Lux fulgebit hodie super nos : quia natus est nobis Dominus : et vocabitur Admirabilis, Deus, Princeps pacis, Pater futuri sæculi : cujus regni non erit finis. [Intr. ad Missam à Aurora]
DIXIT DOMINUS DOMINO MEO : Sede a dextris meis ; donec ponam inimicos tuos scabellum peduum tuorum (Ps 109, 1). L’Église répète ce Psaume aux vêpres de tous les dimanches et de toutes les fêtes : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied. Le Père éternel, dans l’éternité, s’adresse au Verbe éternel Incarné, décrétant Sa Seigneurie éternelle – Assieds-toi à ma droite – et Sa victoire définitive sur Satan et ses serviteurs. Et cette victoire est dominicale, elle s’accomplit le jour quam fecit Dominus, lorsque, avec la Résurrection des enfers, Notre Seigneur accomplit la Rédemption du genre humain en vainquant la mort subie dans la Passion pour nous racheter du péché et du joug infernal de l’Adversaire.
Dans l’éternité, selon certains Pères, les Anges furent mis à l’épreuve en leur montrant le Mystère de l’Incarnation, décrété par la Très Sainte Trinité pour réparer la tentation à laquelle auraient cédé nos Premiers Parents tentés par le Serpent. C’est devant ce prodige de la Charité et de la Miséricorde infinies et divines, devant le Verbe qui se fait chair et assume notre nature humaine, que l’orgueil de Satan et des anges apostats refusa de s’incliner devant la volonté de Dieu et lança son cri Non serviam en réponse à l’Ecce, venio de la Sagesse incarnée, au Fiat mihi secundum verbum tuum de la Mère de Dieu, au Quis ut Deus ? de l’Archange Michel et des Anges fidèles. Obéissance et désobéissance. Humilité et orgueil. Adoration reconnaissante et rébellion arrogante.
Dans l’éternité du temps, le Fils éternel répond au Père éternel et descend dans l’Histoire, fait irruption dans le flot des jours, dans l’alternance des saisons, dans le cycle des années et des siècles, pour restaurer l’ordre divin que nos Premiers Parents ont brisé. Et cette inimitié entre Dieu et Satan, entre le lignage de la Femme et la descendance du Serpent, est annoncée dans le Protévangile de la Genèse, comme pour nous montrer le sens de notre vie terrestre, les raisons de notre pèlerinage, le but qui nous attend. Felix culpa : la chute d’Adam et Ève nous a valu, en même temps que l’expulsion du Paradis terrestre, la promesse d’un nouvel Adam et d’une nouvelle Ève, de la Seconde Personne de la Très Sainte Trinité qui se fait homme et d’une Vierge Immaculée qui, par la puissance de l’Esprit Saint, est faite Tabernacle du Très-Haut, Arche de l’Alliance, Palais du Roi, Mère de Dieu.
L’Église célèbre la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ secundum carnem parce qu’en ce jour, il y a deux mille vingt-quatre ans, comme annoncé par les Prophètes, la Majesté divine descend sur la terre, la Lumière brille dans les ténèbres, la Parole résonne pour être entendue, le grain de blé est jeté en terre pour germer. Et cette promesse faite à nos Premiers Parents, renouvelée à nos pères sur le chemin de la terre promise, commence par le vagissement d’un Roi, emmailloté, déposé dans une mangeoire, exposé aux rigueurs du froid d’une nuit de Palestine. Aux bergers est donné d’entrevoir  un reflet de Sa divinité dans le chant des Anges, tandis que les Mages Le reconnaissent comme Dieu en scrutant le ciel et en suivant l’étoile de l’Orient.
Le cosmos est christocentrique : omnia per ipsum facta sunt, et sine ipso factum est nihil, quod factum est (Jn 1, 3). Tout s’est fait par Lui. Per ipsum, ipso, et in ipso. Pour lui, avec lui et en lui. Ut in nomine Jesu omne genu flectatur cœlestium, terrestrium, et infernorum (Phil 2, 10). L’Histoire reconnaît aussi le discrimen [la distinction] entre un avant et un après, marquant le compte des années à partir de la Naissance du Christ. Et la Sainte Église, qui est le Corps mystique dont le Christ est la Tête, est la nouvelle Jérusalem, le nouvel Israël, le peuple de l’Alliance éternelle qui garde l’Emmanuel, Dieu avec nous, dans le Saint-Sacrement, sur Ses autels jusqu’à la fin des temps.
