Depuis les commémorations du 6 juin, les relations semblent se détendre entre la France et la Russie mais aussi entre la Russie et l’Ukraine. Un tournant diplomatique semble s’être opéré. Pour en savoir plus sur les relations entre la France et la Russie, nous avons pu interroger Thierry Mariani, député UMP des Français de l’Etranger mais aussi co-président du Dialogue Franco-russe. Quel rôle a joué la commémoration du Débarquement dans la désescalade ? L’interview de Poutine à des médias français, sa personnalité, les relations franco-russes mais aussi la crise à l’UMP, l’hypothétique retour de Sarkozy,… Thierry Mariani a répondu sans détour à nos questions.
« Ne pas l’inviter, cela aurait été humiliant et inefficace », c’est la réponse franche et rapide de Thierry Mariani quand on lui pose la question de savoir si le fait d’avoir invité Poutine aux commémorations du 6 juin était un signe fort envoyé à la Russie. Pour étayer son avis, le député rappelle la large contribution des Russes dans la victoire finale des Alliés et aussi le nombre de morts beaucoup plus importants. Il tient à souligner le rôle positif que cette invitation a eu : « Poutine et Porochenko ont pu échanger quelques minutes. Obama et Poutine ne devaient pas se voir, ils se sont quand même parlés. C’est l’illustration qu’il vaut mieux dialoguer que s’affronter. » Pour l’occasion, le député se fait même un brin élogieux pour Hollande, dont il n’est pourtant pas un des plus fervents partisans, mais il reconnait que sur ce coup-là il a agi de manière pertinente. Quelques jours auparavant, Poutine avait pu s’adresser directement aux Français en répondant pour la première fois depuis longtemps à des médias français dans une longue interview. Il avait même déclaré qu’il avait une relation de confiance avec le président français. Thierry Mariani n’a qu’un regret : « qu’on ait coupé vingt minutes où il expliquait de manière posée son action en Ukraine. Malgré tout, cela lui a permis de donner une autre vision que celle totalement déformée qu’on donne en général des positions russes. »
Personne ne pourra le contredire : qu’on soit pro ou anti Poutine, chacun a son avis sur le personnage et veut le donner. Cela tient autant à sa propre personnalité qu’au grand pays qu’est la Russie. C’est bien aussi l’avis de Thierry Mariani : « Regardez qui étaient les vedettes à la commémoration du Débarquement : Poutine et Obama. Poutine ne laisse indifférent personne, on l’aime ou on le déteste. C’est un homme d’Etat, le seul avec Angela Merkel. Il a une ligne politique qu’il suit avec conviction et non sur des modes. Les citoyens finissent par comprendre que c’est dans leur intérêt » Le député rappelle qu’il a une cote de popularité de 80% dans son pays : « un score qui ferait rêver certains en France. Alors que pour les Occidentaux, les périodes Gorbatchev, Eltsine sont le retour à la démocratie ; pour les Russes c’est une période de chaos et de misère. Poutine a remis de l’ordre et il a redonné une certaine fierté. »
Si on aborde les relations franco-russes, Thierry Mariani rappelle que la France a des intérêts énormes en Russie : « On est le 2ème ou 3ème investisseur en Russie, selon les chiffres. On a des économies complémentaires. L’un apporte les matières premières, l’autre son savoir-faire et sa technologie. On est du même continent et il faut en tenir compte. » Pour le député, nous sommes plutôt dans une guerre économique et la question est de savoir si on fait la politique en fonction de ses intérêts ou d’une certaine morale souvent à géométrie variable : « Les Français sont naïfs et tombent à chaque fois dans le piège des USA, qui en sortent gagnants avec leur politique de sanctions que suivent les Européens. » Il suffit de voir la politique américaine en Pologne et dans les pays baltes, pour les écarter du giron russe, notamment sur le gaz : « les Américains vont vouloir vendre à ses pays leur gaz de schiste. » Mais le député ne condamne pas pour autant les Américains : « Ils défendent leurs intérêts et c’est normal mais la France pêche par naïveté. »
Il était difficile de ne pas aborder la question de la crise à l’UMP au cours de la conversation. Sans aucune surprise, Thierry Mariani est partisan d’une droitisation, comme certains l’appellent, tout en rappelant une phrase de Bayrou « qui est évidente sans l’être pour tout le monde : il faut que le centre soit au centre et la droite à la droite. Le centre est notre allié naturel mais il faut que la droite ose s’affirmer. À prendre à droite, au centre, on mécontente tout le monde et on déplait. » Et comme preuve de ce qu’il avance, Thierry Mariani rappelle que l’année où le FN a fait un score faible, c’était en 2007, « quand Sarkozy a fait une campagne de droite. Le Pen a fait 10,44% aux présidentielles et aux législatives, le parti a fait 4,5% au premier tour. » Le député n’a rien contre le FN, qu’il considère comme un parti démocratique, mais cet exemple illustre parfaitement la crise que traverse l’UMP et pourquoi Sarkozy a perdu en 2012 : « on doit avoir une ligne politique sur nos idées historiques.» Pour finir, nous n’avons pu nous empêcher de poser l’éternelle question : êtes-vous favorable à un retour de Sarkozy ? La réponse est directe et sans ambiguïté pour un député qui n’est plus un sarkozyste inconditionnel : « L’UMP ne pourra pas se reconstruire tant qu’on ne saura pas les intentions de Sarkozy. S’il faut qu’il revienne, c’est maintenant ou jamais. Il faut savoir si c’est oui ou non. On ne pourra pas rester dans un suspens permanent. C’est peut-être dans son intérêt personnel mais ce n’est pas dans l’intérêt général. » Thierry Mariani n’y est donc pas opposé mais il est très clair : Sarkozy doit se positionner rapidement pour ne pas aggraver la situation.
Co-président du Dialogue Franco-Russe, Thierry Mariani fait partie des personnes politiques en France qui défendent Poutine et les positions russes mais qui surtout sont favorables à un rapprochement franco-russe dans l’intérêt des deux pays. Convaincu, il en parle librement et il ne s’en cache pas, malgré une certaine russophobie ambiante en France. Il fait partie de ces politiques qui assument leurs idées car comme il nous l’a si bien dit: « en politique, on gagne toujours à défendre ses idées. » Une ligne de conduite qu’il tient au sein de son parti, l’UMP.
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