Au lendemain du Brexit, les européistes comme les eurosceptiques se questionnent sur l’avenir de l’Union européenne et du Continent. La sortie de la Grande-Bretagne de l’Union va-t-elle entraîner un effet domino ? Si tel est le cas, l’Euro, en tant que monnaie dite unique (elle est en réalité une monnaie commune convertie dans les anciennes monnaies nationales), disparaîtra mécaniquement.

L’oligarchie financière qui à l’air de paniquer – George Soros avait déclaré (pour ne pas dire menacé) que les Britanniques seraient appauvris en cas de Brexit[i] (il faut rappeler que ce financier judéo-américain s’était considérablement enrichi en spéculant contre la monnaie britannique en 1992) ; d’ailleurs dès l’annonce du résultat du vote la bourse de Londres à chuté –, a-t-elle prévu un plan B en cas de décomposition de l’Union européenne ?

L’ouverture qui se profile permettra-t-elle aux peuples d’Europe de se libérer de cette dictature oligarchique qui pilote le Continent via le Politburo de Bruxelles ?

Les origines et les finalités de la construction européenne

Le 19 septembre 2000, le grand reporter du journal britannique Daily Telegraph, Ambrose Evans-Pritchard, rapportait dans un article[ii] des éléments tirés d’un document déclassifié du gouvernement américain révélant que c’est la CIA qui a, dans les années cinquante et soixante, fondé et dirigé le mouvement fédéraliste européen. Il expliquait que

« l’Amérique travaille avec acharnement à pousser la Grande-Bretagne à s’intégrer à un Etat européen. Un mémorandum daté du 26 juillet 1950, donne des instructions pour une campagne visant à promouvoir un véritable parlement européen. Il est signé du Général William J. Donovan, chef du bureau américain des services stratégiques en temps de guerre (OSS), l’ancêtre de la CIA. Le principal levier de Washington sur l’ordre du jour européen était le Comité Américain pour une Europe Unie (ACUE : American Committee on United Europe) créé en 1948. Donovan, qui se présentait alors comme un avocat en droit privé, en était le président.

Le vice-président, Allen Dulles, était le directeur de la CIA pendant les années 1950. Le comité comptait parmi ses membres Walter Bedell Smith, le premier directeur de la CIA, ainsi que d’anciennes personnalités et des responsables de l’OSS qui travaillait par intermittence pour la CIA. Les documents montre que l’ACUE a financé le Mouvement européen, l’organisation fédéraliste la plus importante d’après-guerre. En 1958, par exemple, l’ACUE a assuré 53,5% du financement du mouvement. ».

Il poursuivait avec des informations particulièrement intéressantes à propos du financement d’hommes politiques européens plus ou moins connus et présentés au grand public comme les architectes de l’Union européenne :

« L’European Youth Campaign, une branche du Mouvement européen, était entièrement financée et contrôlée par Washington. Son directeur belge, le Baron Boel, recevait des versements mensuels sur un compte spécial. Lorsqu’il était à la tête du Mouvement européen, Joseph Retinger, d’origine polonaise, avait essayé de mettre un frein à une telle mainmise et de lever des fonds en Europe ; il fut rapidement réprimandé.

Les dirigeants du Mouvement européen – Retinger, le visionnaire Robert Schuman et l’ancien premier ministre belge, Paul-Henri Spaak – étaient tous traités comme des employés par leurs parrains américains. Le rôle des Etats-Unis fut tenu secret. L’argent de l’ACUE provenait des fondations Ford et Rockefeller, ainsi que de milieux d’affaire ayant des liens étroits avec le gouvernement américain. ».

Les Américains n’ont pas seulement fondé et financé ce qui deviendra l’Union européenne mais sont aussi à l’origine de la création de l’Euro ; ainsi Ambrose Evans-Pritchard rapporte qu’une note émanant de la Direction Europe, datée du 11 juin 1965, conseille au vice-président de la Communauté Economique Européenne, Robert Marjolin, de poursuivre de façon subreptice l’objectif d’une union monétaire. Elle recommande d’empêcher tout débat jusqu’au moment où « l’adoption de telles propositions serait devenue pratiquement inévitable ».

La finalité de ce projet de construction européenne est de neutraliser politiquement le Continent, d’empêcher toute politique indépendante, tant sur le plan intérieur que dans celui de la politique extérieure, et ainsi placer l’Europe sous la tutelle américaine. D’ailleurs, l’OTAN qui est le pendant militaire et géopolitique de l’Union européenne, a pour utilité de faire mener aux pays d’Europe et à leurs frais, les guerres impériales étasuniennes et notamment d’appliquer la politique de containment à l’encontre de la Russie. Une politique extrêmement dangereuse qui aura pour conséquence de faire du territoire européen un champ de bataille dans une guerre opposant l’OTAN et l’Armée russe.

