Ceux qui ne sont pas nés de la dernière pluie savent que, dans les années 60, la France s’est passionnée pour l’affrontement de deux champions cyclistes : Anquetil et Poulidor. Le second a gardé pour la postérité ce rang vis-à-vis du premier, et donc la réputation d’éternel perdant. Réputation excessive car il a tout de même un joli palmarès de victoires, mais réputation bâtie pour l’essentiel sur l’épreuve la plus prestigieuse de la discipline : le Tour de France. Favori, ou toujours parmi les favoris, et souvent près de la victoire, après de beaux exploits il fut toujours finalement battu.
Naïvetés, malchances ou défaillances au mauvais moment, les raisons de ces échecs furent diverses mais ne l’empêchèrent pas d’être le plus populaire des deux. Anquetil était au contraire un fin tacticien qui savait employer les moyens nécessaires à la victoire, pas nécessairement incontestables, souvent calculés au plus juste, et préférant parfois l’efficacité au panache. Quand il se retira, la malédiction se poursuivit tout de même pour son rival, face à d’autres adversaires, sans démentir la popularité de « Poupou ». Les français aimaient, disait-on, le héros malheureux.
Jacques Anquetil est décédé à 53 ans. Raymond Poulidor, lui, âgé de 79 ans, a toujours bon pied, bon oeil. Sa longévité semble prouver que ses moyens ne devaient rien au dopage dont Anquetil, sa carrière finie, a avoué avoir usé. Vainqueur mais mort, vaincu mais toujours là, qui a gagné ?
L’Association Sportive Montferrandaise section Rugby, devenue, de plus et depuis peu, Clermont-Auvergne, (ASMCA) mais toujours ASM pour ceux qui l’aiment, partage avec Raymond Poulidor le Massif Central, et l’image de longévité robuste et laborieuse qu’il porte, mais aussi une série de désillusions au moment suprême : dix finales de championnat de France perdues, et récemment trois de suite quand, souvent, la victoire lui semblait promise.
Quand, en 2010, les auvergnats s’emparèrent enfin du bouclier de Brennus, on a cru la malédiction vaincue, mais, depuis, aucune finale française et un mauvais sort qui s’est transféré sur une coupe d’Europe qu’ils semblaient devoir gagner en hiver et perdaient au printemps.
Dans une finale entre deux clubs français, aidés, certes, d’une considérable légion étrangère, son adversaire, le Rugby Club Toulonnais (RCT) d’aujourd’hui, après une éclipse de quelques années, ressemble à Jacques Anquetil dans sa capacité de se donner, sans états d’âme, les moyens d’une réussite rapide. Face à eux, la défaite, il y a deux ans, fut cruelle pour les Clermontois.
On promet qu’ils ont changé … de braquet ! notamment dans la mentalité nécessaire pour espérer emporter la victoire finale, mais ce ne serait pas la première fois qu’on l’entend dire. Les gaulois, coeur de notre peuple, l’espèrent, rassemblés place de Jaude derrière Vercingétorix …
Il y a du moins une différence notable entre Poulidor et les « jaunards » : le premier n’a jamais porté le maillot jaune, quand les seconds, conformément à leur surnom, le portent depuis toujours.
Samedi, revêtus du maillot blanc, il ne faudrait pas que les arvernes pensent trop à leur cousin Poulidor, malgré tous ses mérites.
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