Jean Jour (1937-2016), journaliste liégeois, fut l’auteur d’une cinquantaine de livres, dont plusieurs biographies.
Son livre Robert Denoël, un destin est la seule biographie de l’éditeur belge de Louis-Ferdinand Céline auquel son nom demeure associé. Pourtant, comme le rappelle Marc Laudelout, directeur du Bulletin célinien, dans la préface de ce livre, Robert Denoël (1902-1945) édita bien d’autres ouvrages qui connurent leur heure de gloire, comme L’Hôtel du Nord d’Eugène Dabit, Héliogabale d’Artaud, Tropismes de Nathalie Sarraute, Les Beaux Quartiers d’Aragon, Les Décombres de Lucien Rebatet ou Notre-Dame des Fleurs de Jean Genet, pour ne citer que ceux-là.
Sur base d’une importante documentation rassemblée durant des années par un libraire liégeois passionné, Jean Jour nous fait découvrir l’homme Denoël, personnage balzacien, passionné de Lettres, pour qui l’argent, les femmes, les honneurs et la traîtrise construisirent une dramaturgie vécue qui s’est terminée dans le sang, par son assassinat, le 2 décembre 1945, probablement par des « résistants » en mal de punir les « collabos ».
L’ouvrage nous permet également de découvrir les relations tumultueuses entre le médecin Louis-Ferdinand Destouches, dit Céline, et son éditeur. Le docteur Destouches n’a encore que trente-huit ans lorsqu’il expédie son manuscrit du Voyage au bout de la nuit. C’est le début d’un étrange rapport entre ces deux hommes. D’une part, un auteur vedette, guère accommodant, et très exigeant financièrement. D’autre part, un éditeur maintes fois plongé dans une situation financière délicate. On suit les ennuis de l’éditeur, avant-guerre, pour avoir publié les pamphlets de Céline alors que le décret Marchandeau défendant les minorités raciales proscrit de parler des Juifs en termes péjoratifs. Vient la guerre, suivie des ventes exceptionnelles (10.000 exemplaires de L’Ecole des cadavres réimprimé en 1942 et… plus de 100.000 exemplaires des Décombres de Lucien Rebatet !). Mais la joie n’a qu’un temps. Et vient le temps de l’épuration, avec tous les règlements de compte qu’elle rend possible. Pour l’éditeur Denoël, « Belge parisianisé », la mort est au rendez-vous…
Robert Denoël, un destin, Jean Jour, préface de Marc Laudelout, éditions Dualpha, 238 pages, 27 euros
A commander en ligne sur le site de l’éditeur
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