La ville d’Alep, bastion des islamistes depuis 2012, aujourd’hui assiégée par l’armée syrienne, devrait être libérée prochainement, à cet effet la Russie a ouvert quatre couloirs humanitaires pour secourir et évacuer la population. En marge de ce nouveau succès de la politique russe en Syrie, un autre accord de coordination militaire est annoncé entre la Russie et les USA dans lequel le rôle du Front Al-Nosra est sujet à caution.
Opération humanitaire
Alors que l’Est d’Alep, détenu par les islamistes depuis 2012, est depuis le 17 juillet complètement assiégé par l’armée syrienne, le général Sergueï Choïgou, ministre russe de la Défense, a annoncé jeudi le lancement d’une « opération humanitaire de grande ampleur », avec la création de quatre couloirs humanitaires pour les civils et les combattants prêts à rendre les armes. Le ministre a précisé que « les civils pris en otage par les terroristes ainsi que les combattants souhaitant déposer les armes » pourraient emprunter ces corridors. Le corridor du Nord, sur la route du Castello, devant permettre « le passage en sécurité des combattants armés », a-t-il ajouté, assurant qu’il s’agissait uniquement « d’assurer la sécurité des habitants d’Alep ». Le ministre russe de la Défense, qui a dit agir sur ordre du président Poutine, annonçait en même temps que des aides médicale et alimentaire seraient véhiculées par ces couloirs humanitaires.
L’opération a débuté le 28 juillet.
L’Express rapporte aujourd’hui que « Selon l’armée russe, 14 tonnes d’aide humanitaire (produits alimentaires, médicaments et produits de première nécessité) ont été livrés « dans la zone des points de passage » et 2 500 kits d’aide humanitaire ont été largués sur les quartiers est d’Alep.
Évacuation difficile des 250 000 habitants pris en otage
L’ex-capitale économique de Syrie est divisée depuis 2012 entre les quartiers de l’Ouest de la ville sous le contrôle de Damas, et les quartiers de l’Est dans lesquels les insurgés sont retranchés. La reconquête des quartiers de l’Est est en pleine exécution, mais les islamistes s’obstinent à résister âprement, malgré un appel à déposer les armes de la part des autorités de Damas; en effet, le président Bachar el-Assad a décrété jeudi une amnistie pour tous les rebelles qui rendraient les armes: « Toute personne portant les armes (…) et étant recherchée par la justice (…) est exemptée de la totalité de la peine si elle se rend et dépose les armes dans les trois mois suivant la date de publication de ce décret », indique le décret, qui précise que serait exemptée de sanction toute personne qui aura libéré, sans contrepartie, un otage qu’il détenait. Mais les menaces de l’encadrement islamiste empêchent les combattants de déposer les armes et les civils d’emprunter les corridors humanitaires comme ils le souhaiteraient parce qu’ils sont retenus contre leur gré pour servir de boucliers humains.
« Pour le moment, on ne peut pas dire que les terroristes se rendent massivement », constatent les miliciens qui combattent avec l’armée syrienne, « Mais ces dernières 48 heures, plusieurs dizaines de djihadistes se sont rendus dans les quartiers de Salaheddine et de Cheikh Maqsoud ».
« Des dizaines de familles sont sorties le matin des quartiers Est d’Alep à travers les couloirs ouverts pour évacuer les citoyens assiégés par les groupes terroristes », annonce l’agence Sana. Elles ont été installées dans des centres d’accueil où elles pourront bénéficier d’une visite chez le médecin et seront logées et nourries. « un groupe de femmes de plus de 40 ans sont également sorties des quartiers Est d’Alep à travers le passage de Salaheddine. » L’agence signale également que des combattants ont rendu leurs armes, sans en préciser le nombre.
Mais les hommes de moins de 50 ans sont retenus dans la zone des combats par les islamistes dont les menaces essayent de contenir l’exode général de la population.
le Front Al Nosra fait peau neuve
Une bataille intense continue d’opposer les insurgés piégés et l’armée syrienne qui ne cesse de poursuivre son avance, elle a repris, notamment, un quartier aux rebelles, situé à la périphérie nord-ouest de la ville. L’ONU et les grandes âmes des pays de la coalition américaine, sans compter les gros médias français, demandent l’arrêt des combats et la cessation des bombardements, ce à quoi l’armée syrienne ne cède pas. Un arrêt des combats pourrait permettre aux islamistes soutenus par de nombreux pays de la région et certains pays de la coalition américaine, de reprendre l’avantage. Faute de quoi, l’ONU a proposé vendredi de prendre le relais des couloirs humanitaires mis en place par la Russie, afin de permettre aux 250.000 civils de fuir la ville assiégée. Une proposition qui, semble-t-il, n’a pas eu grand succès.
