La lettre du pape François qui accompagne le motu proprio Traditionis custodes essaie de montrer la continuité entre la messe tridentine et le Novus ordo, en s’appuyant particulièrement sur la notion de participation active. Qu’en est-il en fait ?
Voici le passage qui cherche à établir ce lien : « Parmi les vœux que les évêques [du Concile] ont indiqués avec le plus d’insistance, il y a celui de la participation pleine, consciente et active de tout le peuple de Dieu à la liturgie [Cf. Acta et documenta concilio oecumenico vaticano II apparando, Série I, Volumen II, 1960.], dans la ligne de ce que Pie XII avait déjà affirmé dans son encyclique Mediator Dei sur le renouveau de la liturgie [Pie XII, Litt. Encyc. Mediator Dei et hominum, 20 novembre 1947 : AAS 39 (1949) 521-595.]. »
La participation active chez les papes antéconciliaires
Le terme de « participation active » se trouve dans un texte du pape saint Pie X de 1903, A travers les sollicitudes, sur la musique sacrée. Le saint pape fait de « la participation active aux mystères sacro-saints », « la source première et indispensable du véritable esprit chrétien ».
De quelle manière saint Pie X va-t-il réaliser ce programme ? Quant aux fidèles, de deux manières : en encourageant la restauration du chant grégorien pour le rendre accessible aux fidèles ; et en promulguant deux décrets : sur la communion des enfants dès l’âge de raison, et sur la communion fréquente. Cela donne une indication de ce que saint Pie X entendait par participation active.
Dans son encyclique consacrée à la liturgie, Mediator Dei, datée de 1957, le pape Pie XII reprend l’idée, même si l’expression ne s’y trouve pas littéralement. Il faut suivre attentivement son texte qui contient une clef indispensable pour comprendre la déviation conciliaire.
« Il est donc nécessaire, Vénérables Frères, que tous les chrétiens considèrent comme un devoir principal et un honneur suprême de participer au sacrifice eucharistique, et cela, non d’une manière passive et négligente et en pensant à autre chose, mais avec une attention et une ferveur qui les unissent étroitement au Souverain Prêtre.
« Le mot de l’Apôtre : “Ayez en vous les sentiments qui étaient dans le Christ Jésus”, demande de tous les chrétiens qu’ils reproduisent (…) les sentiments dont était animé le divin Rédempteur lorsqu’il offrait le sacrifice de lui-même. (…) Il demande que nous mourions mystiquement sur la croix, (…) que nous devenions, avec l’Hostie immaculée, une seule victime agréable au Père éternel. (…)
« Ceux-là, par conséquent, sont dignes de louanges qui, en vue de rendre plus facile et plus fructueuse pour le peuple chrétien la participation au sacrifice eucharistique, s’efforcent opportunément de mettre entre les mains du peuple le Missel romain, de manière que les fidèles, unis au prêtre, prient avec lui à l’aide des mêmes paroles et avec les sentiments mêmes de l’Église (…). »
Le pape Pie XII va cependant donner une explication remplie de bon sens et de sollicitude pastorale :
« [Mais] un bon nombre de chrétiens ne peuvent se servir du Missel romain, même s’il est écrit en langue vulgaire ; et tous ne sont pas aptes à comprendre correctement, comme il convient, les rites et les formules liturgiques. Le caractère et l’esprit des hommes sont si variés que tous ne peuvent pas être conduits de la même manière par des prières et des actes communs. Les besoins des âmes et leurs goûts ne sont pas les mêmes chez tous, et ne demeurent pas toujours les mêmes en chacun.
« Qui osera donc dire que tant de chrétiens ne peuvent participer au sacrifice eucharistique et jouir de ses bienfaits ? Mais ces gens-là le peuvent assurément grâce à une méthode, qui se trouve être pour certains plus facile, comme par exemple, de méditer pieusement les mystères de Jésus-Christ, d’accomplir d’autres exercices de piété et de faire d’autres prières qui, bien qu’elles diffèrent des rites sacrés par la forme, s’accordent cependant avec eux par leur nature. »
Un changement de perspective
La constitution Sacrosanctum concilium sur la liturgie du concile Vatican II contient onze fois l’expression « participation active ». En fait, cette expression n’est ni plus ni moins qu’un cheval de Troie.
En effet, dans le texte du Concile, le terme de participation « active » est à double sens. Pour bon nombre d’évêques, il signifie une participation telle que l’a décrite et définie Pie XII.
Mais pour les rédacteurs et les novateurs, il signifie une participation agissante, par laquelle les fidèles sont chargés d’une partie plus ou moins grande de la réalisation matérielle de la cérémonie liturgique. Par exemple : lectures, acclamations, présentation des dons, distribution de la sainte communion, gestes et attitudes corporelles. (N. 30 de Sacrosanctum concilium)
Que ce soit bien là l’esprit du Concile est confirmé par un texte de Paul VI de 1974, qui affirme : « C’est cependant une erreur, qui subsiste encore malheureusement en certains endroits, de réciter le rosaire au cours de l’action liturgique », Marialis cultus, n° 48, 2 février 1974.
Ainsi, en moins de vingt ans (de 1957 à 1974), le pape Paul VI condamne comme une erreur ce que le pape Pie XII louait comme une attitude en tous points conforme à l’esprit de la liturgie. Ce grand écart permet de mesurer la distance qui sépare le rite tridentin du rite réformé après le Concile.
Conclusion
Contrairement à ce qu’essaie de nous faire croire la lettre du pape François, il n’y a pas d’évolution homogène entre le rite tridentin et le rite réformé : les intentions de saint Pie X et de Pie XII ont été trahies par des liturges en mal de nouveautés.
Il n’est pas difficile de découvrir l’explication de cet engouement pour la « participation active » : elle réside dans une nouvelle conception du sacerdoce, en particulier du sacerdoce commun des fidèles. Ce sera l’objet d’un prochain article.
Source : fsspx.news du 3 août 2021
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