Chers fidèles,

En cette fête de saint Dominique, l’Eglise a choisi comme épître un passage de la 2ème épitre de saint Paul à Timothée. Saint Paul est alors à Rome, emprisonné par Néron. Il pense que son martyre approche, et il envoie ses dernières recommandations à son cher disciple Timothée, qu’il avait sacré évêque à Ephèse.

Il l’exhorte à se livrer, avec toute la force dont il est capable, à la prédication de l’Evangile qui lui a été confié : « Je t’adjure devant Dieu et devant le Christ qui jugera les vivants et les morts, par son avènement et par son règne, prêche la Parole, insiste à temps et à contre-temps, reprends, supplie, menace en toute patience, et en instruisant [ … ] Travaille constamment, fais l’œuvre d’un évangéliste ».

Commentant ce passage, saint Thomas d’Aquin remarque deux points dans les directives de saint Paul à Timothée : « il lui demande de donner tous ses soins à l’enseignement [de l’Evangile], et il l’instruit de la manière de le faire. » 

Premier devoir de l’apôtre : donner tous ses soins à l’enseignement 

Ce sont les dernières paroles de Notre-Seigneur avant de quitter cette terre, c’est son testament à ses Apôtres, que saint Paul transmet à Timothée. C’est la première mission de l’Eglise : « Allez, enseignez toutes les nations [ … ] prêchez l’Evangile à toute créature […] leur enseignant à observer tout ce que je vous ai commandé » (Mt.28,19-20 ; Mc.16,15).

Quel est-il cet enseignement, cet Evangile que Notre-Seigneur commande à ses Apôtres et à leurs successeurs de prêcher dans le monde entier ?

Eh bien ! c’est que le Sauveur du monde annoncé par les Prophètes, est venu : Dieu nous a envoyé son Fils qui a pris notre nature humaine, qui est mort sur une Croix pour nous délivrer de l’esclavage du péché. Mais Il a voulu aller plus loin encore : ressuscité le troisième jour, et maintenant remonté au Ciel, il veut rassembler tous les hommes de bonne volonté des quatre coins du monde, pour les unir en un seul Corps dont il est la tête, faisant vivre ses membres de sa vie divine. C’est l’Eglise, Corps Mystique du Christ.

Notre-Seigneur a pris ici la comparaison de la vigne : « Je suis la Vigne, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi, et moi en lui porte beaucoup de fruits » (Jn.15,5).

Enseigner les âmes pour qu’elles aillent aux sources de la grâce

+ C’est le baptême qui greffe sur le cep les sarments que nous sommes.

« Par le baptême nous appartenons tous au Christ, nous ne faisons qu’un dans le Christ » dit saint Paul (Ga.3,27-29).

C’est pourquoi Notre-Seigneur dit à ses Apôtres : « Enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » (Mt.18,19).

+ Et c’est l’Eucharistie qui fait vivre les sarments de la vie divine qui leur vient du cep : « Je suis le Pain de vie [ … ] qui suis descendu du Ciel, [ … ] afin que celui qui en mange ne meure point [ … ]. Celui qui mange ma chair et boit mon Sang demeure en moi et moi en lui, [ … ] et je le ressusciterai au dernier jour » (Jn.6,48.51.50.55.57).

Combats du démon contre le plan divin

Bien sûr, le démon, qui est l’ennemi du plan de Dieu, l’ennemi du genre humain, n’aura de cesse de combattre ce plan, et jusqu’à la fin du monde. Quand ce n’est pas par des persécutions sanglantes, c’est en suscitant toutes sortes d’hérésies.

C’est pourquoi saint Paul ajoute à Timothée : « Viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la sainte doctrine, mais, au gré de leurs passions, et l’oreille leur démangeant, ils se donneront des maîtres à foison, et détourneront l’oreille de la Vérité pour se tourner vers des fables ».

Ce temps est d’ailleurs venu très vite, puisque les premières hérésies sont apparues dès les temps apostoliques.

L’hérésie cathare, destructrice de l’Eglise et de la société

A l’époque de saint Dominique, au XIIIème siècle, le grand danger qui menaçait l’Eglise et tout l’ordre social, et qui précipitait les âmes en enfer, était l’hérésie cathare.

Issu de courants de pensée nés à l’est de l’Europe, le catharisme expliquait l’histoire du monde comme résultant du combat entre deux principes, plus ou moins égaux selon les sectes :

⬪ le principe bon, à l’origine de l’esprit,

⬪ et le principe mauvais, à l’origine de la matière.

