« Un Pape peut parfaitement s’affranchir

d’une décision du Saint-Office, toutefois… »

Dans un récent article Synode : l’Église « de nature synodale » ?, nous montrions comment François détruisait la constitution divine de l’Eglise en y donnant un rôle de gouvernement aux laïcs, car il a déclaré :

« Sur l’aspect synodal: Oui, nous sommes un seul troupeau, c’est vrai, et faire cette division — entre clergé et laïcs — est une division fonctionnelle, oui, de qualification, mais il y a une unité, un seul troupeau. » (Conférence de presse sur le vol de retour de Grèce, 6 décembre 2021)

On pourra objecter que François ne pense peut-être pas à un rôle de gouvernement permanent et général, mais seulement à l’occasion ponctuelle des synodes. Même si cela était vrai, cela ne serait qu’une circonstance atténuante, et non une disparition de l’erreur, car le Magistère antérieur enseigne bel et bien que les laïcs, et même les simples prêtres, n’ont aucune part dans le gouvernement de l’Eglise (voir notre article précédent). Nous sommes évidemment dans des concepts diamétralement opposés à ceux du Concile de Trente. Cela est d’autant plus embêtant lorsqu’on met ces propos de François en connexion avec ces autres où il déclare que l’Eglise est “de nature synodale”, et donc que cette distinction seulement fonctionnelle relève de la nature de l’Eglise ! Voyons ses propos :

« La synodalité, comme dimension constitutive de l’Église, nous offre le cadre d’interprétation le plus adapté pour comprendre le ministère hiérarchique lui-même. » (Discours pour la commémoration du 50e anniversaire de l’institution du Synode des Évêques, 17 octobre 2015)

Notons que François, ou du moins celui qui a rédigé son discours, ment juste après cette phrase en justifiant l’affirmation précédente en disant :

« Si nous comprenons que, comme dit Saint Jean Chrysostome, « Église et Synode sont synonymes » [19] – parce que l’Église n’est autre que le « marcher ensemble » du troupeau de Dieu sur les sentiers de l’histoire à la rencontre du Christ Seigneur – nous comprenons aussi qu’en son sein personne ne peut être « élevé » au-dessus des autres. »  (Discours pour la commémoration du 50e anniversaire de l’institution du Synode des Évêques, 17 octobre 2015)

La note à laquelle le texte renvoie est : « Saint Jean Chrysostome, Explicatio in ps 149 : PG 55, 493″. Or, ni dans le document original (la colonne 493 du tome 55 de la Patrologia Graeca, abrégée en PG, consultable dans son intégralité en cliquant ici), ni dans sa traduction française on ne trouve la phrase « Église et Synode sont synonymes ». La seule phrase qui pourrait plus ou moins en être rapprochée est la suivante : « L’.Eglise en effet, c’est un corps où tout se tient, c’est une assemblée », dans le contexte de la louange élevée vers Dieu qui vient de tout le peuple, ce qui est très différent.

En 2018, dans la Constitution apostolique Episcopalis communio, sur le Synode des évêques, François répète la même chose :

«  Bien qu’il soit, dans sa composition, conçu comme un organisme essentiellement épiscopal, le Synode n’évolue pas pour autant séparé du reste des fidèles. Il est, en revanche, un instrument adéquat pour faire entendre le Peuple de Dieu tout entier précisément à travers les Évêques, constitués par Dieu en «d’authentiques gardiens, interprètes et témoins de la foi de toute l’Église» [24], affichant d’Assemblée en Assemblée une expression éloquente de la synodalité comme «dimension constitutive de l’Église»[25]. »  (Constitution apostolique Episcopalis communio, 15 septembre 2018 – Sur le Synode des évêques)

Peu de temps avant la Conférence de presse sur le vol de retour de Grèce du 6 décembre 2021 dont nous parlons plus haut, il déclara :

« Le thème de la synodalité ce n’est pas le chapitre d’un traité d’ecclésiologie, encore moins une mode, un slogan ou un nouveau terme à utiliser ou à exploiter dans nos réunions. Non! La synodalité exprime la nature de l’Eglise, sa forme, son style, sa mission. Et donc on parle d’Eglise  synodale, en évitant cependant de considérer qu’elle est un titre parmi d’autres, une manière de la penser qui offre des alternatives. Je ne dis pas cela sur la base d’une opinion théologique, pas même comme une pensée personnelle, mais en suivant ce que nous pouvons considérer comme le premier et le plus important «manuel» d’ecclésiologie, qui est le livre des Actes des apôtres. » (Discours aux fidèles du Diocèse de Rome, 18 septembre 2021)

Cela est d’autant plus dérangeant lorsqu’on sait qu’il a aussi dit, juste après les propos déjà cités de sa fameuse Conférence de presse sur le vol de retour de Grèce du 6 décembre 2021 :

« Et la dynamique entre les différences au sein de l’Eglise est la synodalité: c’est-à-dire s’écouter mutuellement et aller ensemble. Syn odos: cheminer ensemble. Tel est le sens de la synodalité:  vos Eglises orthodoxes, même les Eglises catholiques orientales ont conservé cela. Par contre, l’Eglise latine avait oublié le Synode, c’est saint Paul VI qui a restauré le chemin synodal, il y a 54, 56 ans. Et nous parcourons un chemin pour prendre l’habitude de la synodalité, de marcher ensemble. » (Conférence de presse sur le vol de retour de Grèce, 6 décembre 2021)

Lors d’une rencontre organisée le 29 juillet 2022 avec des jésuites canadiens, dont le contenu a été publié le 4 août 2022 sur le site de la revue jésuite italienne La Civiltà Cattolica (dont le contenu est validé avant publication par la Secrétairerie du Vatican). Il y déclara ceci :

« Voyez, cela me dérange que l’adjectif « synodal » soit utilisé comme si c’était la recette de dernière minute pour l’Église. Quand on dit « Église synodale », l’expression est redondante : l’Église est synodale, ou elle n’est pas Église. C’est pourquoi nous en sommes venus à un Synode sur la synodalité : pour le réaffirmer. Nous pouvons certainement dire que l’Église en Occident avait perdu sa tradition synodale. L’Église d’Orient l’a conservé. Certes, nous pouvons discuter des manières de vivre la synodalité. Paul VI a créé le Secrétariat du Synode des évêques parce qu’il voulait avancer sur cette question. Synode après synode, nous avons avancé, timidement, en nous améliorant, en comprenant mieux, en mûrissant.

