La question du genre n’est pas seulement une affaire de politique, c’est une affaire d’anthropologie et de ce que, autrefois, on appelait : la nature humaine.
Même si le terme a aujourd’hui disparu, l’anthropologie pose bel et bien « la question de l’homme ». Le programme de la classe de première comporte même une séquence intitulée « la question de l’homme » dans laquelle on propose d’en examiner les racines.
Ces racines nous viennent des confins de la Méditerranée, et en particulier de la rencontre de la pensée chrétienne au premier siècle avec la sagesse « païenne ». Elles plongent dans le riche terreau de la pensée mythique et religieuse. L’homme se pense, se dit, se raconte à travers les mythes avant de le faire à travers la pensée rationnelle, qu’elle soit de type philosophique ou anthropologique. Ces mythes constituent un discours de l’homme sur lui-même et fournissent à ce titre une information précieuse. A la condition qu’ils soient justement interprétés, justement mis en perspective.
La Genèse fournit dans le système d’images qui est le sien, la conception d’une nature humaine solidaire de la Création. Elle décrit la succession d’opérations divines (les jours) qui décrivent figurativement ce qu’est l’homme. Ce n’est pas seulement une anthropologie mais une épistémologie[1].
C’est là que s’établit pour toute la tradition théologique et philosophique chrétienne une différence essentielle entre une nature humaine juste, et une nature humaine déchue, conséquence d’une sorte de catastrophe métaphysique qu’on appelle en théologie « le péché originel ». La « condition humaine » qui en découle est assortie depuis de souffrance, de maladie et de mort. Mais aussi d’une injustice criminelle.
Le Christ refonde en l’homme cette nature et la restaure.
Fort mal comprise, la question de l’homme – et de la femme – se pose d’emblée dans le récit biblique. Il ne s’agit bien évidemment pas de la femme telle que nous la voyons autour de nous, mais d’une « figure » de ce qui en l’homme est intérieur de l’intérieur. Et de ce fait « inconscientisable ». La femme est ce à quoi l’homme précisément n’a pas accès. Pour qu’il en prenne conscience, il faut que lui soit montrée la Femme.
La question de l’identité sexuelle est de ce fait fort mal posée, y compris chez les chrétiens qui défendent souvent dans la crispation, une cause juste.
Ish et Isha Il les créa (féminin et masculin). Il existe donc bel et bien dans la nature humaine, non pas une indétermination constitutive, mais la présence des pôles féminin et masculin. Ils existent mais dans un «corps sexué », qui est un « donné ». Le sexe auquel nous appartenons est une donnée anthropologique.
Mais il y a là un problème de langage.
La théorie du genre perçoit la différence sexuelle comme une détermination à briser. Elle refuse que ce soit une détermination biologique et prétend par là ouvrir à la liberté.
En réalité, il ne s’agit pas d’un conditionnement mais d’une différenciation figurée dans le monde sensible.
Mais si on admet qu’il s’agit de liberté, il faut poser le problème autrement. La liberté humaine est un affranchissement.
De quoi s’agit-il de s’affranchir ? Du sexe auquel on appartient ? Que d’énergie dépensée, et pour quelle liberté ? Celle d’étendre l’homosexualité ? C’est un programme bien pauvre.
Il faut d’abord s’affranchir de mauvaises programmations, des programmations « animales » : la folie vengeresse, la convoitise et la rancœur, l’égoïsme désordonné ou l’amour sans frein des siens. Ces programmations existent dans un corps de femme comme dans un corps d’homme.
Car l’homme n’est pas un animal, c’est le monde animal qui est en lui. Y compris cette pulsion animale particulière que le loup figure : la cruauté.
La première différenciation pour que l’homme soit homme, c’est celle qui consiste dans l’intégration de sa vie pulsionnelle. Elle est figurée dans la Révélation néotestamentaire par les animaux, que Noé fait monter dans son « coffre », l’arche de la nature humaine.
La seconde différenciation essentielle – fragile, comme toute différenciation – c’est la différenciation sexuelle. L’homme nait sexué, masculin ou féminin, et cette différenciation est bonne. Mais fragile, elle doit être soulignée.
Lutter contre cette détermination, ce conditionnement biologique est une sottise et une perte d’énergie. D’autant qu’il n’exclut pas la liberté. Il nous faut choisir d’être homme, dans un corps d’homme et femme dans un corps de femme. Ce choix est un consentement libre, dans le cadre de notre liberté initiale, le premier acte qui ouvre un itinéraire d’humain. De soi, il est une libération, car il permet d’entrer dans le monde de l’intelligence et d’entrer avec les autres dans des relations d’attention et des relations différenciées. Nous pouvons aller à la rencontre de l’autre, lui aussi sexué et lorsque le moment sera venu, entrer dans la relation amoureuse. Ce choix se fait plus ou moins consciemment, et parfois de manière mouvementée. Mais il fait partie de la vie humaine.
Pour l’enfant petit, les sociétés humaines soutiennent par toutes sortes de pratiques cette différenciation sexuelle. Parce que conscientes de la fragilité de cette différenciation dans la nature humaine même, toutes ont défini des conduites associées de manière privilégiée à la féminité ou à la masculinité.
Dans cet effort, elles ont souvent été arbitraires, maladroites, injustes et souvent rigides et il n’y a rien de révoltant à ce que les femmes cherchent à changer ce que ces pratiques ont eu de foncièrement injuste ou discriminant. Il s’agit d’une lutte sur le plan politique et social.
Mais le faire en reniant cette différenciation dans leur être même est une nouvelle violence.
C’est dans la nature humaine et donc invisiblement que cette différenciation doit se faire, pour ensuite se manifester dans le monde visible.
Détruire cette différenciation, c’est détruire l’homme.
Il s’agit d’un nouveau paradigme anthropologique destiné à remplacer celui que le monde chrétien avait largement contribué à mettre en place.
C’est un paradigme qui prétend bel et bien détruire la différenciation sexuelle perçue comme un conditionnement : celui d’un socialisme devenu fou, où le mythe de l’Egalité devient l’idole à partir de laquelle tout doit désormais se définir. Y compris la nature humaine désormais réinventée, y compris la sexualité des enfants, désormais massivement orientée, ou plutôt massivement désorientée.
Et ce, en contradiction absolue avec la mythologie de la différence massivement diffusée en faveur du communautarisme.
Oserai-je ajouter que je me demande ce que des parents musulmans penseront lorsqu’on donnera à lire à leurs enfants : « Papa va porter le voile » ou « Maman hérite de tout ».
On me répondra sans doute: mais ils n’oseront pas. Ils ont bien trop peur… Là, on risquerait d’avoir beaucoup plus de monde dans les manifestations, et beaucoup plus de CRS aussi !
[1] Voir sur le site « la communion des éducateurs chrétiens », les enseignements de Jean-François Froger, les Alliances. Une approche d’anthropologie biblique qui décrit et interprète chacune des 5 grandes figures de l’Ancien testament (Noé, Abraham, Jacob, Moïse, David) et le sens de chacune des alliances.
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