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Réflexions sur la déclaration J’accuse de Mgr Vigano à la suite de son « excommunication »

Mgr VIganò
Mgr VIganò

Dans le cadre de notre rubrique sur « l’affaire Viganò », nous publions aujourd’hui cet article de réflexions paru sur le blog d’Aldo Maria Valli, Duc in Altum. Intitulé Vous avez des doutes sur la navigation de Viganò ? voici traduits en français Quelques avis du bateau Duc in altum (en s’inspirant d’un article de Roberto de Mattei).

Un article du journaliste et vaticaniste Aldo Maria Valli sur la « navigation » de Mgr Viganò

Le journaliste et vaticaniste Aldo Maria Valli a récemment publié, sur son blog Duc in Altum, un article de réflexions sur la « navigation » de Mgr Viganò, en partant d’un article du professeur Roberto de Mattei, connu pour être un défenseur conservateur de la Tradition. Monsieur Valli rappelle quelques faits concernant le parcours de Mgr Vigano et corrige certains présupposés concernant la position actuelle de l’archevêque italien. A lire pour comprendre la « navigation » de l’ancien Nonce Apostolique.

« Je lis toujours avec intérêt les contributions du professeur Roberto de Mattei, encore plus lorsqu’elles concernent des sujets qui me passionnent, comme dans le cas des derniers développements de l’affaire qui met au centre Mgr Viganò, convoqué par le Dicastère pour la Doctrine de la Foi pour répondre à l’accusation de crime de schisme. Je fais référence en particulier à son discours Les derniers développements de l’affaire Viganò : que penser, publié dans Corrispondenza romana.

« Comme on le sait, après avoir reçu une invitation générique par courrier électronique, Monseigneur a fait savoir publiquement qu’il n’avait pas la moindre intention de participer à la procédure judiciaire à son encontre. Après quoi l’archevêque a également écrit un fort J’accuse dans lequel, infirmant l’accusation portée contre lui, il écrit entre autres : « Devant mes Confrères dans l’Épiscopat et devant tout le corps ecclésial, j’accuse Jorge Mario Bergoglio d’hérésie et de schisme, et en tant qu’hérétique et schismatique, je demande qu’il soit jugé et destitué du Trône qu’il occupe indignement depuis plus de onze ans. Cela ne contredit en rien l’adage Prima Sedes a nemine judicatur, car il est évident qu’un hérétique, parce qu’il est incapable d’assumer la Papauté, n’est pas au-dessus des Prélats qui le jugent. »

La position claire de Mgr Viganò

« La position de Mgr Viganò, comme le souligne de Mattei lui-même, ne pourrait pas être plus claire à ce stade. Il ne reconnaît pas l’autorité du tribunal qui prétend le juger, ni du préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi, ni de Bergoglio.

« Et ici de Mattei place sa première réflexion : « Il y a ceux qui soulignent qu’aux mesures sévères annoncées contre Mgr Viganò ne correspond pas la même sévérité envers les propagateurs d’hérésies bien connus, comme certains évêques allemands. Mais les évêques allemands, appliquant la stratégie du modernisme selon laquelle il faut lutter contre Rome tout en restant dans les murs de Rome, se gardent bien de nier publiquement l’autorité du pape. Ils méritent sans doute d’être condamnés, mais comment pourrait-on s’attendre à leur condamnation, si Rome s’abstenait de condamner ceux qui rejettent son autorité, non pas en fait, mais en principe ? »

« Concernant la « stratégie moderniste », le constat est juste. Le plus célèbre moderniste italien, Don Ernesto Buonaiuti, a déclaré : « Jusqu’à aujourd’hui, nous avons voulu réformer Rome sans Rome, ou peut-être contre Rome. Nous devons réformer Rome avec Rome ; que la réforme passe entre les mains de ceux qui doivent être réformés. »

« Il n’en demeure pas moins que, de la part du pape actuel, les critiques à l’égard des évêques allemands impliqués dans la « voie synodale » ont été soit inexistantes, soit très modérées. Par conséquent, constater la disparité de traitement (petites tapes sur la joue aux évêques allemands, canon pointé sur Viganò) revient seulement à souligner un fait qui en dit long sur l’orientation substantielle du pontificat actuel.

