« L’empereur, le roi, a déposé sa couronne, ses ornements
et il est monté pieds nus avec la Croix qui, cette
fois, s’est laissée porter et jusqu’en haut du Calvaire. »
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.
Bien chers Frères,
Nous vous souhaitons une joyeuse Pâque en ce jour de la Résurrection de Notre-Seigneur où je voudrais vous parler tout spécialement du signe de sa victoire, qu’il a tenu à nous montrer dans son Corps ressuscité. Jésus a voulu ressusciter avec ses plaies apparentes pour nous montrer combien il tient à sa sainte Croix qui a triomphé du mal qui a terrassé le démon, et pour que nous nous souvenions spécialement que cette Croix qui était le gibet infâme des condamnés à mort, est devenue le signe glorieux de victoire des chrétiens et spécialement de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Oui, cette croix est très glorieuse parce qu’elle est tout d’abord adorable. Elle est ensuite très instructive, elle est sainte et sanctifiante et elle est puissante.
1 – La Croix est adorable.
Et je voudrais vous parler simplement de ces quelques points que notamment Saint François de Sales développe dans un livre spécial qu’il a écrit De la défense de la Sainte Croix contre les protestants où il nous explique justement qu’elle est adorable (parce que c’est ce que l’on voulait nier, de son temps spécialement, mais aussi de tout temps où il y a toujours eu des hérétiques pour s’attaquer à la Croix), et il nous montre que tout d’abord, la théologie nous prouve bien qu’on a le droit et le devoir d’adorer la Croix.
Car le bon Dieu, bien sûr, est le premier qui doive être adoré, le seul qui doive être adoré de façon absolue par tous et sans limites. Mais il y a des degrés d’honneur d’adoration qui se rapportent à Dieu, mais qui transitent par ses créatures. Il y a l’honneur qu’on rend aux saints, qui pourrait s’appeler une adoration, mais que l’on n’appelle pas adoration par prudence dans la théologie. C’est l’adoration absolue, disent les théologiens, qui est due à une personne intelligente. La vénération que l’on donne aux saints est une vénération absolue.
Et puis il y a les vénérations et l’honneur que l’on donne aux choses matérielles, qui n’ont pas la raison, et qui est un honneur relatif, parce que à travers cet objet, à travers cette relique, à travers cette croix, nous adorons, nous honorons Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous honorons tel Saint : c’est un honneur relatif. Et il y a aussi l’honneur que l’on donne aux images de ces personnes, aux images de ces reliques, donc aux images de la croix, au crucifix qui est ici qui n’est qu’une image.
Et alors on pourrait nous dire, pourquoi allons-nous adorer cette image ? Ce sont deux morceaux de bois que l’on a mis ensemble. Vous êtes des idolâtres ? Mais non. C’est évidemment un honneur qui est relatif ; alors quelle est la différence entre celui que l’on donne à la vraie Croix et celui qu’on donne à l’image de la Croix ? Les théologiens nous disent : quand on adore la vraie Croix comme on le faisait à Jérusalem et comme on le fait encore devant les vraies reliques de la croix qui sont disséminées de par le monde, cette adoration est relative, propre, et l’autre adoration (des images) est relative, impropre. Ça veut dire tout simplement que l’honneur que l’on donne à ces images se rapporte proprement à la vraie Croix.
Et donc nous n’adorons évidemment pas des tableaux, des peintures, des morceaux de bois, mais vraiment la Croix, la sainte Croix.
Et si ces raisons théologiques ne vous convainquent pas, sur lesquelles je ne m’étale pas, (Saint François de sales est très précis dans sa description), il y a tout simplement la Tradition de l’Église qui nous montre que l’on peut adorer la Croix, parce que l’Église le fait et qu’elle nous fait adorer la Croix le Vendredi Saint et que la Croix est partout, dans nos temples, dans nos églises. Oui, la croix est adorable et nous devons l’adorer.
2 – La Croix est instructive.
