Une indiscrétion, démentie par la salle de presse du Saint-Siège, évoque une éventuelle réforme des règles du Conclave, -l’Assemblée des cardinaux réunis pour élire un nouveau pape-, dans le sens d’une « inclusivité » totalement révolutionnaire.
Une réforme du Conclave, l’organe qui élit le pontife romain, serait pilotée par le cardinal Gianfranco Ghirlanda, SJ, selon des sources vaticanes
Selon ce qu’a appris l’experte américaine du Vatican Diane Montagna et publié dans un article de The Remnant du 4 novembre dernier, François étudierait un renversement de la constitution apostolique Universi Dominici Gregis promulguée en 1996 par Jean-Paul II. Cette réforme serait pilotée, toujours selon The Remnant, par le cardinal Gianfranco Ghirlanda, SJ. « Cardinal récemment nommé, Ghirlanda est l’avocat canoniste de référence du pape François, ayant été fortement impliqué dans la réforme de la Curie romaine de François en 2022, Praedicate evangelium, qui a fait des vagues en permettant aux laïcs d’occuper des postes de direction au sein de la Curie » rappelle le site américain LifeSiteNews.
Le projet de révision prévoirait l’exclusion des cardinaux de plus de quatre-vingts ans – déjà dépourvus du ius eligendi par décision de Paul VI – également des Congrégations générales préparant le Conclave. Mais des changements seraient également à l’étude en ce qui concerne l’élection du Pontife Romain : Montagna écrit, rapportant des sources vaticanes, que « l’idée serait que les cardinaux électeurs, dont la majorité seraient choisis par le Pape François, constitueraient 75% des votants », tandis que les 25% restants seraient composés de laïcs hommes et femmes, de religieux et religieuses, nommés par le Pape François avant que le Siège Apostolique ne devienne vacant ». Ce changement révolutionnaire consisterait à ne plus faire du Collège des cardinaux le seul électeur du nouveau pape.
Le point révolutionnaire du projet de réforme : 25% des électeurs au Conclave seraient composés de laïcs hommes et femmes, et de religieux et religieuses
The Pillar, un autre organe d’information catholique américain, a également trouvé des informations en soutien à l’hypothèse d’une réforme du Conclave, mais s’est limité à rendre compte du changement dans les Congrégations générales qui pourrait prendre un format similaire à celui vu lors du dernier Synode sur la synodalité, avec les cardinaux divisés en groupes de travail et placés autour d’une table. François a souvent parlé de sa succession, laissant échapper – quoiqu’ironiquement – que le prochain pape prendra le nom de Jean XXIV.
Dès le 5 novembre, la salle de presse du Vatican démentait ses « rumeurs » lancées par The Remnant. Le cardinal Ghirlanda faisait de même en relâchant une déclaration exclusive à LifeSiteNews le dimanche soir, dans laquelle il « a rejeté comme étant ‘’absolument fausses‘’ les informations selon lesquelles il serait en train de projeter de réformer la manière d’élire un nouveau pape ».
La salle de presse du Vatican a démenti ses rumeurs… sans convaincre les médias catholiques conservateurs
Des démentis qui n’ont pas convaincu une frange des médias catholiques conservateurs. En Italie, l’indiscrétion a été relancée par le blog Messainlatino.it, globalement très informé de ce qui se passe outre-Tibre :
« Nos sources ne sont pas d’accord avec Ghirlanda, qui devrait être plus prudent dans les déclarations hâtives pour éviter le risque de se tromper au cas où quelqu’un aurait une copie des documents à l’étude… »
Et Marco Tosatti a également reçu la confirmation d’un de ses contacts ‘hauts placés’ :
« La nouvelle d’une initiative de Jorge Mario Bergoglio dans ce sens est vraie. Même si maintenant, la fuite d’informations a probablement rendu le cheminement futur plus difficile ».
Toujours en Italie, La Nouva Bussola Quotidianna écrit dans son édition d’aujourd’hui que les signaux allant dans le sens d’une réforme sont « plus éloquents que les dénégations ». Et rappelle que « dans le livre-interview El pastor : Desafíos, razones y reflexiones de Francisco sobre su pontificado, sorti en mars de cette année et publié en traduction italienne le 24 octobre, sous le titre Tu n’es pas seul. Défis, réponses, espoirs, le Pape avait déjà parlé de modifier l’élection de son successeur : ‘’En fait, je pourrais émettre un décret qui modifie les conditions d’entrée au conclave et permet à un évêque qui n’est pas cardinal d’y participer. D’un point de vue dogmatique, il n’y aurait aucun problème.‘’ Le pape y a donc déjà réfléchi, se limitant à l’admission d’évêques non cardinaux. Mais, selon la source de Diane Montagna, ce serait Ghirlanda lui-même qui aurait insisté pour étendre davantage le droit de vote aux non-évêques également. »
Les signaux venant du Vatican allant dans le sens d’une réforme sont plus éloquents que les dénégations
LNBQ fait remarquer que l’expression bergoglienne « Je pourrais » élimine d’office toute opposition et témoigne, analyse le quotidien italien, d’une « conception absolutiste du pouvoir papal » d’où « découle la deuxième caractéristique qui rend crédible l’actualité tant discutée : François ne prend les décisions importantes qu’avec ses loyalistes, dûment sélectionnés ».
