Le Synode sur la synodalité
Le Synode sur la synodalité

Schisme au sein de la ‘schismatique’ Eglise conciliaire ou parachèvement du concile Vatican II ? Le possible feu vert au diaconat féminin, aux bénédictions arc-en-ciel et aux prêtres mariés met en évidence et une résistance interne lors du Synode sur la Synodalité d’octobre, et l’aboutissement de l’esprit néo-protestant de Vatican II.

Plus on se rapproche du début de la première session de la XVIe assemblée générale ordinaire du Synode des évêques qui durera du 4 au 29 octobre 2023, plus les tensions au sein de l’actuelle Église conciliaire augmentent. Dans sa rédaction, l’Instrumentum Laboris présenté en juin dernier, ouvre la voie aux divorcés remariés, aux prêtres mariés, au diaconat féminin, aux bénédictions pour les couples homosexuels.

Si ce progressisme moral est vieux comme les hérétiques, protestants en tête, la nouveauté est qu’il est aujourd‘hui promulgué par les plus hautes autorités qui siègent au Vatican. Au point qu’une partie du monde conciliaire, qui a accepté la révolution de Vatican II mais qui trouve qu’aujourd’hui elle va trop loin, s’en émeut et parle de schisme. Le quotidien italien conservateur Il Giornale a publié un long article sur le sujet, éclairant sur l’état d’esprit inquiet qui prévaut chez ces prélats, clercs et fidèles conservateurs.

La résistance

« Le prochain Synode est le fruit d’un long processus qui avait initialement intégré les résultats des consultations dans les diocèses du monde entier dans un Document de travail pour l’étape continentale. Justement après avoir lu ce texte, le cardinal George Pell avait lancé sa dramatique alarme sur le chemin synodal observé jusqu’alors, le qualifiant de « cauchemar toxique » pour l’Église catholique. Cette plainte publiée en début d’année par le prestigieux magazine britannique The Spectator était le dernier acte public du cardinal australien avant sa mort causée par une crise cardiaque en salle d’opération le 10 janvier.

« Mais la cardinal Pell n’était pas le seul à s’inquiéter de l’issue du Synode sur la synodalité. En fait, un peu plus d’un mois après le début, d’autres prélats ont commencé à exprimer leurs craintes quant à ce qui pourrait arriver dans l’Église après l’assemblée. Le cardinal Raymond Leo Burke, l’un des auteurs des cinq dubia posées sur Amoris Laetitia et restées sans réponse, a écrit la préface d’un livre intitulé Processus synodal : une boîte de Pandore dans lequel Julio Loredo et José Antonio Ureta résumaient dans la formule de 100 questions et 100 réponses les points critiques du Synode. Dans sa contribution, le cardinal américain a parlé d’une « situation très grave dans l’Église aujourd’hui » et qui « concerne à juste titre tout catholique consciencieux et toute personne de bonne volonté. » Pour Mgr Burke, « la synodalité et son adjectif, synodal, sont devenus des slogans derrière lesquels se cache une révolution pour changer radicalement la compréhension qu’a l’Église d’elle-même, conformément à une idéologie contemporaine qui nie une grande partie de ce que l’Église a toujours enseigné et pratiqué ». Le cardinal a exprimé publiquement sa crainte d’un Synode sur la synodalité prêt à suivre les traces du chemin synodal allemand et donc capable d’induire que « la même confusion, les mêmes erreurs et la même division retomberont sur l’Église universelle ».

Un évêque « contre »

« L’évêque de Tyler, l’Américain Joseph Edward Strickland, s’est prononcé contre les éventuels changements que le Synode pourrait apporter dans une lettre aux fidèles de son diocèse. Le prélat, destinataire d’une visite apostolique ordonnée par le Saint-Siège et suivant certaines de ses positions très critiques à l’égard de la ligne du pontificat actuel, a réitéré les enseignements toujours soutenus par l’Église sur le mariage, l’Eucharistie, la sexualité et a déclaré que « dans quelques semaines et des mois à venir, beaucoup de ces vérités seront examinées dans le cadre du Synode sur la synodalité. » Mgr Strickland exhorte à rester « proches de ces vérités et à se méfier de toute tentative de présenter une alternative à l’Évangile de Jésus-Christ, ou de promouvoir une foi qui parle de dialogue et de fraternité, en cherchant à ôter la paternité de Dieu ».

