Cela ressemble à un beau roman d’aventures, tellement cela paraît surréaliste. Il faut dire que Samuel Laurent a une bonne plume qui rend la lecture de son ouvrage très fluide. Parti au départ en Syrie pour enquêter sur les djihadiste français partis combattre là-bas, il va tomber sur un réseau beaucoup plus large qu’il ne pensait. Ce livre nous révèle surtout la sous-estimation du phénomène djihadiste français par les autorités et les services secrets français.
Samuel Laurent a pris des risques en allant écrire ce livre et certains pourraient le penser imprudent. Il n’a pas manqué d’ailleurs de surprendre certains chefs djihadistes étonnés de sa démarche et de ce qu’il était capable d’endurer pour écrire simplement un livre sur eux. L’auteur a profité de ses nombreux contacts au Sahel et en Lybie pour pouvoir être introduit dans la brigade de Mohamed Fizourou ou auprès de l’émir de Jabhat al-Nosra. Cela lui prendra plusieurs mois. On le retrouvera ensuite en Somalie à Mogadiscio dans des quartiers où aucun occidental ne se risquerait et plus tard dans le repaire des shebabs de Somalie. Mais il en viendra même à enquêter en France et à se faire introduire auprès du chef d’une cellule djihadiste après de multiples précautions prises par ce dernier (yeux bandés, écouteurs dans les oreilles et des heures de route pour lui faire perdre la notion géographique et de la distance). Il lui faudra aussi du tact et une connaissance de ces milieux pour pouvoir interroger avec efficacité tous ceux qu’il a interrogés et obtenir les bonnes informations. Certains, à l’inverse, se livrent facilement, du moins sur leurs motivations, car ils voient dans le livre une tribune et un moyen de s’exprimer au-delà des médias occidentaux.
Haine de l’Occident mais aussi de la France depuis ses interventions au Mali et en Centrafrique, conviction religieuse, mépris de notre société en déliquescence, désintéressement, méthodes de plus en plus perfectionnées, voilà ce qui ressort des 425 pages du livre de Samuel Laurent. La Syrie est devenu un moyen de s’aguerrir mais aussi pour les djihadistes de tester les possibles candidats car contrairement à ce que l’on peut croire, les combattants étrangers sont accueillis avec beaucoup de méfiance. Samuel Laurent en a rencontré certains qui sont rentrés et qui se croient investis d’une mission dans leur quartier. Ces derniers ne sont sans doute pas les plus dangereux mais seront des maillons quand il le faudra. D’autres sont totalement déboussolés et regrettent même d’avoir tenté l’aventure. Mais il y a ceux, qui après avoir suivi une formation poussée en Somalie dans le repaire, sont infiltrés en France, après qu’on ait nettoyé leur passé s’il le faut. Ils se fondent dans le paysage le plus normalement du monde, allant jusqu’à suivre un mode de vie très occidental. Ce sont de vrais agents dormants, impossibles à détecter car les contacts se font par des moyens classiques comme du temps de la Guerre Froide. Ils seraient beaucoup plus nombreux que ce que l’on pourrait penser. Ces cellules ne sont pas pressées et sauront attendre le temps qu’il faudra mais sont prêtes à frapper. Samuel Laurent a pu voir de ses propres yeux leur arsenal d’armes lourdes qu’ils ont acheté, pour avoir confirmation que ce ne sont pas que des vantards. Tout cela se passe en France, pas en Syrie ni en Irak.
Le livre nous tient en haleine du début à la fin et pourrait se lire d’une traite. Auteur sérieux et remarquable journaliste d’investigation et de terrain, Samuel Laurent nous livre un travail de qualité et extrêmement instructif. Il est le seul à pouvoir être autant introduit dans les milieux djihadistes. Il nous met en garde contre la menace djihadiste intérieure qui pèse sur la France, un phénomène à ne pas ignorer et dont il faut être conscient.
Le livre peut s’acheter dans les librairies mais aussi sur le site de la Fnac ou d’Amazon
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