L’indépendance de la justice face au pouvoir, la probité des politiques abonnés à la bien-pensance, ces belles déclarations d’intention des éclairés de l’establishment démocratique viennent de se fracasser sur les propos de l’ex-procureur du parquet national financier (PNF), Eliane Houlette.
Auditionnée le 10 juin à l’Assemblée nationale par la commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance judiciaire, madame Houlette s’est montrée très disserte sur le sujet. Évoquant François Fillon, poursuivi puis jugé en mars pour les emplois fictifs supposés de son épouse, le magistrat a dénoncé les « pressions » qu’elle aurait subies de la part du parquet général, notamment en termes de demandes de remontées d’informations, et ce à un rythme soutenu. Devant les parlementaires, l’ancien procureur a notamment évoqué « des demandes de transmission rapide » sur les actes d’enquête ou les auditions, des requêtes « d’un degré de précision ahurissante ». « J’étais sans cesse sollicitée », raconte Eliane Houlette aux députés de la commission d’enquête, « par des demandes de synthèse de procès-verbaux d’auditions, des résultats de perquisition, des demandes d’information et de rapport en tout genre ».
« La conception française de l’indépendance judiciaire est une conception politique », explique-t-elle devant les députés puisque le pouvoir exécutif tient dans sa main « les carrières » des procureurs. Eliane Houlette dénonce le « poids de l’exécutif » sur le corps des magistrats…
« L’indépendance s’exerce dans la dépendance, c’est une réalité objective, le parquet est sous le contrôle du pouvoir exécutif. »
Le magazine Marianne rapporte également que « l’ancienne chef du Parquet National Financier affirme ainsi aux députés s’être rendue à une « convocation » du parquet général accompagnée de deux magistrats de son équipe, à l’occasion de laquelle elle a refusé de transformer son enquête préliminaire visant François Fillon en information judiciaire. Elle s’y est finalement résolue quelques jours plus tard, mais uniquement « pour une question juridique », explique-t-elle aux députés. Cet épisode est connu : en pleine affaire Fillon, un changement législatif transformant les règles de prescriptions a obligé le PNF à saisir des juges d’instruction, faute de quoi une partie des faits auraient été prescrits. Sans ce hasard de calendrier, Eliane Houlette aurait maintenu l’affaire Fillon en enquête préliminaire, et le candidat de la droite n’aurait jamais été mis en examen pendant la campagne présidentielle… »
Face à toutes ces révélations, les avocats de Fillon dénoncent aujourd’hui une « volonté politique » de nuire au candidat de la droite pendant la campagne présidentielle.
Directement mise en cause, le procureur général de Paris, Catherine Champrenault, a réfuté toute « pression de quelque nature que ce soit ». Elle « déplore que ce qui relève du fonctionnement interne et habituel du ministère public puisse être présenté comme des pressions de quelque nature que ce soit sur la conduite judiciaire du dossier », affirme un communiqué du parquet général de Paris.
Dans un courrier au ministre de la Justice, Eliane Houlette assure par ailleurs avoir été victime ensuite d’un règlement de compte judiciaire.
L’affaire est d’autant plus d’actualité que le tribunal correctionnel de Paris doit rendre son jugement d’ici quelques jours, le 29 juin, dans le procès Fillon. Or les déclarations de Eliane Houlette portent un magistral coup à l’indépendance de la justice vis-à-vis du pouvoir politique, à l’époque François Hollande régnant : le pouvoir de gauche est gravement mis en cause ! Trois ans après les faits, les électeurs de droite qui étaient prêts à voter Fillon continuent de penser que la mise en examen puis le renvoi devant le tribunal de l’ex-Premier ministre ont été une manipulation pour piper l’élection présidentielle de 2017.
Francesca de Villasmundo
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