Jacques Poirier est un docteur vétérinaire, enseignant-chercheur à l’Ecole vétérinaire microbiologiste de Alfort. En 1980 il est engagé par le laboratoire SANOFI (ex Rhone Poulenc) comme chef de projet dans le domaine vétérinaire puis pharmaceutique humain. Puis il est nommé directeur général dans le domaine vétérinaire au sein de la société AVENTIS-PHARMA.
Parallèlement, dès cette période, le Dr Poirier s’intéresse à une étrange pathologie, l’encéphalite spongiforme bovine dite « maladie de la vache folle » venant d’Angleterre. Cette affection est proche de la fameuse maladie de Creutzfeldt-Jakob ; plusieurs milliers de personnes seront contaminées ; 214 personnes en mourront. 190.000 bovidés seront abattus à titre de précaution.
Conjointement le chercheur travaille sur une héparine injectable appelée Lovénox qui est donnée en prévention des phlébites et des embolies après ou avant les interventions chirurgicales ; mais aussi en traitement des embolies et des thromboses veineuses. Le marché de ce produit est colossal car en 1991 il représente déjà 2 milliards d’euros.
M. Poirier va entrer en conflit avec sa direction. En effet le Lovenox est extrait de l’intestin du porc. Or il s’aperçoit qu’en période de pénurie, cet anticoagulant se voit extrait d’intestins de chèvre, de moutons ou de vaches. Mais en 1996 il est démontré que la maladie de la vache folle peut tout à fait se transmettre par la voie alimentaire c’est-à-dire en mangeant de la viande de ces ruminants. A fortiori, la voie injectable paraît comme royale pour assurer la dissémination de la maladie. Le chercheur met alors en garde contre le danger d’utiliser des intestins de bovidés. De plus, il s’élève contre l’importation de ce produit de base venant de la Chine. Il en résulte une tension de plus en plus vive avec sa direction qui finit par le licencier en 2003 après de multiples péripéties juridiques.
Cinq années plus tard il est consulté dans le cadre d’un scandale qui est en train de se développer. Une centaine de personnes sont mortes et 800 autres ont fait un choc anaphylactique des suites de l’injection d’héparine. Or la matière première vient de la Chine. La Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis fait retirer des lots suspects. Mais l’agence de surveillance des médicaments en France (AFSSAPS) – la même qui a laissé passer le MEDIATOR- permet la commercialisation de 11 lots contaminés.
Pourtant à cette époque, tous les produits dérivés des ruminants doivent être détruits. Pour SANOFI, comment faire alors pour pouvoir fabriquer du Lovénox en cas de pénurie d’intestin de porcs ? Tout simplement il ira s’approvisionner en Chine, pays peu regardant sur les questions sanitaires posées aux Européens.
Deux fronts vont se créer contre ces pratiques peu soucieuses de la santé de nos contemporains. Le premier est celui du Dr Poirier et d’un autre médecin du nom de Levieux, directeur de recherche à l’INRA et expert dans la détection des fraudes portant sur l’origine d’espèces. Parallèlement Familles de France et l’Union Française des Consommateurs-Que Choisir montent au créneau.
Toutes les démarches diligentées d’un côté et de l’autre seront vaines. Les recours auprès de l’ASFAPPS – (juillet 2009) restent sans réponse. Une audition devant une commission sénatoriale en juin 2011 de même. Silence aussi après les interpellations des ministres de la santé Bertrand (novembre 2011) et Marisol Touraine (juin 2012) .
Après une émission de télévision, plusieurs revues vont évoquer un « conflit d’intérêt ». Elégante manière de dire que SANOFI a su graisser la patte là où il fallait. Sans doute les protagonistes de cette affaire se réjouissent de savoir qu’une maladie comme celle de Creutzfeldt-Jakob peut mettre seize ans avant d’émerger. On a donc le temps d’attendre…
Après l’affaire du sang contaminé, du Médiator, de l’hormone de croissance, il n’est pas impossible qu’un nouveau scandale éclate. On le saura après le 4 mai, date à laquelle se déroulera le procès prudhommal entre le Dr Poirier et son ex employeur, le laboratoire SANOFI.
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