La matière étant pour eux mauvaise, Dieu n’a pu s’incarner et s’il ne s’est pas incarné, il n’a pu mourir pour nous sur une Croix ; les sacrements de l’Eglise, qui utilisent de la matière (l’eau, l’huile, le pain, le vin) sont à rejeter ; le mariage est abominable puisque par l’acte conjugal, il donne naissance à des âmes emprisonnées dans de la matière : le corps humain. Et ils prônaient l’abolition du serment, parce qu’il stabilisait la société. Le serment était en effet le fondement de toute la société médiévale.

C’était la destruction de tout le plan de Dieu et de toute la société, une révolution avant l’heure. Et le catharisme était un véritable cancer qui se développait au cœur de l’Europe chrétienne : dans le Languedoc, et aussi dans la Milanais, plus grand diocèse après Rome ;

Les prédicateurs cathares séduisaient les populations peu instruites, en affectant une pauvreté toute évangélique et ils bénéficiaient du soutien des seigneurs locaux qui en profitaient pour se libérer de l’Eglise, tandis que le clergé ne se montrait pas capable d’éclairer les âmes.

La prédication enflammée de saint Dominique

C’est en 1206 que saint Dominique apparaît dans le Languedoc.

Son âme était tout emplie des mystères divins qu’il avait scrutés et contemplés pendant de longues années de prière et d’études en Espagne. Il possédait parfaitement la Sainte Ecriture, au point qu’on lui avait confié la chaire d’Ecriture Sainte à l’Université, alors célèbre de Palencia.

Possédé par la Vérité divine, saint Dominique saisissait d’autant plus le vide et le néant des âmes qui vivent dans l’erreur, en dehors de la grâce sanctifiante et du plan divin, le danger où elles se trouvaient pour leur salut éternel. Il n’oubliait pas les dernières paroles de Notre-Seigneur à ses Apôtres : « Celui qui ne croira pas sera condamné ».

Alors, dans la nuit, des cris s’échappaient de sa poitrine, tandis qu’il se donnait de sanglantes disciplines : « Que deviendront les pécheurs ? »

Aussi, lorsque la Providence l’adjoignit à une troupe de missionnaires envoyés par le pape Innocent III en pays cathare, il ne pouvait plus contenir le zèle de sa charité. De bourgade en bourgade, de château en château, partout il convoque les chefs de la secte locale pour des joutes publiques devant la population.

Les discussions étaient acharnées et duraient parfois une semaine.

« Reprends, supplie », conseillait saint Paul à Timothée.

« Vous qui êtes spirituels », dit-il ailleurs, « ayez soin de relever celui qui est tombé en esprit de douceur » (Ga 6, 1).

« Menace », continue saint Paul. Douceur avec ceux qui ne sont point tombés par malice, commente saint Thomas d’Aquin ; mais ceux qui répandent sciemment le mal, il faut les reprendre fortement sans leur cacher le châtiment divin auquel ils s’exposent.

Et ce sont les deux caractères de l’apostolat de saint Dominique que les contemporains avaient déjà remarqué lorsqu’il prêchait en Espagne : « Il savait se concilier l’amitié de tous », témoignera l’un d’eux, « riches et pauvres, juifs et infidèles. Tous, visiblement l’aimaient ; sauf les hérétiques qu’il poursuivait et convainquait dans ses disputes et ses prédications. Il les exhortait, et les appelait cependant avec charité à faire pénitence et à revenir à la foi ». 

La persévérance de l’apôtre

Une autre qualité de l’apôtre est la persévérance :

« Travaille constamment, dit saint Paul à Timothée, acquitte-toi pleinement de ton ministère ».

La première mission du Languedoc fut un demi-échec. Les missionnaires allaient, certes, de victoire en victoire. A leur départ, ils étaient souvent accompagnés un long moment par le peuple enthousiaste. Mais aussitôt partis, soutenus par les seigneurs, les chefs cathares reprenaient leur emprise sur le peuple.

Aussi les missionnaires cisterciens, moines purement contemplatifs, se découragèrent-ils de cet apostolat qui n’était pas vraiment leur vocation. Ils regagnèrent leurs monastères, et saint Dominique se retrouva seul.

Pendant 10 ans, il continua l’apostolat, en solitaire, parcourant pieds nus tous les chemins du Languedoc, ayant failli être assassiné près de Fanjeaux. Mais les assassins, voyant sa joie de devenir martyr du Christ, lâchèrent leurs couteaux et se convertirent.

Bien sûr, la parole ne suffit pas s’il n’y a pas l’exemple de la vie. Les prédicateurs cathares affectaient une fausse pauvreté évangélique, qui trompait les populations.

Saint Dominique s’était installé à Fanjeaux, au cœur de l’hérésie, dans un pauvre réduit où il couchait par terre, cuisant lui-même ses galettes.

Passant ses journées à prêcher et mendiant sa nourriture, il passait ses nuits à la prière et à la pénitence, n’accordant à son corps qu’un minimum de repos.