Elle est ensuite très instructive parce que, comme nous le montrent les Saints, (notamment notre séraphique Père Saint François), devant la Croix, dans nos oraisons, dans nos prières, nous apprenons de grandes leçons, et c’est Saint Félix le Capucin qui nous disait qu’il ne connaissait pas les lettres ; il était illettré ; mais qu’il ne connaissait que cinq lettres : ce sont les cinq plaies de Jésus sur sa Croix.
Et nous voyons, évidemment, la première, la plus belle des leçons que nous lisons, c’est celle de l’amour incroyable du bon Dieu pour nous, sur cette croix, qui a voulu mourir comme un bandit, déshonoré pour nous rendre notre honneur, pour que nous retrouvions la porte du ciel. Notre-Seigneur nous parle d’abord de son amour et ensuite, évidemment, de la pénitence que nous devons faire pour le suivre, pour rejoindre le Paradis, pour nous convertir et conquérir le monde avec sa Croix.
Et les missionnaires exhibaient la sainte Croix dans leur prédication, comme la plus belle des leçons. Et nous devons nous prendre ce temps aussi devant notre crucifix, pour méditer, pour penser à cette sainte Passion qui nous a sauvés.
3 – La Croix est sainte.
Ensuite, cette croix est très sainte, sanctifiante. Sainte, parce qu’elle a été imprégnée du sang de Jésus, qu’elle a été l’instrument qu’il a choisi lui-même pour nous sauver.
Et elle est sainte aussi, on le voit, parce qu’elle sanctifie toutes choses dans la liturgie de l’Église. La sainte Messe est remplie de signes de croix. Le prêtre donne tous les sacrements, toutes les bénédictions sont données par le signe de la croix.
Et Saint François de Sales donne une belle explication du symbolisme du signe de la croix. En disant : « Au Nom du Père », nous portons la main sur le front parce que c’est notre principe, c’est l’endroit le plus élevé, le Père est le principe de toutes choses et le principe même des deux autres Personnes. Il est donc normal que nous mettions la main sur le front en prononçant son Nom. « Au nom du Père et du Fils » : nous descendons parce que le Fils est descendu sur la terre pour nous, il s’est incarné, et il s’est incarné dans le ventre de la Sainte Vierge dans le sein de la Vierge. Donc nous désignons le lieu où il est descendu.
« Et du Saint-Esprit » : nous désignons la troisième Personne qui procède du Père et du Fils, donc qui est entre les deux et qui nous sanctifie, qui nous sauve ensuite par la grâce que le bon Dieu nous a donnée, parce que nous passons de la gauche où nous étions damnés, à la droite où nous sommes sauvés.
Nous avons le symbolisme de cette Passion qui nous sauve dans le signe de la croix. Donc ce signe est vraiment très saint. Il est pour nous toute une instruction et nous devons le vénérer comme il se doit en raison de cette Sainteté.
4 – La Croix est puissante.
Et enfin, il est très puissant. Nous le voyons ; les exemples seraient vraiment innombrables ; combien ce signe de la croix, cette Croix est terrible pour les ennemis de l’Église, pour les ennemis de Notre-Seigneur. Au nom de la Croix, les prêtres chassent les démons, les exorcistes, et les Saints, de nombreux Saints, ont effectué des guérisons et ont conjuré les sorts, les pièges que voulaient leur tendre leurs ennemis. En particulier Saint-Benoît : « on voit qu’il trace un signe de croix sur le verre empoisonné, qui explose. Et les nombreuses guérisons qui sont faites, par les Saints en général, le sont au signe de la croix ou par l’imposition des mains, au Nom de Notre-Seigneur, au Nom de sa Passion, au Nom de la Sainte Trinité.
Et il y a aussi un symbolisme de cette puissance dans les nombreuses batailles remportées au nom de la Sainte Croix. Et c’est pour cela que les Croisés, (justement : d’où leur nom de Croisés) prenaient cette Croix Rouge sur leurs habits pour aller se battre dans les combats pour la foi. Donc vraiment, nous devons être fier de ce signe. Et Saint François d’Assise avait une grande vénération envers ce signe, parce que c’est celui qui sera inscrit sur le front des élus, le tau, le signe de la croix. Et c’est de ce signe que nous désirons être marqués pour l’éternité.