« L’évêque du diocèse texan s’est en outre montré convaincu qu’à la fin des travaux du synode, un conflit interne pourrait surgir, ce qui amènerait certains à qualifier « de schismatiques ceux qui ne sont pas d’accord avec les changements proposés ». L’appel de Strickland est un véritable appel à la résistance : « Soyez certains, cependant – écrit le prélat à ses fidèles – qu’aucun de ceux qui restent fermement sur le fil conducteur de notre foi catholique n’est un schismatique », conscient que « cela ne signifie pas abandonner l’Église si nous nous opposons aux changements proposés. »

La question des prêtres mariés

« Tant dans la préface de Burke que dans la lettre de Strickland apparaît une référence à un schisme provoqué par le Synode. Un scénario dramatique qui a également été abordé dans le cadre du chemin synodal allemand. La crainte de ceux qui s’opposent à ces changements est que l’ordre du jour de l’assemblée synodale fortement voulue par la majorité de l’épiscopat allemand puisse infecter le Synode universel, comme semblent le suggérer les questions posées dans l’Instrumentum Laboris.

« Mais qu’est-ce qui pourrait changer après le Synode ? Le texte aborde également les sujets brûlants liés aux prêtres mariés, au diaconat féminin et aux démarches vers les couples homosexuels. La liste des participants ayant le droit de vote – parmi lesquels beaucoup ont déjà exprimé publiquement leur soutien à des changements sur ces questions – suggère qu’en octobre 2024, le document final pourrait redessiner complètement le visage de l’Église.

« Après le Synode pour l’Amazonie, François a décidé de ne pas approuver la proposition d’ordonner des hommes mariés en Amazonie, ce qui aurait ouvert la première fissure dans la défense de l’obligation du célibat sacerdotal. Pourtant, dans l’Instrumentum Laboris de ce nouveau Synode, il est question de « ouvrir une réflexion sur la possibilité d’accès au sacerdoce pour les hommes mariés ». La Querida Amazonia, qui n’avait pas soutenu cette ouverture, était arrivée après le tumulte provoqué par le livre Du fond de notre cœur, publié par Cantagalli et écrit par le cardinal Robert Sarah pour réaffirmer le non à l’ordination des hommes mariés, qui pouvaient compter sur la contribution de Joseph Ratzinger. Mais la mort de Benoît XVI, qui considérait le célibat sacerdotal comme indispensable, pourrait permettre de donner plus facilement le feu vert à l’ordination des prêtres mariés.

« Face à une probable ouverture d’esprit des pères synodaux, François serait-il prêt à remettre en question ‘ Ordinatio Sacerdotalis de son ‘saint’ prédécesseur Jean-Paul II ?

Diaconat féminin et bénédictions arc-en-ciel

« Un autre point sensible en raison des réactions qu’il pourrait susciter est celui relatif au diaconat féminin. Dans l’Instrumentum Laboris on lit : « La plupart des Assemblées continentales et les résumés de nombreuses Conférences Épiscopales demandent de reconsidérer la question de l’accès des femmes au diaconat. Est-il possible de le prévoir et de quelle manière ? ». Précisément à la fin du Synode susmentionné sur l’Amazonie, François a créé une commission ad hoc dirigée par le cardinal Giuseppe Petrocchi et qui a remplacé une commission antérieure également créée par lui mais dont il n’avait pas apprécié les conclusions (« le résultat n’est pas évident » avait-il dit). Cette première commission était dirigée par celui qui était alors secrétaire puis préfet de la congrégation – aujourd’hui dicastère – pour la doctrine de la foi, le cardinal Luis Francisco Ladaria Ferrer. Aujourd’hui, le jésuite espagnol a pris sa retraite et a été remplacé à la tête de l’ancien Saint-Office par le progressiste Víctor Manuel Fernández, un homme très proche de François. Si dans la première décennie de ce pontificat, tant sous la direction de Gerhard Ludwig Müller que sous celle de Luis Francisco Ladaria Ferrer, le dicastère appartenant à Joseph Ratzinger a rejeté les demandes les plus révolutionnaires, s’opposant à l’agenda de la voie synodale allemande et produisant le célèbre responsum de 2021 qui a fermé les portes aux bénédictions des couples homosexuels, l’arrivée de l’ancien archevêque de La Plata devrait changer les choses comme le Pape l’a précisé dans la lettre qui lui a été adressée pour la nomination. Il est difficile d’imaginer Fernández comme un gardien de l’orthodoxie, selon l’expression bien connue attribuée au préfet.

