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