L’ordre divin – le κόσμος, précisément – voit le Christ comme Alpha et Oméga, Commencement et Fin : et cela est vrai pour la nature, pour tout homme, pour les sociétés civiles, pour l’Église : sine ipso factum est nihil, quod factum est. Notre Seigneur lui-même nous l’a enseigné :: Adveniat regnum tuum ; Fiat voluntas tua, sicut in cœlo et in terra. Ce n’est donc pas le monde qui façonne ses idoles, mais le ciel qui révèle Dieu aux hommes et leur donne le modèle auquel se conformer. Les Anges le répètent : Gloria in excelsis Deo, et in terra pax hominibus bonæ voluntatis.
Tout se réfère au Christ, tout annonce Sa venue, Son Incarnation, Sa Naissance, Sa prédication, Sa Passion et Sa Mort, Sa Résurrection. Tout prépare Son retour triomphal au jour du Jugement : et iterum venturus est gloria, judicare vivos et mortuos ; cujus regni non erit finis. Tout s’accomplit dans le Christ, Roi et Pontife, donec ponam inimicos tuos scabellum peduum tuorum, jusqu’à ce que le Père ait humilié l’orgueil des ennemis du Fils en les plaçant sous Ses pieds. Dominare in medio inimicorum tuorum.
Il y a donc des ennemis du Christ, et nous le savons bien. Ennemis spirituels – les esprits apostats refoulés dans l’abîme par saint Michel – et ennemis en chair et en os, à commencer par Hérode, qui, de peur de perdre le pouvoir, va jusqu’à faire massacrer la vie innocente des nouveau-nés. Et les pharisiens et les scribes du peuple, qui complotent pour tuer ce Galiléen qui, par Sa prédication et Ses miracles, contredit les plans politiques de rébellion contre l’envahisseur romain. Et les Grands Prêtres, illégitimes dans leur autorité de nomination impériale, désireux de préserver le prestige de leur fonction. Et puis les païens, féroces persécuteurs des Chrétien ; et les hérétiques de tous les temps, les barbares, les membres des loges et les francs-maçons, les révolutionnaires, les socialistes et les communistes, les libéraux, les mondialistes, les partisans de la Grande Réinitialisation et du Nouvel Ordre Mondial
Qu’ont en commun ceux que l’Écriture Sainte appelle « ouvriers d’iniquité », c’est-à -dire les méchants de tous les temps ? La haine du Christ : une haine implacable, féroce, impitoyable, aveugle, folle, orgueilleuse. La haine envers le Saint Enfant né à Bethléem : Crudelis Herodes Deum Regem venire quid times ?, demande l’hymne de l’Épiphanie. Cruel Hérode, pourquoi crains-tu que le Dieu-Roi vienne ? Et pourtant, non eripit mortalia, qui regna dat cœlestia, celui qui donne les royaumes spirituels n’enlève pas les choses terrestres. Mais c’est précisément pour cette raison que le Christ est craint par Ses ennemis, d’Hérode à Klaus Schwab, de Caïphe à Bergoglio : parce que ces choses terrestres, ces puissances économiques et politiques, ces richesses et ce succès mondain prétendent remplacer et éclipser la regna cœlestia, les puissances du ciel, tout d’abord la Royauté universelle de cet Enfant Roi, qui étend ses petits bras dans le froid de la crèche, prélude déjà à la Croix qui L’attend : regnavit a ligno Deus, de ce trône de douleur et d’humiliation, scandale pour les Juifs et folie pour les païens (1 Co 1, 23). Et cette Royauté divine est intrinsèquement sacerdotale, parce que le royaume du Christ est conquis dans Son Sang par l’immolation de Lui-même, et que l’onction royale et sacerdotale de la Victime Immaculée est de sang.
Nous pourrions dire que les premiers à confirmer la centralité de Notre Seigneur Jésus-Christ sont précisément Ses ennemis, qui ne s’en prennent qu’au Christ, aux disciples du Christ, à ceux qui portent le signe béni du salut du Christ, aux membres de son Corps mystique. Il n’y a pas de religion, pas de superstition, pas d’idolâtrie, pas de culte païen qui soit l’objet de la haine des méchants, qui reconnaissent en eux la marque de leur maître, la fraude du Prince du mensonge.
La haine des ennemis du Christ naît de l’orgueil, cet orgueil luciférien qui refuse de reconnaître dans l’Homme-Dieu Celui per quem omnia facta sunt, et envers Lequel l’ordre divin impose nécessairement de s’incliner et de se prosterner, parce qu’il ne peut en être autrement, et parce qu’en ne reconnaissant pas le Christ comme Seigneur, nous finissons par ériger la créature comme une idole, un simulacre, dans cette subversion blasphématoire du κόσμος qu’est le χάος, c’est-à -dire la Révolution, l’âme infernale de la rébellion contre Dieu.
