Un thriller puissant, remarquablement bien écrit dont la version française de Faustina Fiore ne perd rien de sa verve et de son intensité.

1989. Nous sommes en Roumanie, à Bucarest. Ceausescu, un nom que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Mais pour ceux qui avaient 20 ans en 1989, c’est le nom d’un tyran qu’on croyait indéboulonnable et qui est mort quasiment en direct à la télé après un « procès » expédié. Nicolae Ceausescu, tyran impitoyable figea son pays sous une surveillance totale. Novembre 1989, le Mur de Berlin s’effondre. Mais cette nouvelle parvient à peine en Roumanie tant la dictature y est implacable. A la maison, dans la rue, dans les files d’attente, la méfiance est de mise, faussant les relations : « Ne fais confiance à personne, ne parle à personne, les espions sont partout ».

Construit comme un thriller avec un suspens intense, ce roman est d’autant plus bouleversant, qu’il nous plonge au cœur d’une dictature, dans une réalité historique et politique minutieusement documentée. Dès les premières pages, on enchaîne les très courts chapitres avec l’impression d’une course désespérée contre le temps. Cette narration rend palpable la faim, la peur et surtout la suspicion généralisée, le lecteur se prend lui aussi à douter de tous.

« Lycéen, passionné de cinéma américain, Cristian Florescu rêve de devenir écrivain… mais dans la Roumanie de Ceausescu, même le rêve peut être dangereux. Le jour où il est convoqué par la Securitate, Cristian doit faire un choix impossible : perdre ceux qu’il aime ou travailler pour la police secrète.

   Devenu informateur, il prend tous les risques pour tenter de changer le régime de l’intérieur. Quand la radio clandestine annonce la chute imminente des Etats communistes voisins, le vent de l’espoir souffle pour Cristian… Mais quel est le prix de la liberté ? »

Cristian est un espion, lui-même espionné. « Des micros dans chaque coin, se lamentait Bunu le grand-père philosophe. Des Philips dedans, des Philips dehors…». Les « Philips » étaient les micros dissimulés un peu partout, disait-on. Dans les murs, les téléphones, les cendriers. Les familles observaient donc la même consigne : à la maison, on ne parlait qu’à voix basse. Notre héros enrôlé par la dictature, doit remettre ses rapports détaillés à la Securitate sur la famille de l’ambassadeur américain. Sa mère travaille chez eux comme femme de ménage. «  Aucune vie privée. Le Parti avait le droit de tout connaître. Tout appartenait au Parti. Et le Parti consignait tout. »

On vit de l’intérieur la pression exercée par le régime, les mécanismes qu’il emploie pour soumettre sa population par la peur et la suspicion. Les Roumains ont faim, ont froid, ont peur.  Le troc est un moyen de survivre, une odeur de résistance… Braver l’interdit est un parfum enivrant pour certains, mortel pour d’autres.  Un coca dans le noir, un gâteau rassis partagé. Les films clandestins, cigarettes en échange de médicaments. Et aussi les files d’attente interminables devant des magasins vides, les coupures d’électricité, pas de chauffage, chantage, torture, dépression :  l’horreur d’une vie quotidienne marquée par la peur. « Comment aurait-on pu remarquer nos souffrances ou entendre nos appels à l’aide, quand nous ne pouvions rien faire de plus que chuchoter dans le noir ? ».

Cristian consigne les événements, ses désespoirs et ses tendresses dans un petit carnet dissimulé dans le cagibi sous l’escalier, sa chambre.  « La surveillance constante oppressait ma mère. Ses mains tremblaient ; ses yeux erraient sans cesse ici et là ; elle était presque aussi maigre que les cigarettes qu’elle fumait. Je l’avais décrite en quelques mots dans mon carnet. Nerveuse. Stressée. Tourmentée. Angoissée. »

Cristian obéit à la redoutable Securitate et à ses agents en Dacia noire et pourtant il veut être le plus fort, il veut les doubler. Il veut les rouler. Il y met tout son courage, son imagination, sa jeunesse. Il y met sa vie…  Il y met l’amour. Qu’importe, le vent de la liberté frémit. Le vent de la liberté souffle en Roumanie et Cristian est prêt à agir pour faire tomber le Conducator. Il faut être rusé, vigilant. La Securitate est partout. C’est elle qui va combattre férocement contre l’armée qui s’était ralliée au peuple et contre les insurgés, n’hésitant pas à arrêter et tuer tous ceux qu’elle trouvait dans les rues. Certains passages sont violents mais ils sont le reflet des événements de noël 1989. Et puis il y a l’histoire de ce petit carnet…

« D’une plume fine et terriblement juste, Ruta Sepetys nous livre les secrets glaçants de la dictature roumaine à l’ère de la guerre froide. Le rythme du récit est prenant, intense, mais la lecture en reste accessible étant donné la brièveté des chapitres et le souffle qui la traverse. L’auteur manie avec adresse les outils de fiction pour traverser une réalité historique précise et documentée. Chaque roman historique est toujours une occasion de s’intéresser à l’Histoire. Avec intérêt on lira en fin d’ouvrage, le dossier consigné avec des documents de l’époque, des photos, une longue bibliographie.

Informations et commandes sur LIVRES EN FAMILLE

Ce roman est destiné à la jeunesse – à partir de 16 ans, mais tout le monde devrait le lire.

Si je dois te trahir, Ruta Sepetys, 378 pages, éditions Gallimard, 17.90€

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