« Troisième et dernier ‘’test de crédibilité‘’ développé par LNBQ : François a déjà montré qu’il n’avait pas trop de scrupules à renverser la situation. Sa récente décision soudaine de faire voter des non-évêques lors d’un synode des évêques en est la preuve. Une décision une fois le concours lancé, qui a modifié ce qu’il avait lui-même établi dans la Constitution apostolique Episcopalis Communio (2018). Tout cela en exigeant que soit affirmée la logique selon laquelle une telle assemblée d’évêques et de non-évêques doit continuer à s’appeler le Synode des évêques. Nous sommes parfaitement en adéquation avec ce « je peux » ci-dessus. Confirmations de sources anonymes, trois indices crédibles, aucune preuve. Nous verrons. »
Nous verrons mais déjà certains, comme en témoigne l’article de LifeSiteNews cité plus haut, préparent leurs arguments contre cette réforme et tout particulièrement contre l’ouverture du conclave aux laïcs, aux religieux, eux religieuses donc aux femmes.
Ainsi, LSN indique que « le canon 349 de l’actuel Code de droit canonique de 1983 stipule que seuls les cardinaux élisent un nouveau pape. Le canon dit : ‘’Les cardinaux de la Sainte Église romaine constituent un collège spécial qui pourvoit à l’élection du Pontife romain selon les normes du droit spécial.‘’ […] Dans son introduction à Universi Dominici Gregis, le pape Jean-Paul II note que ‘’c’est en effet un principe indiscutable que le Pontife romain a le droit de définir et d’adapter aux changements des temps la manière de désigner la personne appelée à assumer la succession pétrinienne dans le Siège romain.‘’ Mais il ajoute que l’organisme qui élit le Pape est le collège des cardinaux : ‘’… basé sur une pratique millénaire sanctionnée par des normes canoniques spécifiques et confirmée par une disposition explicite de l’actuel Code de Droit Canonique (Canon 349), cet organe est composé du Collège des Cardinaux de la Sainte Église Romaine… Confirmant donc la norme de l’actuel Code de Droit Canonique (cf. Canon 349), qui reflète la pratique millénaire de l’Église, j’affirme une fois de plus que le Collège des électeurs du Souverain Pontife est composé uniquement des Cardinaux de la Sainte Église Romaine.‘’ ».
Pour acter cette potentielle réforme, il faudrait réviser le nouveau code de Droit canonique, une révision étonnement déjà demandée par l’actuel Synode sur la synodalité
Le canoniste Gerald Murray, interrogé par LSN, commente que « si les réformes annoncées pour les électeurs laïcs étaient demandées, la version actuelle du droit canonique ne suffirait pas. ‘’Si les laïcs et les religieux consacrés étaient admis au Collège des Cardinaux, il faudrait alors réécrire le Livre II, Chapitre III du Code de Droit Canonique pour préciser les différentes dispositions canoniques qui, par nature, ne peuvent s’appliquer qu’aux cardinaux qui sont dans les Ordres sacrés, et de déterminer quelles autres dispositions s’appliquent à la fois aux cardinaux ordonnés et aux cardinaux non-ordonnés religieux laïcs hommes et femmes, et religieux consacrés‘’ ».
Une révision du nouveau code de Droit canonique qui ne devrait pas particulièrement effrayer la Rome bergoglienne, déjà portée à cultiver l’inclusivité contemporaine :
« le rapport de synthèse du Synode sur la synodalité d’octobre 2023, rappelle LSN, a déjà appelé à une modification du droit canonique. […] le document exprime un appel ‘’urgent‘’ à la modification du droit canonique afin de permettre davantage de rôles de gouvernance féminins. ‘’Le Saint-Père a considérablement augmenté le nombre de femmes occupant des postes de responsabilité au sein de la Curie romaine. La même chose devrait se produire à d’autres niveaux de la vie de l’Église. Le droit canonique devrait être adapté en conséquence‘’, lit-on dans le texte, dans un passage passé 319-327. »
Alors, quoi de neuf dans l’Eglise conciliaire ? Rien de plus que la continuation de la révolution débutée au moment du Concile Vatican II qui, aujourd’hui, en Notre Temps post-moderne, s’écrit en arc-en-ciel.
Francesca de Villasmundo
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