5 – Par conséquent, adorons-la !
Alors pour mettre en pratique, utiliser, profiter de ces fruits de la gloire de cette Croix, puisqu’elle est adorable, adorons-la. Adorons-la, prions, exposons-la dans nos maisons comme il se doit. N’hésitons pas à faire le signe de la croix quand nous devons le faire et d’entourer nos actions, au début et à la fin, de prières et de signes de la croix pour que nos actions soient bénies. Mais nous voyons que Notre-Seigneur, nous demande la Sainte Église nous demande cette adoration de la Croix. Et tous ceux qui rejettent cette adoration sont, la plupart du temps, des hérétiques, des gens qui repoussent la doctrine authentique du christianisme. Et malheureusement on le voit aujourd’hui chez les modernistes, qui déforment ces croix, qui les font toutes tordues, qui les mettent sur le côté dans l’Église. Il y a toujours dans l’hérésie un rejet de la Croix.
Il y a malheureusement aussi certains de nos contemporains qui ne connaissent pas la valeur salvifique de la Croix. Nous étions avec un frère, un jour, pris en autostop, en Sologne, en direction d’un couvent, par un Monsieur qui déplorait l’état de notre société : « C’est une véritable catastrophe, moi même quand j’étais enfant, je ne pouvais pas m’imaginer que ça devienne comme ça ! » On a essayé de lui expliquer que c’est la Chrétienté qui disparaît et qu’il faut que le christianisme revienne pour que la société puisse vraiment se relever. Il n’y aura pas d’autre solution que la Croix. Et il nous dit : « Le christianisme peut-être, mais la Croix, non ! Vous ne devriez pas parler de la Croix parce que c’est triste la Croix, c’est la mort (il pensait au cimetière). Vous ne devriez pas parler de ça. Quelque part, ça vous fait une mauvaise publicité. Le pauvre, il ne connaissait pas. Il ne connaît la Croix que dans son aspect négatif, peut-être dans ce qu’il a vu dans certains tee-shirts des jeunes aujourd’hui, malheureusement, qui les portent à l’envers ou dans le noir. Cette Croix, non, nous devons la défendre et en être fier, c’est elle qui nous sauve.
6 – Suivons ses leçons !
Nous devons l’adorer, l’exhiber, la porter avec nous, et en tirer les leçons puisqu’elle est instructive ; faire oraison devant la croix pour nous appliquer ces vérités, pour nous rendre compte de l’amour que Dieu a eu pour nous, pour nous rendre compte que c’est nous qui l’avons cloué sur cette croix et que nous devons aussi nous convertir. Car, si nous ne voulons pas tirer les leçons de cette croix sur la terre : soit nous aurons à l’expier, si nous sommes sauvés, dans le purgatoire ; soit comme les démons, nous aurons à en subir les terreurs, parce que les démons tremblent devant cette Croix.
7 – Sanctifions-nous par elle.
Profitons-en pour nous sanctifier aussi, avec elle. N’hésitons pas à invoquer, à recourir évidemment aux sacrements de façon fréquente, régulière, pour recevoir ce signe de la croix dans l’absolution, la communion qui nous est donnée aussi sous la forme de la croix. Et Monseigneur Lefebvre disait : même si vous avez des possessions, des obsessions des démons, que vous avez déjà demandé des exorcismes à des prêtres, il dit ça n’est pas raisonnable de venir tout le temps leur demander des exorcismes si la chose ne fonctionne pas, c’est que le bon Dieu, voilà, permet cela. Il dit recourez aux bénédictions du rituel. Les bénédictions sont puissantes et peut-être que nous ne recourons pas assez à ces bénédictions avec assez de foi.
8 – Recourons à sa puissance.
