« Un peu plus à l’Ouest ! », disait le professeur Tryphon Tournesol dans Les Sept boules de cristal. Sur le plan géopolitique, les deux présumées superpuissances potentielles du XXIe siècle, l’Inde et la Chine tente désormais d’attirer dans leurs filets les états situés dans la partie occidentale de l’Océan Indien, ce qu’on appelle l’Océan Africain.

La Chine s’est implantée militairement à Djibouti et au Sri Lanka (base de Hambantota louée pour 99 ans le 10 décembre 2017 afin d’éponger la dette colossale du pays), tout en négociant l’implantation d’une base à Malé aux îles Maldives, véritable provocation pour New Dehli car pouvant barrer l’accès de ses deux côtes, inacceptable pour un pays qui dépend de l’océan pour 90 % de ses importations de pétrole…

L’Inde – qui elle aussi est en train de se doter d’une puissante flotte de guerre – lorgne sur l’archipel des Seychelles, plus connu pour son intérêt touristique que militaire. Cette nation composée de 115 îles peut verrouiller l’accès du Canal du Mozambique, futur paradis de l’exploitation du pétrole off-shore de ces futurs gros producteur que seront la Tanzanie et Madagascar, et elle est idéalement située pour bloquer la totalité du trafic entre l’Asie du Sud-est et l’Europe, notamment au départ du golfe Persique et de Singapour.

En janvier 2018, l’Inde signe un accord dans le cadre du SAGAR (Security and Growth for All in the Region, Sécurité et développement pour tous dans la région) pour la construction d’une base sur l’île seychelloise de l’Assomption, à l’extrême sud de l’archipel, très proche des Comores et de Madagascar, exactement à l’entrée du Canal du Mozambique. La présence indienne, actée en 2015 conformément au traité de coopération militaire indo-seychellois de 2003, est prévue pour 20 ans, avec un financement de 550 millions de $. Cette base doit servir aux garde-côtes seychellois pour augmenter leur capacité de surveillance de la zone économique exclusive (ZEE) de l’archipel et de lutter ainsi plus efficacement contre les trafics, la piraterie et la pêche illégale.

Face à la réticence de certains élus locaux, un second texte a été adopté afin de préciser quelques points de nature à créer des « contentieux », précisant l’interdiction du déploiement d’armes nucléaire dans l’île, ni de dépôts d’armes, ni d’utilisation en temps de guerre.

Les Seychelles ne sont pas les seules îles visées par New Dehli dans son optique de rendre coup pour coup aux visées expansionnistes de Pékin. L’île Maurice est également dans le viseur, avec l’installation de troupes indiennes dans l’île d’Agalega, géographiquement bien plus proche des Seychelles et qui a la particularité de contrôler la voie de passage à l’est de Madagascar et peuplée de seulement 280 habitants. La construction d’un aéroport pour long-courrier est un signe avant-coureur d’une militarisation de la région.

Fidèle, comme nous l’avons vu, à sa politique des deux fers au feu, l’Inde se tourne également vers la France. La visite d’Emmanuel Macron dans le sous-continent a permis l’avancée des dossiers dans le domaine de la vente d’avions de guerre Rafale (36 de plus commandables en 2019) et de 6 sous-marins de classe Scorpène (classe Kalvari en Inde) supplémentaires. La France vient d’envoyer un geste très fort en s’impliquant dans la course aux bases entre Inde et Chine. Les bases françaises de La Réunion, d’Abu Dhabi (Emirats Arabes Unis) et de Djibouti sont mise à disposition de l’Inde… sachant que la marine chinoise est également présente dans la dernière nommée. Les échanges entre Emmanuel Macron et le premier ministre indien Narendra Damodardas Modi sont sans ambiguïté :

« L’Inde a peur d’une hégémonie chinoise et a besoin d’une vraie sécurité »

a déclaré le chef de l’état français, ce à quoi le premier ministre indien a ajouté :

« Nous croyons tous deux dans la paix et la stabilité du monde. La région de l’océan Indien va jouer un rôle très significatif. […] Nous considérons la France comme un de nos alliés les plus fiables.  Je considère que l’accord d’aujourd’hui sur le soutien logistique réciproque entre nos armées constitue un pas en avant dans l’histoire de notre coopération étroite en matière de défense. Deuxièmement, nous pensons tous les deux qu’à l’avenir, la région de l’océan Indien jouera un rôle très important dans le bonheur, le progrès et la prospérité du monde. Qu’il s’agisse de l’environnement, de la sécurité maritime, des ressources marines ou de la liberté de navigation et de survol, nous nous engageons à renforcer notre coopération dans tous ces domaines. »

Cette annonce se place dans une surenchère d’investissements militaires. Dans ce qu’on appelle l’Océan africain (partie occidentale), la Chine veut s’implanter à Djibouti – au terminus de la voie ferrée désenclavant l’Ethiopie – à Lamu (Kenya), à Bagamoyo (Tanzanie) et à Gwadar (Pakistan). L’Inde veut s’établir, nous l’avons vu, sur l’île d’Assomption, à Madagascar (installation radar), à Agalega, à Duqm (Oman) et à Chabahar (Iran). Dans ce qu’on appelle l’Océan central, la Chine veut s’implanter à Malé (Maldives) et à Hambantota (Sri Lanka), l’Inde l’étant à Diego Garcia (BIOT) et à Trinquemalay (Sri Lanka). Dans ce qu’on appelle l’Océan Indien proprement dit (partie orientale), la Chine place ses pions à Kyaukphyu (Myanmar) et l’Inde aux îles Andaman et Nicobar (qui lui appartiennent) et à Singapour.

Hristo XIEP

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