Non eripit mortalia qui regna dat cœlestia : mais les choses mortelles, terrestres, ne nous sont pas enlevées et nous sont même données en surabondance et au centuple si nous reconnaissons Notre Seigneur Jésus-Christ comme notre commencement, notre fin et notre but, Que le Père a souverainement voulu exalter, et à Qui Il a voulu donner un nom au-dessus de tout nom (Ph 2, 9). Cette nécessité ontologique et indéfectible trouve sa raison dans l’obéissance et l’humilité du Christ, factus obœdiens usque ad mortem, mortem autem crucis (ibid., 8), et dans le précepte évangélique : Si quis vult venire post me, abneget semetipsum et tollat crucem suam quotidie, et sequatur me (Lc 9, 22). Et le Christ a été le premier, dans l’éternité du temps comme Verbe du Père et dans l’histoire comme Homme-Dieu, à donner l’exemple de cette abnégation, de cette obéissance, de cette humilité. In capite libri scriptum est de me, ut facerem voluntatem tuam (Ps 39, 8).
Mais si cette humilité et cette obéissance sont la marque, pour ainsi dire, de l’œuvre rédemptrice de Notre Seigneur ; si l’Incarnation et la Nativité du Christ marquent le début du grand rite du Sacrifice par lequel Dieu nous réconcilie avec Dieu ; il y a une autre venue qui complétera la Liturgie éternelle. C’est la seconde venue du Seigneur, à la fin du monde, lorsque cet aperçu de gloire que les bergers ont contemplé dans la Nuit Sainte se dévoilera dans le triomphe de la victoire et dans la restauration de la Seigneurie universelle du Christ-Roi, Pontife et Juge. Nous ne verrons plus le Puer emmailloté, ni l’Homme des douleurs défiguré par les tourments de la Passion, mais le Rex tremendæ majestatis, Celui à qui le Père rendra le sceptre temporel : Dominabit in nationibus, implebit ruinas, conquassabit capita in terra multorum… Confregit in die iræ suæ reges. Les terribles paroles du Psalmiste, divinement inspirées, doivent sonner comme un avertissement sévère pour nous tous, mais surtout pour ceux qui, dans ce monde rebelle – et dans cette Église tourmentée par la Passion à l’image de son Chef – refusent encore d’adorer Notre-Seigneur, de Le reconnaître comme le Roi divin et de conformer leur volonté à Sa sainte Loi. L’émasculé et vil pacifisme des temps présents ne veut pas entendre parler d’un Dieu qui règne parmi les nations, qui détruit et sème la ruine, qui écrase les têtes orgueilleuses, qui renverse les puissants au jour de sa colère. Mais c’est le destin inéluctable des méchants, des orgueilleux, de ceux qui se croient dieux et prétendent décider de ce qui est bien et de ce qui est mal, de ceux qui refusent d’accueillir la Lumière qui est venue dans les ténèbres. La Vierge Mère l’a également rappelé dans le Magnificat : Fecit potentiam in brachio suo, dispersit superbos mente cordis sui ; deposuit potentes de sede, et exaltavit humiles ; Esurientes implevit bonis, et divites dimisit inanes.
Chers frères, suivons l’exemple des bergers et des Rois Mages : agenouillons-nous en adoration devant l’Enfant Roi, dans le regard duquel nous pouvons voir la tendresse et la douceur de l’Emmanuel. Agenouillons-nous au pied de la Croix, contemplant le regard souffrant et tourmenté du Christ Prêtre Suprême qui se sacrifie pour nous au Père. Agenouillons-nous au pied de l’autel, sur lequel le Sacrifice du Calvaire est renouvelé pour le salut de la multitude. Car à ceux qui L’ont reçu, le Seigneur a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en Son nom, qui ne sont pas nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu (Jn 1, 12-13). C’est ainsi que s’accompliront les paroles de la Très Sainte Vierge Marie : misericordia ejus a progenie in progenies timentibus eum, sa miséricorde s’étend de génération en génération sur ceux qui le craignent.
Chers frères, permettez-moi d’adresser à vous tous les paroles du Seigneur à ses disciples : Courage, c’est moi ; n’ayez pas peur ! (Mt 14, 27). Faites de votre cœur la crèche où la Sainte Vierge dépose le Nouveau-né Jésus : plus il est nu et pauvre, plus le divin Hôte et son auguste Mère y brilleront. Que vos cœurs ne se troublent pas (Jn 14, 1), malgré le triomphe apparent de l’Ennemi et de ses serviteurs, malgré la trahison de la Hiérarchie. Lorsque ces choses commencent à arriver, l’Écriture dit : Levez-vous, relevez la tête, car votre rédemption est proche (Lc 21, 28). Ainsi soit-il.
+ Carlo Maria Viganò, archevêque
25 décembre 2024, In Nativitate Domini
© Traduction de F. de Villasmundo pour MPI relue et corrigée par Mgr Viganò
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