En 1985 le laboratoire Servier avait commercialisé sous le nom d’Isoméride un médicament « coupe-faim » censé faire maigrir. Il sera retiré du marché en 1997 car considéré comme dangereux à la suite d’un décès suivi d’une plainte en justice ; celle-ci avait abouti à une condamnation du laboratoire. Or Servier avait déjà commercialisé une molécule similaire en 1976 sous le nom de Médiator qui bien sûr avait les mêmes complications ; l’indication thérapeutique était celle de traitement d’appoint du diabète. Apparemment l’Agence du Médicament ne fait pas le rapprochement entre les molécules. Beaucoup de personnes demandèrent alors à leur médecin traitant de prescrire du Médiator à la place de l’Isoméride comme « coupe-faim ». Il fut ainsi prescrit largement en dehors de son indication à 5 millions de personnes « hors indication thérapeutique ». 500 personnes mourront de maladies cardiaques ; d’autres estimations évoquent entre 1.000 à 2000 morts.
Le 31 juillet 2015 la Cour administrative d’Appel de Paris estime que la responsabilité de l’État est engagée, car dès 1999 les fonctionnaires de l’agence du médicament devaient être au courant du danger représenté par le Médiator qui était le même que celui de l’Isoméride retiré du marché deux ans plus tôt. L’État se devait donc d’indemniser les victimes ; à charge pour lui de se retourner au pénal contre Servier.
Or le Conseil d’État vient d’infirmer l’arrêté de la Cour d’Appel. Il considère que les «agissements fautifs de Servier sont de nature à exonérer l’État». Il prétend qu’avant 1999, les autorités sanitaires «ne disposaient pas d’informations sur l’existence d’effets indésirables en lien avec le Médiator». Il affirme avec raison qu’après cette date, il aurait fallu suspendre la commercialisation compte tenu des effets secondaires dénoncés de part et d’autre notamment par les médecins. Belle astuce pour dédouaner la responsabilité de l’État dans le temps.
Bravo pour les fonctionnaires qui ont laissé à la vente un produit qui manifestement entraînait des complications cardiaques connues par analogie à un produit retiré de la vente. L’affaire semble tellement énorme qu’il y a tout lieu de penser qu’un petit arrosage est intervenu à différents niveaux. Il n’y a pas d’autre explication sinon une très grande incompétence. Le directeur de l’Agence du médicament et celui de l’AMM (autorisation de mise sur le marché) ont été obligés de démissionner. Ces postes sont actuellement vides. De plus le Dr J. Servier fondateur du laboratoire est mort en 2014. Qui donc est le responsable ? Il est évident que les représentants médicaux n’auraient jamais du laissé entendre aux médecins traitants que l’Isoméride pouvait être remplacé par du Médiator. En conclusion, il est probable que le labo sera obligé de payer des dédommagements astronomiques qui mettront à terre un des derniers grands laboratoires pharmaceutiques de France.
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