En 2001, j’ai été rapporteur pour le Synode des évêques. Je remplaçais le cardinal Egan qui, en raison de la tragédie des Twin Towers, avait dû retourner à New York, dans son diocèse. Je me souviens que les avis étaient recueillis et envoyés au Secrétariat général. Donc, je collectais le matériel et le soumettais ensuite au vote. Le secrétaire du Synode venait me voir, lisait le matériel et me disait de retirer telle ou telle chose. Il y avait des choses qu’il ne considérait pas appropriées et il les censurait. Il y a eu, en somme, une présélection du matériel. On n’a pas compris ce qu’est un Synode. À la fin du dernier Synode, dans l’enquête sur les sujets à aborder lors du suivant, les deux premiers étaient le sacerdoce et la synodalité. J’ai compris qu’il faut réfléchir sur la théologie de la synodalité pour faire un pas décisif en avant.

Il me semble fondamental de répéter – comme je le fais souvent – que le synode n’est pas une réunion politique ni une commission de décisions parlementaires. C’est l’expression de l’Église dont le protagoniste est l’Esprit Saint. Si l’Esprit Saint est absent, il n’y a pas non plus de synode. Il peut y avoir une démocratie, un parlement, un débat, mais il n’y a pas de « synode ». Si vous voulez lire le meilleur livre de théologie sur le synode, relisez les Actes des Apôtres. On peut y voir clairement que le protagoniste est le Saint-Esprit. C’est ce qui est vécu dans le synode : l’action de l’Esprit. La dynamique du discernement se produit. On fait l’expérience, par exemple, que parfois on va vite avec une idée, on se dispute, et puis il se passe quelque chose qui ramène les choses ensemble, qui les harmonise de manière créative. C’est pourquoi j’aime préciser que le synode n’est pas un vote, une confrontation dialectique d’une majorité et d’une minorité. Le risque est aussi de perdre la vue d’ensemble, le sens des choses.

C’est ce qui s’est produit avec la réduction des thèmes du synode à une question particulière. Le Synode sur la famille, par exemple. Elle aurait été organisée pour donner la communion aux divorcés remariés. Pourtant, dans l’Exhortation post-synodale, il n’y a qu’une note sur ce thème, car tout le reste est constitué de réflexions sur le thème de la famille, comme par exemple sur le catéchuménat familial. Il y a donc tellement de richesse : on ne peut pas se concentrer dans l’entonnoir d’une seule question. Je le répète : si l’Église est telle, alors elle est synodale. Il en est ainsi depuis le début. » (Conférence de presse sur le vol de retour de Grèce, 6 décembre 2021)

Cela voudrait dire que l’Eglise aurait « oublié » quelque chose d’essentiel, relevant de sa nature-même, ce qui est impossible ! Et accessoirement, l’idée selon laquelle l’église orthodoxe aurait conservé. Cela s’oppose à cette sentence du Saint-Office :

« La doctrine catholique doit par conséquent être proposée et exposée totalement et intégralement ; il ne faut point passer sous silence ou voiler par des termes ambigus ce que la vérité catholique enseigne sur la vraie nature et les étapes de la justification, sur la constitution de l’Eglise, sur la primauté de juridiction du Pontife Romain, sur la seule véritable union par le retour des chrétiens séparés à l’unique véritable Eglise du Christ. On pourra sans doute leur dire qu’en revenant à l’Eglise ils ne perdront rien du bien qui, par la grâce de Dieu, est réalisé en eux jusqu’à présent, mais que par leur retour ce bien sera seulement complété et amené à sa perfection. On évitera pourtant de parler sur ce point d’une manière telle que, en revenant à l’Eglise, ils s’imaginent apporter à celle-ci un élément essentiel qui lui aurait manqué jusqu’ici. Il faut leur dire ces choses clairement et sans ambiguïté, d’abord parce qu’ils cherchent la vérité, ensuite parce que en dehors de la vérité il ne pourra jamais y avoir une union véritable. » (Décret du Saint-Office De motione oeucumenica, 20 août 1949, (aussi connu sous le titre d’Instruction Ecclesia Catholica) II, publié par aux Acta Apostoticae Sedis du 31 janvier 1950, p. 142, à l’Osservatore Romano du 1 mars 1950, et à la Documentation Catholique, Tome XLVII, n°1064 du 12 mars 1950)

Bien évidemment, cela n’est pas un argument décisif car in abstracto, un Pape peut parfaitement s’affranchir d’une décision du Saint-Office, toutefois l’opposition d’un pape conciliaire à un acte aussi grave (publié aux AAS !) et ayant eu un tel retentissement jusqu’à aujourd’hui, demeure un signal d’alerte !

Louis Flétenchard

Autre article sur le synode 2023 : 
– 16 septembre 2023 – Synode : des laïcs dans le gouvernement de l’Eglise ?, par Louis Flétenchard

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