« Un temps viendra où les hommes au gré de leurs passions et l’oreille les démangeant, se donneront une foule de maîtres, et se détourneront de la vérité pour se tourner vers les fables ».
Cela fait des mois, voire des années, que nous entendons parler du « Synode sur la synodalité », avec toute une série de prévisions pessimistes qui nous annoncent, à tort ou à raison, une dissolution officielle et institutionnelle de l’Église par le « processus synodal », permettant à chaque évêque et à chaque conférence épiscopale d’imposer leur propre religion dans leurs pré carrés, ouvrant ainsi la voie à l’apostasie universelle et à la destruction définitive de la morale. Toutefois, cela ne reste que des hypothèses, ne sachant pas ce que sera le document final du synode, ni ce que sera l’exhortation apostolique post-synodale de François en fonction de cette dernière, qu’il n’est pas obligé de suivre.
Cependant, un autre élément, beaucoup plus clair celui-ci, et émanant de François lui-même, semble être passé largement inaperçu ! Il s’agit de ce qui ressemble à une disparition officielle de la distinction entre clercs et laïcs dans le gouvernement de l’Eglise ! En effet, François a un jour déclaré :
« Sur l’aspect synodal: Oui, nous sommes un seul troupeau, c’est vrai, et faire cette division — entre clergé et laïcs — est une division fonctionnelle, oui, de qualification, mais il y a une unité, un seul troupeau. » (Conférence de presse sur le vol de retour de Grèce, 6 décembre 2021)
Si cela signifie réellement ce que cela semble signifier, c’est péremptoirement contraire à la foi catholique ! Nous vous laissons en juger par vous-même avec les documents du Magistère éternel :
Concile de Trente :
« Si on prétend que tous les chrétiens indistinctement sont prêtres du nouveau Testament, ou que tous sont investis d’une égale puissance spirituelle, c’est bouleverser la hiérarchie ecclésiastique, comparée à une armée rangée en bataille, comme si, contrairement à la doctrine de S. Paul, tous étaient apôtres, tous prophètes, tous évangélistes, tous pasteurs, tous docteurs. » (Concile de Trente, Session XXIII, Décret sur la doctrine sur le sacrement de l’Ordre, 15 juillet 1563, Chapitre IV)
« Si quelqu’un dit que les évêques ne sont pas supérieurs aux prêtres, ou qu’ils n’ont pas la puissance de confirmer et d’ordonner, ou que cette puissance leur est commune avec les prêtres ; ou que les ordres conférés par eux sans le consentement et l’appel du peuple ou de l’autorité séculière sont nuls : ou que ceux qui n’ont été ni légitimement ordonnés ni envoyés par la puissance ecclésiastique canonique, mais sont venus d’ailleurs, sont de légitimes ministres de la parole et des sacrements, qu’il soit anathème. » (Concile de Trente, Session XXIII, Décret sur la doctrine sur le sacrement de l’Ordre, 15 juillet 1563, Chapitre IV, Canon 7)
Grégoire XVI :
« Ce n’est pas en cachette ou secrètement, ni avec des périphrases, mais de la manière la plus ouverte, oralement, par écrit et même en chaire, qu’ils affirment à maintes reprises et prétendent audacieusement que “tous les évêques, en tant que successeurs des Apôtres, ont reçu du Christ un pouvoir égal et souverain de gouverner l’Eglise, et qu’il ne réside pas seulement dans le Pontife romain, mais dans l’épiscopat entier ; bien plus, le Christ aurait voulu que l’Eglise soit administrée à la manière d’une république, en sorte que tous, non pas seulement les clercs de rang inférieur mais même les laïcs, jouissent du droit de suffrage”. Ainsi tout le pouvoir aurait été donné immédiatement à la société des fidèles pour être délégué aux évêques et au Souverain Pontife. » (Lettre apostolique Cum in Ecclesia, 17 septembre 1833 ; Cf. Les Enseignements Pontificaux, L’Eglise, Tome I, Solesmes, Desclée, 1959, n°166, page 124)
Léon XIII établit le même principe :
« Par certains indices qu’on observe, il n’est pas difficile de constater que, parmi les catholiques, en raison sans doute du malheur des temps, il en est qui, peu contents de la situation de sujets, qu’ils ont dans l’Eglise, croient pouvoir prendre quelque part dans son gouvernement ou tout au moins qui estiment qu’il leur est permis d’examiner et de juger à leur manière les actes de l’autorité. Si cela prévalait, ce serait un très grave dommage dans l’Eglise de Dieu, en laquelle, par la volonté manifeste de son divin Fondateur, on distingue de la façon la plus absolue deux parts : l’enseignée et l’enseignante, le troupeau et les pasteurs, parmi lesquels il y en a un qui est le chef et le pasteur suprême de tous.