« Le théologien argentin, en effet, en plus d’avoir été un protagoniste en coulisses dans la rédaction de l’exhortation apostolique post-synodale Amoris laetitia qui a ouvert la communion aux divorcés remariés, ne cache pas ses convictions radicales sur les sujets d’actualité qui seront abordés au Synode : il a défini « l’hypothèse possible » de l’ordination des hommes mariés, il a ouvert la voie aux couples arc-en-ciel en disant que si « une bénédiction est donnée de manière à ne pas provoquer cette confusion, il faudra qu’elle soit analysé et confirmé », il n’a pas fermé les portes du diaconat féminin.

« Si les participants au Synode des Évêques – parmi lesquels, cependant, il y a aussi des laïcs à la demande de François – votent un document qui donne le feu vert à ces trois questions, ce ne sera certainement pas l’ancien Saint-Office qui soulèvera des objections. Cela ne rend cependant pas la situation plus facile, mais au contraire la complique car cela risque de faire souffler plus fort sur Rome le vent d’un schisme. Que va faire François ? Le Pape a déclaré qu’il n’avait pas peur d’un schisme, mais c’était une déclaration faite à un moment où ce scénario dramatique n’était pas aussi réaliste qu’il pourrait le paraître à la fin du prochain Synode. »

Ces transformations substantielles sont en germe dans Vatican II, tout particulièrement dans la doctrine de l’évolutionnisme contenue dans Gaudium et spes

Sans dénier à ces prélats, clercs et fidèles, leur juste inquiétude face à ces transformations substantielles qui révolutionnent la vie sociale et ecclésiale, la vie familiale, la morale, comment ne pas leur rappeler qu’elles sont en germe dans le concile Vatican II, point de rupture avec la Tradition catholique, tout particulièrement dans la doctrine de l’évolutionnisme contenue dans le décret Gaudium et spes :

« Au concile, racontait Mgr Lefebvre dans une conférence de septembre 1974, on était en plein dans cette idée d’évolution, n’est-ce pas, d’évolutionnisme : tout change ! Prenez le schéma Gaudium et spes et vous verrez à la troisième ou quatrième page du schéma Gaudium et spes une page où on explique la mutation, on explique le changement : tout est changé avec les découvertes scientifiques, avec les découvertes de la psychologie enfin que sais-je, toutes les découvertes modernes donc voyez le monde change, l’homme évolue, l’homme ne peut plus maintenant avoir les mêmes concepts qu’il avait il y a cent ans ou deux cents ans donc nous devons aussi dans la foi et dans la vérité religieuse avoir également… être soumis à des changements ! »

Pour les modernistes qui prévalurent au dernier Concile, rappelait encore Mgr Lefebvre in Ils l’ont découronné « l’homme est en perpétuelle évolution progressive ; l’homme d’hier n’était pas l’homme d’aujourd’hui ; on sombre dans le relativisme. Bien plus, l’homme se crée lui-même, il est l’auteur de ses propres lois, qu’il doit remodeler sans cesse selon la seule loi inflexible du progrès nécessaire. C’est alors l’évolutionnisme, dans tous les domaines : biologique (Lamarck et Darwin), intellectuel (le rationalisme et son mythe du progrès indéfini de la raison humaine), moral (émancipation des « tabous »), politico-religieux (émancipation des sociétés vis-à-vis de Jésus-Christ). (…) ». Ainsi, concluait-il, « on exaltera la sexualité, on la sacralisera ; on renversera les deux fins du mariage (procréation et éducation d’une part, soulagement de la concupiscence d’autre part) en lui fixant comme fin première le plaisir charnel et « l’épanouissement des deux conjoints » ou des deux « partenaires ». Ce sera la destruction du mariage et de la famille ; sans parler des aberrations qui transforment le sanctuaire du mariage en un laboratoire biologique ou qui réduisent l’enfant non encore né à un matériau fructueux de cosmétique (cf. Fideliter, n° 47)». Ce Synode sur la synodalité lui donne amplement raison.

Pour restaurer l’Eglise, empêcher ces aberrations morales, -ce que ces prélats, clercs et fidèles, souhaitent incontestablement-, il faut cependant rompre avec le principe de sa destruction, le concile Vatican II. Malheureusement, ces conservateurs le chérissent bien trop, le considèrent comme boussole doctrinale… comme le pape noir d’ailleurs… C’est la quadrature du cercle !

Francesca de Villasmundo

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