Notre-Dame révèle le Rosaire à saint Dominique

La persévérance porte des fruits : Notre-Dame vint au secours de Dominique, et lui révéla le moyen infaillible de toucher ces populations : le Rosaire, non seulement comme prière très puissante sur les Cœur de Jésus et Marie, mais comme mode de prédication. La prédication dominicaine des origines, inaugurée par Saint Dominique sur l’inspiration de Notre-Dame, consistait à exposer les principaux mystères de la vie de Jésus et Marie, tels que nous les connaissons dans le Rosaire ; et à entrecouper cette prédication en faisant réciter aux auditeurs des Pater noster et des Ave Maria.

Et cela doit nous éclairer sur notre façon de concevoir la prière du chapelet : il ne s’agit pas d’aligner mécaniquement des « Notre Père » et des « Je vous salue Marie », mais essentiellement de contempler les exemples parfaits de vie chrétienne donnés par Jésus et Marie pendant leur vie terrestre, tout en demandant la grâce de les imiter par la supplication de nos Ave.

Les cathares niaient les mystères de l’Incarnation et de la Rédemption. Si l’absence de prédication catholique avait favorisé l’implantation du catharisme, la prédication populaire des mystères du Rosaire jointe à la prière des Pater et des Ave, et à l’exemple d’une vie pauvre et mortifiée, fut le remède radical pour guérir ce fléau ; spécialement lorsque le pouvoir des seigneurs fut brisé par la croisade, et que les populations se trouvèrent libres de revenir à l’Eglise. La Vierge Marie était de nouveau intervenue : ce fut la victoire miraculeuse de Muret, première victoire du Rosaire, première d’une longue série qui n’est pas terminée.

Saint Dominique restaure la vie apostolique

Mais le cœur de Dominique était trop vaste pour se contenter du Languedoc. Il embrassait maintenant le monde entier, et jusqu’à la fin des temps.

La Providence lui avait déjà permis de fonder à Prouille, en face de Fanjeaux, un Ordre de Moniales pour appuyer l’apostolat sur la prière et le sacrifice de vierges consacrées.

Maintenant, c’est tout un Ordre de prédicateurs qui sortira du zèle de saint Dominique. La Vierge Marie lui indiquera même l’habit que devront porter les nouveaux prêcheurs.

Dans la préface du saint, au missel dominicain, on lit que saint Dominique a fait renaître dans l’Eglise la vie apostolique. Qu’est ce que cela signifie ? Saint Pierre l’expose dans les Actes des Apôtres« Pour nous, nous serons tout entiers à la prière et au ministère de la Parole » (6,4).

Il ne parle pas des sacrements, parce que les sacrements, qui sont le couronnement du ministère de l’Eglise, ne portent vraiment leurs fruits que si les âmes sont préparées à les recevoir par la prière et la prédication des missionnaires ; ce à quoi se donnaient plus particulièrement les Apôtres, qui laissaient habituellement l’administration des sacrements aux autres prêtres, collaborant à leur ministère par la prédication.

Et telle est la vie que Saint Dominique a restaurée en plein XIIIème siècle :

une vie de prière contemplative en commun, à l’écart du monde, consacrée par les vœux de pauvreté, chasteté et obéissance ;

facilitant l’étude de la Révélation divine ;

pour ensuite sortir dans le monde pour faire connaître aux âmes les mystères de la foi, et les arracher à l’erreur ; selon la devise dominicaine formulée par saint Thomas d’Aquin : « Contempler et transmettre aux autres ce qu’on a contemplé ». 

Conclusion

Que retenir pour nous de cette vie de saint Dominique ?

Nourrir notre âme de la vérité divine par la lecture religieuse régulière ; car les sermons du dimanche ne suffisent pas

avoir un grand zèle pour le salut des âmes au moins par la prière, l’exemple, et l’offrande des sacrifices de nos devoirs quotidiens au Cœur Immaculé de Marie, comme l’a demandé ND de Fatima ;

enfin une vraie dévotion à Notre-Dame, spécialement par le chapelet, mais un chapelet qui soit une vraie contemplation des mystères de Jésus et de Marie.

Avrillé,  Dimanche 4 août 2024, en la fête de saint Dominique, Fondateur

Accès au site des Dominicains d’Avrillé : https://www.dominicainsavrille.fr/

Autres sermons des Dominicains d’Avrillé sur MPI :
– Jeudi 9 mai 2024 : En la fête de l’Ascension de Notre-Seigneur
– Dimanche 12 mai  2024 : Sainte Jeanne d’Arc et la Croix de Jésus
– Dimanche 19 mai 2024 : Le Saint Esprit âme de l Église et sanctificateur des âmes : sermon du dimanche de la Pentecôte
– Dimanche 30 juin 2024 : Morts au péché et vivants pour Dieu

Fabien Laurent

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