Aux seuls pasteurs il a été donné tout pouvoir d’enseigner, de juger, de diriger ; aux fidèles, il a été imposé le devoir de suivre les enseignements, de se soumettre avec docilité au jugement et de se laisser gouverner, corriger, conduire au salut. Ainsi il est de nécessité absolue que les simples fidèles se soumettent d’esprit et de cœur à leurs propres pasteurs, et ceux-ci avec eux au chef et pasteur suprême ; c’est dans cette subordination et dépendance que gît l’ordre et la vie de l’Eglise ; c’est en elle que se fonde la condition indispensable du bien-faire et de tout mener à bon port. Au contraire, s’il arrive que les simples fidèles s’attribuent l’autorité ; s’ils y prétendent comme juges et maîtres ; si les inférieurs, dans le gouvernement de l’Eglise universelle, préfèrent ou tentent de faire prévaloir une direction différente de celle de l’autorité suprême, c’est un renversement de l’ordre ; l’on porte ainsi en beaucoup d’esprits la confusion et l’on sort de la voie. » (Lettre Epistola Tua, 17 juin 1885, au Cardinal Joseph-Hippolyte GUIBERT, archevêque de Paris, au sujet de l’affaire Dom PITRA)
Et un peu plus loin, il décrit ainsi les conséquences de la négation de ce principe :
« Par l’oubli de ces principes, il advient qu’on voit s’amoindrir parmi les catholiques le respect, la vénération et la confiance envers qui leur a été donné pour guide, et qu’on voit se relâcher ce lien d’amour et de soumission qui doit river tous les fidèles à leurs pasteurs, les fidèles et les pasteurs au Pasteur suprême, lien dans lequel résident principalement la sécurité et le salut commun.
De même, par l’oubli ou par la négligence de ces mêmes principes, la voie la plus large reste ouverte aux divisions et aux dissensions entre catholiques, au grave détriment de l’union, qui est la distinctive fidèles de Jésus-Christ, et qui, de tout temps, mais plus particulièrement aujourd’hui, en raison de la puissance coalisée de tous les ennemis, devrait être l’intérêt suprême et universel, devant lequel il conviendrait de faire taire tout sentiment de satisfaction personnelle ou d’avantage privé.
Ce devoir, s’il incombe généralement à tous, incombe d’une manière plus rigoureuse aux journalistes qui, s’ils n’étaient pas animés de cet esprit de docilité et de soumission, si nécessaire à tout catholique, contribueraient à répandre et à aggraver l’inconvénient que nous déplorons. La tâche qui leur appartient, dans tout ce qui touche aux intérêts religieux et l’action de l’Eglise dans la société, de se soumettre pleinement, d’intelligence et de volonté, comme tous les autres fidèles, leurs propres évêques et au Souverain Pontife ; d’en suivre et d’en reproduire les enseignements ; d’en suivre l’impulsion avec un entier bon vouloir ; d’en respecter et d’en faire respecter les décisions. Quiconque ferait autrement, en vue de servir les intentions et les intérêts de ceux dont Nous avons, dans cette lettre, repoussé l’esprit et les tendances, faillirait à sa noble mission ; et en vain se ferait-il l’illusion de croire qu’il sert ainsi le bien de la cause de l’Eglise, non moins que celui qui chercherait à atténuer où à scinder la vérité catholique ou qui s’en ferait trop timidement l’ami.