« Deuxième observation de de Mattei : « Il y a aussi ceux qui comparent l’histoire de Mgr Viganò et celle de l’archevêque français Mgr Marcel Lefebvre. La différence entre les deux cas est cependant évidente. Monseigneur Lefebvre n’a jamais nié l’autorité de Rome. »

Les analogies entre Mgr Viganò et Mgr Lefebvre

« Vrai. Mais comparer l’histoire de Viganò à celle de Lefebvre ne signifie pas mettre les deux personnages et les deux histoires sur le même plan. Il y a des différences entre les deux histoires, et personne ne le nie ; mais comment ne pas voir les analogies ?

« De Mattei écrit encore : « Beaucoup d’admirateurs de Mgr Viganò ne comprennent donc pas l’essentiel. Ils ont réagi à la nouvelle du procès, en donnant raison à l’archevêque, car « il parle aussi clairement que Mgr. Lefebvre », contrairement à d’autres pasteurs qui se taisent aujourd’hui face à la crise profonde de l’Église. »

« Mais pourquoi, nous qui sommes d’accord avec Viganò (et je me range aussi dans ce camp avec la petite barque de Duc in altum), ne pourrions-nous pas dire que Viganò parle aussi clairement que Lefebvre ? Dans les faits, c’est exactement ainsi. Parmi les points communs, Viganò et Lefebvre ont un langage limpide dans les deux cas et étranger à toute dissimulation et hypocrisie cléricale. Et Lefebvre lui-même, à ses clercs, a exprimé à plusieurs reprises de sérieux doutes sur la légitimité d’un pape qui s’apprêtait à convoquer une rencontre interreligieuse à Assise.

« Nous arrivons peut-être au point le plus substantiel de la réflexion du professeur de Mattei, qui écrit : « En outre, on ne peut pas se limiter à commettre un acte aussi grave et radical en l’annonçant simplement dans une déclaration, sans lui donner un fondement doctrinal valable. »

Le chemin parcouru par Mgr Viganò, avec un approfondissement progressif de ses thèses

« Or, le professeur de Mattei, en tant que spécialiste attentif de l’Église, sait certainement que ces dernières années, Mgr Viganò, à travers de multiples interventions, a produit un ensemble de considérations qui, du point de vue théologique et doctrinal, forment certainement un tout organique. Dans le cas de la déclaration en réponse à la convocation du Vatican, il s’est limitait évidemment à quelques observations, comme cela convient dans le style et la nature d’une déclaration à publier immédiatement, mais il suffit d’effectuer une recherche sur le web pour trouver tout ce que Viganò a produit depuis 2018 (l’année de son rapport sur l’affaire McCarrick) jusqu’à aujourd’hui. J’ajouterai que de telles recherches nous permettent également de vérifier le chemin parcouru par Mgr Viganò, avec un approfondissement progressif de ses thèses. Ce qui doit être reconnu comme un exemple de transparence et d’honnêteté intellectuelle. Par ailleurs, il est surprenant que le Professeur ne prenne pas en considération les multiples dénonciations et « corrections filiales » parmi lesquelles l’hétérodoxie d’Amoris lætitia, la condamnation de la peine capitale (qui selon la morale catholique est licite dans certains cas) ou la bénédiction des couples homosexuels, qui étaient accompagnées de sources faisant autorité (comme le Professeur le sait bien, ayant été lui-même un promoteur !) mais qui n’ont pas non plus obtenu de résultats. D’ailleurs, quelqu’un pourrait observer que si les plaintes formelles des cardinaux et des évêques n’ont même pas mérité une réponse de la part de Bergoglio, les raisons avancées par Viganò pour franchir une étape supplémentaire semblent encore plus justifiées.