Dans ce contexte, le Front al-Nosra très impliqué à l’Est d’Alep, a trouvé un moyen astucieux d’échapper aux bombardements. Il a annoncé jeudi qu’il se rebaptisait Front Fatah al-Cham (Front de la conquête de la Syrie) et qu’il rompait ses liens avec toutes les organisations extérieures, sous-entendu avec Al Qaïda. Il espère ainsi sortir de la liste des organisations reconnues terroristes par l’ONU et se positionner en « rebelles modérés », chers à la coalition américaine et à François Hollande. Le porte-parole du Pentagone, John Kirby a déclaré à des journalistes qui l’interrogeaient à ce sujet: « Nous jugeons de leurs actes, de leurs buts et objectifs et non du nom. Ainsi, notre approche reste la même ». Une réponse que Sputnik semble avoir pris pour argent comptant…
Quelques jours plus tôt à peine, John Kerry, le Secrétaire d’État US, a annoncé le 25 Juillet qu’un plan pour la coopération militaire et le partage de renseignements avec la Russie sur la Syrie devrait être annoncé début Août.
Nouvel accord Russie/USA
Selon ce plan, la Russie et les États-Unis devraient échanger des renseignements pour coordonner leurs frappes aériennes contre la branche syrienne d’Al-Qaïda qu’est le Front Al Nosra tout en interdisant aux forces aériennes des deux puissances toute attaque des soi-disant «rebelles modérés. » Il est tout-de-même curieux que le Front Al-Nosra (Front Fatah al-Cham) fasse peau neuve et patte de velours précisément juste après cet accord américano-russe.
Al-Nosra est le groupe d’opposition le plus puissant de Syrie après l’État islamique. Selon les déclarations du groupe, il compterait actuellement 60.000 combattants, nombre impossible à vérifier il est vrai. Ses unités sont en mesure de mener une guerre classique avec artillerie, chars de combat et autres équipements, y compris des drones, ainsi que des actions de guérilla et des attaques kamikazes.
Mais Al Nosra a reçu le soutien direct de la Turquie et de l’Arabie Saoudite et le soutien indirect des USA à travers les programmes de formation des «rebelles modérés» en Syrie. Sans compter le soutien de l’ancien ministre français des Affaires Etrangères, Laurent Fabius, qui a estimé qu’Al Nosra faisait « du bon boulot ».
En d’autres termes, si Washington accepte de coordonner ses efforts contre le groupe terroriste avec la Russie, l’opposition syrienne soutenue par les Américains perdra sa principale force de frappe.
Selon le site américain Veterans Today, ce nouveau nom du groupe « signifie le début d’une campagne de communication, visant clairement à échapper aux effets de l’accord Russie-US. Al Nosra vise à se dépeindre comme un «groupe modéré de l’opposition, » pour échapper aux retombées de la pression constante exercée par les Russes, qui avait poussé Washington à accepter l’accord. Il est prévisible d’attendre une série de rapports dans les médias occidentaux qui dépeignent la transformation d’Al Nosra comme une étape importante sur la voie d’une meilleure démocratie en Syrie. «
Il est possible de penser que la nouvelle image d’ Al Nosra permettra aux États-Unis d’éviter toute action significative dans l’accord tant attendu avec la Russie, affirmant qu’il n’y a plus d’entité Al Nosra, dans le champ de bataille. En outre, les unités de Jabhat Fateh Al Sham (Al Nosra) vont probablement se mélanger encore davantage avec les vestiges de la soi-disant «opposition modérée. » Stratégiquement, cela pourrait être un prétexte pour amener à la table des pourparlers de paix à Genève ce groupe terroriste.
Conclusion
Vladimir Poutine et son ministre des Affaires Etrangères, Sergeï Lavrov, n’étant pas tombés de la dernière pluie, ne se laisseront probablement pas duper par cette manœuvre, d’autant plus qu’ils n’ont cessé de dénoncer le double-jeu des Américains au Moyen-Orient et l’étendue de leurs responsabilités dans le conflit actuel. Les États-unis et des pays membres de sa coalition au Moyen-Orient soutiennent et arment déjà des groupes terroristes déclarés modérés. Ils ont notamment opposés leur veto à l’ONU à la déclaration comme terroristes de « Ahrar al-Sham » et « Jaysh al-Islam », deux groupes qui ont revendiqué d’importants attentats, mais que la coalition américaine compte toujours parmi les « rebelles modérés » bien qu’ils œuvrent avec Al-Nosra!
Les USA n’ont jamais masqué, par contre, qu’ils visaient l’élimination de Bachar-el-Assad, or la prise d’Alep par l’armée syrienne signe un nouvel échec de leur politique en Syrie puisqu’il renforce l’État syrien, dont la chute était l’objectif avoué ainsi que François Hollande l’a moult fois répété. C’est même un double échec du fait que c’est la Russie qui le leur inflige.
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emiliedefresne@medias-presse.info
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