Ce qui Nous a conseillé de discourir avec Vous de ces choses, Notre cher fils, c’est, outre l’opportunité qu’elles peuvent avoir en France, la connaissance que Nous avons de sentiments et la manière dont vous avez su vous conduire, même dans les moments et les conditions les plus difficiles. Toujours ferme et courageux dans la défense des intérêts religieux et des droits sacrés de l’Église, vous les avez, dans une récente occasion encore, virilement soutenus, les défendant publiquement par votre parole lumineuse et puissante. Mais à la fermeté, Vous avez su toujours joindre cette manière sereine et tranquille, digne de la noble cause que vous défendez ; et vous avez montré constamment un esprit libre de passion, pleinement soumis aux décisions du Siège apostolique et entièrement dévoué à Notre personne. » (Lettre Epistola Tua, 17 juin 1885, au Cardinal Joseph-Hippolyte GUIBERT, archevêque de Paris, au sujet de l’affaire Dom PITRA)
Saint Pie X enseigne dans encyclique inaugurale :
« Ce ne sont donc pas seulement les hommes revêtus du sacerdoce, mais tous les fidèles sans exception qui doivent se dévouer aux intérêts de Dieu et des âmes : non pas, certes, chacun au gré de ses vues et de ses tendances, mais toujours sous la direction et selon la volonté des évêques, car le droit de commander, d’enseigner, de diriger n’appartient dans l’Église à personne autre qu’à vous, établis par l’Esprit-Saint pour régir l’Église de Dieu [43]. » (Encyclique E supremi apostolatus, 4 octobre 1903 – Sur la charge du Souverain Pontife)
On remarquera que saint Pie X affirme que nul autre que les évêques n’ont le pouvoir de gouverner dans l’Eglise à l’endroit-même où il dit que « tous les fidèles sans exception qui doivent se dévouer aux intérêts de Dieu et des âmes » !
Dans une autre encyclique, il enseigne :
« L’Ecriture nous enseigne, et la tradition des Pères nous le confirme, que l’Eglise est le corps mystique du Christ, corps régi par des pasteurs et des docteurs [3], société d’hommes, dès lors, au sein de laquelle des chefs se trouvent qui ont de pleins et parfaits pouvoirs pour gouverner, pour enseigner et pour juger. [4]
Il en résulte que cette Eglise est par essence une société inégale, c’est-à-dire une société comprenant deux catégories de personnes : les pasteurs et le troupeau, ceux qui occupent un rang dans les différents degrés de la hiérarchie et la multitude des fidèles ; et ces catégories sont tellement distinctes entre elles, que, dans le corps pastoral seul, résident le droit et l’autorité nécessaires pour promouvoir et diriger tous les membres vers la fin de la société.
Quant à la multitude, elle n’a pas d’autre devoir que celui de se laisser conduire et, troupeau docile, de suivre ses pasteurs.
Saint Cyprien, martyr, exprime cette vérité d’une façon admirable, quand il écrit : Notre Seigneur dont nous devons révérer et observer les préceptes réglant la dignité épiscopale et le mode d’être de son Eglise, dit dans l’Evangile, en s’adressant à Pierre : « Ego dico tibi quia tu es Petrus », etc.
Aussi, « à travers les vicissitudes des âges et des événements, l’économie de l’épiscopat et la constitution de l’Eglise se déroulent de telle sorte que l’Eglise repose sur les évêques et que toute sa vie active est gouvernée par eux ». Dominus noster cujus praecepta metuere et servare debemus episcopi honorem et ecclesiae suae rationem disponens in evangolio loquitur et dixit Petro : ego dico tibi quia tu es Petrus, etc. Inde per temporum et successionum vices episcoporum ordinatio et ecclesiae ratio decurbit ut Ecclesia super episcopas constituatur et omnis actus ecclesiae per eosdem praepositos gubernetur. [5]
Saint Cyprien affirme que tout cela est fondé sur une loi divine : « Divina lege fundatum. » » (Encyclique Vehementer Nos, 11 février 1906 – Sur la séparation de l’Eglise et de l’État)
Pie XI, parlant de l’importance de la langue latine dans l’Eglise, déclare :
« En effet, dès lors qu’elle [l’Eglise] groupe en son sein toutes les nations, qu’elle est destinée à vivre jusqu’à la consommation des siècles, et qu’elle exclut totalement de son gouvernement les simples fidèles, l’Église, de par sa nature même, a besoin d’une langue universelle, définitivement fixée, qui ne soit pas une langue vulgaire. » (Lettre apostolique Officiorum Omnium, 1er août 1922 – Sur l’éducation du clergé ; in AAS. 14, 1922, 452 ; et in : Actes de S.S. Pie XI, tome 1 (années 1922-1923), Paris, Bonne Presse, p. 87)
Pie XII enseigne dans son encyclique sur la sainte liturgie :