« Concernant la position adoptée par Mgr Viganò, le professeur de Mattei observe : « Le « défaut de consentement » évoqué par Mgr. Viganò correspond-il à la « Thèse de Cassiciacum » de Mgr Guérard de Lauriers, à qui se réfère aujourd’hui l’Institut Mater Boni Consilii ? Que celle-ci ou une autre soit la position de Mgr Viganò, elle devrait être soutenue par des études approfondies de théologie, de droit canonique, d’histoire de l’Église, qui n’ont pas été réalisées jusqu’à présent. »

« Maintenant, je voudrais inviter le professeur de Mattei à lire ou à relire ce que Mgr Viganò a produit concernant le défaut de consentement. Nous ne sommes peut-être pas en présence d’une étude au sens classique du terme, mais l’archevêque a certainement argumenté de manière assez organique. À cet égard, il suffirait de consulter le texte produit par Viganò en octobre dernier à l’occasion de la Conférence sur l’identité catholique [et ici]

L’argumentation organique de Mgr Viganò

« Dans le texte en question, Mgr Viganò, comme à son habitude, parle très clairement. Pas seulement. Il considère également les objections possibles à son raisonnement, et en vient finalement à dire : « Je crois que l’acceptation de la papauté est erronée parce qu’il [Bergoglio] considère la papauté comme autre chose que ce qu’elle est, comme l’époux qui se marie à l’église en excluant les buts spécifiques du mariage et en rendant ainsi le mariage nul et non avenu en raison du vice de consentement, en fait. »

« Et encore : « Je voudrais que nous prenions en considération sérieusement, très sérieusement, la possibilité que Bergoglio ait voulu obtenir l’élection par fraude et qu’il ait eu l’intention d’abuser de l’autorité du Pontife Romain pour faire exactement le contraire de ce que Jésus-Christ a ordonné à saint Pierre et à ses Successeurs de faire : confirmer les fidèles dans la foi catholique, nourrir et gouverner le troupeau du Seigneur, prêcher l’Évangile à tous les peuples. »

« Mais qui, dans le monde catholique, a réellement pris la peine d’accepter jusqu’à présent l’invitation de Viganò ? Malheureusement, il me semble qu’aucun érudit n’a pris cette question au sérieux. Certains journalistes l’ont fait, mais nous, les journalistes, ne sommes pas des universitaires. Alors, au lieu de blâmer Viganò, je pense que nous devrions inviter les chercheurs à sortir de leur torpeur. Ou de leur peur. À condition que cette torpeur silencieuse ne soit pas motivée par le désir de plaire aux puissants et de paraître modéré, pointant vers un rigorisme excessif chez Viganò.

« Et nous voici à l’avant-dernière observation de de Mattei : « Mais il y a un autre aspect encore plus décisif. Dans la confusion actuelle de la crise religieuse, il n’est pas possible de survivre spirituellement sans l’aide particulière de la grâce, qui vient à travers les sacrements, en particulier les plus fréquents dans la vie quotidienne, comme la communion et la confession. Quels sont les prêtres auxquels, selon Mgr Viganò, devons-nous nous tourner pour obtenir la nourriture spirituelle nécessaire ? Il semble que non seulement les instituts qui se réfèrent à l’ex-Ecclesia Dei soient exclus de son horizon, mais aussi la Fraternité Saint Pie X qui prie habituellement Pro Pontifice nostro Francisco. »

Mgr Vigano n’a jamais déconseillé la fréquentation des prêtres des instituts ex-Ecclesia Dei ou de la Fraternité Saint Pie X

« Cette question offre l’occasion d’inviter Mgr Viganò à intervenir explicitement sur le sujet, en intégrant peut-être une contribution qu’il a déjà produite en 2021, lorsque, en réponse à un prêtre qui lui écrivait, il raisonnait sur la question de l’autorité dans l’Église, un texte qui, à lui seul, offre de nombreuses pistes de réflexion. En tout cas, les observations de Mgr Viganò sur les points critiques, pour ainsi dire, des ex-instituts Ecclesia Dei et de la Fraternité Saint Pie X ne l’ont jamais conduit à déconseiller la fréquentation des prêtres de ces instituts. Au contraire, il a lui-même promu une pastorale véritablement traditionnelle – et en ce sens positivement innovante – destinée aux prêtres et aux laïcs qui ne sont ni traditionalistes ni conservateurs, mais qui comprennent l’anomalie du post-concile et doivent donc être accompagnés pour embrasser la Tradition. C’est pour cette raison que Monseigneur a créé la Fondation Exsurge Domine qui entend offrir un débouché aux séminaristes souhaitant poursuivre une saine formation traditionnelle au sacerdoce.