De même dans nos tentations. Pour la dernière application de ce fruit de la croix, puisqu’elle est puissante, combattons avec cette arme du signe de croix qui peut chasser, les tentations les plus pénibles contre la vertu de pureté, contre la charité, contre l’espérance. N’hésitons pas à faire un signe de croix, mais évidemment, il faut le faire avec foi ; peut-être avec de l’eau bénite aussi. Mais si on fait simplement un signe de croix machinal, sans y mettre notre foi, c’est peut-être pour cela que nous ne sommes pas délivrés de nos tentations. Alors estimons beaucoup ce signe de la croix.
9 – L’exemple d’un roi.
Et pour terminer, je voudrais vous rappeler un peu l’esprit dans lequel nous devons l’utiliser, l’employer, en vous rappelant l’histoire d’Héraclius, ce roi de Jérusalem qui a pu récupérer de Chosroês (le roi de Perse qui avait pris la croix que Sainte Hélène avait retrouvée), la vraie Croix. Cet empereur, pour honorer ce diadème, ce sceptre du Christ Roi, a voulu le porter lui-même en haut du Calvaire. Et avant de pouvoir commencer, il est resté bloqué en bas, la Croix ne voulait pas avancer. Et l’évêque lui dit : « Sire, peut-être que ça n’est pas convenable que vous montiez ce Calvaire revêtu de tous vos ornements, avec votre couronne, alors que Notre-Seigneur y est monté dans un état lamentable, couronné d’épines, couvert de crachats ». Alors l’empereur, le roi, a déposé sa couronne, ses ornements et il est monté pieds nus avec la Croix qui, cette fois, s’est laissée porter et jusqu’en haut du Calvaire.
Pour nous dire que nous devons suivre Notre-Seigneur lui-même qui nous a dit : « Prenez ma Croix ; celui qui veut me suivre, celui qui veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ». Et si vous remarquez, cet enseignement est très étrange. Parce que Notre-Seigneur n’était pas encore mort sur la Croix. Et à l’époque, c’était un gibet infâme que cette croix. Et pourtant il dit, déjà bien avant sa mort : « Que celui qui veut me suivre prenne sa croix et qu’il me suive ». Comment ont-ils dû entendre cela les Apôtres ? C’est étonnant de voir que Notre-Seigneur en parle avant et non pas après sa Résurrection. C’était certainement pour anticiper, pour que les Apôtres aient une lumière sur ce qu’il avait dit, et cela après sa mort justement.
Et dans quel esprit Notre-Seigneur veut que nous portions cette croix ? Eh bien, il veut que nous déposions notre ornement d’empereur, c’est-à-dire notre orgueil, notre vanité, l’enflure de notre concupiscence, tout ce qui nous empêche de vraiment le suivre sur le Calvaire. Donc finalement avec un esprit d’humilité, comme l’a fait ce roi Héraclius. Pour continuer notre Carême, pour profiter des fruits de ce Calvaire, continuons sur la voie de l’humilité. Et Notre-Seigneur nous donnera d’accepter les croix qu’il nous enverra. C’est en les acceptant humblement que nous pourrons profiter de ces croix, et nous monterons comme cela le chemin de la perfection qui nous mènera au sommet du Calvaire, et qui nous vaudra d’être marqués à notre tour du Tau salutaire, et qui nous méritera à notre tour la résurrection glorieuse et éternelle.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il
Fr Marie-Bonaventure +, ofm
Morgon, dimanche 31 mars 2024, en la fête de Pâques
Version audio du sermon :
Antoine de Fleurance
Autres sermons des capucins de Morgon :
– 14 janvier 2024 : Sermon du RP Paul-Marie, ofm – La Tradition de l’Eglise
– 04 février 2024 : Sermon du RP Léon-Marie, ofm – La Sainte Messe expliquée par la Passion
– 11 février 2024 : Sermon du RP Paul-Marie, ofm – La modestie chrétienne
– 18 février 2024 : Sermon du RP Marie-Bonaventure, ofm – Leçons de la tentation d’Eve
– 03 mars 2024 : Sermon du RP Fidèle-Marie, ofm – Notre Libérateur
Cet article vous a plu ? MPI est une association à but non lucratif qui offre un service de réinformation gratuit et qui ne subsiste que par la générosité de ses lecteurs. Merci de votre soutien !