« Seul le Souverain Pontife, comme successeur du bienheureux Pierre à qui le divin Rédempteur a confié le soin de paître le troupeau universel [Jn XXI, 15-17], et avec lui les évêques, que « l’Esprit-Saint a placés… pour régir l’Église de Dieu » [Act XX, 28] sous la conduite du Siège apostolique, ont le droit et le devoir de gouverner le peuple chrétien. C’est pourquoi, Vénérables Frères, chaque fois que vous défendez votre autorité – et avec une sévérité salutaire s’il le faut – non seulement vous remplissez la fonction de votre charge, mais vous faites respecter la volonté même du Fondateur de l’Église. » (Encyclique Mediator Dei du 20 novembre 1947 – Sur la sainte liturgie et le culte eucharistique)
Et dans un discours à l’épiscopat
« Le Christ Notre-Seigneur a confié aux Apôtres et par eux à leurs successeurs la vérité qu’Il a apportée du ciel ; Il a envoyé les Apôtres comme II a été envoyé Lui-même par le Père [3] pour qu’ils enseignent à toutes les nations tout ce qu’ils avaient eux-mêmes appris du Seigneur [4]. Les Apôtres ont donc été de droit divin, établis dans l’Eglise vrais docteurs et maîtres. A côté des successeurs légitimes des Apôtres, c’est-à-dire le Pontife Romain pour l’Eglise universelle, et les Evêques pour les fidèles confiés à leurs soins [5], il n’y a pas dans l’Eglise d’autres maîtres de droit divin ; mais eux-mêmes et surtout le Maître suprême de l’Eglise et Vicaire du Christ sur la terre, peuvent faire appel pour leur fonction magistrale à des collaborateurs ou conseillers et leur déléguer le pouvoir d’enseigner, soit à titre extraordinaire soit en vertu de l’office qu’ils leur confèrent [6]. Ceux qui sont appelés à enseigner exercent dans l’Eglise l’office de maîtres non en leur nom propre ni au titre de leur science théologique mais en vertu de la mission qu’ils ont reçue du Magistère légitime ; leur pouvoir reste toujours soumis à celui-ci sans jamais devenir sui iuris c’est-à-dire indépendant de toute autorité. […]
Quant aux laïcs, il est clair que les Maîtres légitimes peuvent les appeler ou les admettre, hommes et femmes, comme auxiliaires dans la défense de la foi. Il suffit de rappeler la formation catéchétique, à laquelle s’emploient tant de milliers d’hommes et de femmes, ainsi que les autres formes de l’apostolat des laïcs. Tout cela mérite les plus grands éloges et peut et doit être énergiquement développé. Mais il faut que tous ces laïcs soient et demeurent sous l’autorité, la conduite et la vigilance de ceux qui ont été établis par institution divine maîtres dans l’Eglise du Christ. Il n’y a en effet dans l’Eglise, en ce qui concerne le salut des âmes, aucun magistère qui ne soit soumis à ce pouvoir et à cette vigilance.
Récemment cependant s’est fait jour ça et là et a commencé à se répandre ce qu’on appelle une théologie laïque et on a vu naître une catégorie de théologiens laïques qui se déclarent autonomes ; cette théologie tient des cours, imprime des écrits, a des cercles, des chaires, des professeurs. Ceux-ci distinguent leur magistère du magistère public de l’Eglise et l’opposent en quelque manière au sien ; parfois pour autoriser leur façon d’agir ils en appellent à des charismes d’enseignement et d’interprétation dont plus d’une fois le Nouveau Testament, spécialement les Epîtres de saint Paul, fait mention [11] ; ils en appellent à l’histoire qui depuis les débuts du christianisme jusqu’à ce jour, présente tant de noms de laïcs qui de vive voix et par écrit enseignèrent la vérité du Christ pour le bien des âmes sans y être appelés par les Evêques, sans avoir reçu ou demandé la permission du magistère, mais mus par une impulsion intérieure et par leur zèle apostolique. Il faut cependant retenir en sens opposé qu’il n’y eut jamais, qu’il n’y a pas, et qu’il n’y aura jamais dans l’Eglise de magistère légitime des laïcs soustrait par Dieu à l’autorité, à la conduite et à la vigilance du Magistère sacré ; bien plus, le refus même de se soumettre fournit un argument convaincant et un critère sûr : les laïcs qui parlent et agissent de la sorte ne sont pas conduits par l’Esprit de Dieu et du Christ. Tout le monde voit également quel danger de désordre et d’erreur renferme cette « théologie laïque » ; le danger aussi que ne se mettent à instruire les autres, de ces hommes tout à fait incapables et même trompeurs et perfides, dont saint Paul écrit : « Un temps viendra où les hommes au gré de leurs passions et l’oreille les démangeant, se donneront une foule de maîtres, et se détourneront de la vérité pour se tourner vers les fables » [12]. » (Allocution aux évêques et Cardinaux pour la canonisation de saint Pie X, 31 mai 1954)
Louis Flétenchard
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