« Et nous voici arrivé au dernier point abordé par le professeur de Mattei : « Et nous arrivons ici à la dernière question : où est, pour Mgr Viganò, l’Église catholique ? Non pas l’Église virtuelle à laquelle adhèrent de nombreux habitués des blogs traditionalistes, mais l’Église réelle, visible dans sa doctrine immuable, dans sa succession apostolique ininterrompue et dans la vie insufflée par ses sacrements. Sans cette Église visible, qui est le Corps mystique du Christ, l’âme meurt asphyxiée. Shakespeare disait que « le monde entier est une scène, et tous les hommes et toutes les femmes ne sont que des acteurs » (Comme il vous plaira , Acte II, 7). Il y a une profonde vérité dans ces paroles, mais la scène mondiale n’est pas un blog, car le sort des hommes qui y jouent est une réalité dramatique. Ce qui est en jeu, c’est leur vie éternelle. »

« Je ne comprends pas très bien pourquoi de Mattei utilise un ton subtilement dénigrant envers les blogs traditionalistes, puisque ce sont précisément ces blogs (avec une grande dépense d’énergie) qui mènent une bataille qui devrait incomber aux bergers. Mais à part cela, il me semble que Viganò a déjà répondu à la question de savoir où se trouve l’Église catholique. Il l’a fait ici en citant la parabole du banquet des noces (Mt 22, 1-14), qui « ne laisse aucun doute sur la nécessité de porter la robe de la Grâce pour être admis ».

Où est l’Église catholique ?

« Je voudrais demander à de Mattei : où était l’Église pendant l’hérésie arienne, ou dans l’Allemagne protestante, dans l’Angleterre anglicane, où les évêques et les prêtres embrassaient en grand nombre l’hérésie et le schisme, gardant les églises et les couvents, les pupitres et les chaires ? Et, à l’époque, il n’y avait même pas Internet avec ses blogs traditionalistes. Où était la véritable Église, lorsque saint Athanase fut envoyé en exil parce qu’il était l’un des rares à rester fidèle à l’orthodoxie catholique dans une Église tombée dans l’hérésie ? Où était la véritable Église, lorsque les papes gardaient le silence face aux erreurs pour ne pas contrarier l’empereur de Byzance ou les puissants prélats ariens ? Le sentiment est que, comme cela arrive parfois à ceux qui sont plongés dans leurs études, la réalité finit par céder la place à sa représentation abstraite, et qu’elle doit toujours être lue à la lumière d’un schéma théorique bien précis qui, comme l’histoire nous l’enseigne, ne résout pas toujours des problèmes concrets. Le passé nous montre que dans certains cas, la Providence a permis que des situations canoniquement complexes soient résolues par des coups de mains pas tout à fait licites, par exemple de la part de souverains. Et cela nous amène à comprendre la raison de l’aversion que le Seigneur avait envers les pharisiens, qui utilisaient la loi contre l’esprit de la loi : rester obsédés par les manuels et les codes sans lever les yeux peut nous faire perdre de vue que le but de la loi canonique est ordonné – et subordonné – au Bien, et ne peut et ne doit pas être emprisonné.

« « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande » (Jn 15, 14). Il n’y a rien de compliqué ou d’obscur. Il s’agit de construire la maison sur le roc et non sur le sable. « Ce n’est pas tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur qui entreront dans le royaume des cieux, mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux » (Mt 7, 21).

Le professeur de Mattei ressent-il également la nécessité de réaliser une étude doctrinale et théologique sur ce point ? »

Francesca de Villasmundo

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– 24 juin 2024 : Mgr Viganò : “non, je ne me suis pas rendu au Vatican et je n’ai pas l’intention d’aller au Saint-Office le 28 juin”
– 28 juin 2024 : “J’accuse” : déclaration de Mgr Carlo Maria Viganò, Archevêque Titulaire d’Ulpiana, Nonce Apostolique, sur l’accusation de schisme
– 28 juin 2024 : Solidarité pour Mgr Viganò, le pasteur qui donne la parole aux véritables marginalisés
– 29 juin 2024 : Sur « l’affaire Viganò » : un regard d’ensemble
– 01 juillet 2024 : Wikileaks 2017 et “affaire Viganò” : le coup d’État de Clinton, Obama, Soros contre Benoît XVI
– 03 juillet : Procès contre Mgr Viganò : le soutien de Iustitia in Veritate
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