De même, la création de l’Euro avait pour but et effet d’affaiblir, voire de détruire économiquement l’Europe, en favorisant l’économie allemande –augmentation spectaculaire des exportations allemandes dès l’instauration de l’Euro en 2002, du fait que l’Euro soit une monnaie à la taille de l’économie allemande et de la zone euro; de fait, un marché libre à concurrence déloyale où l’industrie allemande, surajoutée au système de libre-échange global, a accéléré la destruction des industries européennes, en particulier celles de la France et de l’Italie – au détriment de celle de ses voisins (la courbe des exportations françaises chute vertigineusement à partir de 2002)[iii].

Les preuves et les éléments mettant en évidence l’application de cette vaste stratégie américaine de domination de l’Europe ne manquent pas. En 1997, dans son livre Le grand échiquier – où il traçait avec précision les lignes de la stratégie de domination américaine –, le très influent géopolitologue américain Zbigniew Brzezinski, écrivait :

« Le problème central pour l’Amérique est de bâtir une Europe fondée sur les relations franco-allemandes, viable, liée aux Etats-Unis et qui élargisse le système international de coopération démocratique dont dépend l’exercice de l’hégémonie globale de l’Amérique. On le voit, la question ne saurait se résumer à choisir la France et l’Allemagne. Sans l’un ou l’autre de ces deux acteurs, l’Europe n’existera pas.

Trois grandes conclusions émergent de ce qui précède.

  • Le soutien américain au projet européen est nécessaire (ce qui explique le déplacement de Barak Obama en Grande-Bretagne durant la campagne sur le Brexit. A cette occasion le président des Etats-Unis a menacé le Royaume-Uni de représailles commerciales en cas de sortie de l’Union européenne, remettant en question le partenariat du Royaume-Uni dans le système de libre-échange entre les Etats-Unis et l’Union européenne dans le cadre du traité transatlantique[iv]).
  • A court terme, il est justifié de s’opposer tactiquement aux positions françaises et de soutenir le « leadership » allemand.
  • Indépendamment l’une de l’autre, la France et l’Allemagne ne sont pas assez fortes pour construire l’Europe selon leurs vues propres, et pour lever les ambiguïtés inhérentes à la définition des limites de l’Europe, cause de tensions avec la Russie. Cela exige une implication énergique et déterminée de l’Amérique pour aider à la définition de ces limites, en particulier avec les Allemands, et pour régler des problèmes sensibles, surtout pour la Russie, tels que le statut souhaitable dans le système européen des républiques baltes et de l’Ukraine »[v]

La position agressive des dirigeants Européens contre la Russie dans l’affaire ukrainienne est révélatrice de la stratégie géopolitique américaine et de l’instrumentation de l’Union européenne et de l’OTAN pour étendre son hégémonie ; ce que Brzezinski ne cachait pas lorsqu’il préconisait de sortir l’Ukraine de la sphère d’influence géopolitique russe afin de l’affaiblir :

« L’indépendance de l’Ukraine modifie la nature même de l’Etat Russe. De ce seul fait, cette nouvelle case importante sur l’échiquier eurasien devient un pivot géopolitique. Sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire en Eurasie. »[vi]

La fin de l’Union européenne est-elle pilotée ?

En soi, la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne n’a pas de conséquences directes car elle n’y avait qu’un pied ; en effet, elle n’a adhéré ni à l’Euro ni à l’espace Schengen.

Comme l’a écrit Pierre Hillard « le Royaume-Unis, qui bénéficiait déjà d’une forme de Brexit déguisé avec des droits particuliers au sein de l’Union européenne, officialise sa rupture. »[vii]

La crainte affichée des oligarques et des européistes aux ordres vient de ce que peut inspirer le Brexit aux autres peuples d’Europe ; un effet domino s’étendant à toute l’Europe est à prévoir. La sortie de l’Union et de l’Euro – par des pays importants comme la France ou l’Italie – aurait pour effet la décomposition de l’une et l’autre.

Mais si l’on suit le raisonnement de Pierre Hillard, qui est un spécialiste des questions de régionalisme européen, cette décomposition de la construction européenne possiblement amorcée par le Brexit pourrait conduire, par une voie alternative au mondialisme, à « l’établissement d’une monnaie universelle, le « Phénix », prévue théoriquement pour 2018, selon The Economist, et la fragmentation en sept méga-région des Etats-Unis[viii], comme le révèle le New York Times »[ix].

Par ailleurs, le principal financier du parti Ukip de Nigel Farage, qui milite depuis plusieurs années en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, n’est autre que le millionnaire anglais juif Richard Desmond, détenteur, entre autres, du journal Daily Express, de OK magazine et de chaines de télévision pornographiques. Précisons qu’il a apporté son soutien financier au parti Travailliste puis au parti Conservateur avant de se tourner vers le parti de Nigel Farage. Richard Desmond a, de manière ambiguë, déclaré l’an dernier qu’il était favorable au référendum mais qu’il ne savait pas s’il voterait pour ou contre[x].

Dès le lendemain du Brexit, l’on a entendu des responsables politiques nous dire, à l’instar de Manuel Valls, que « c’est le moment d’être digne des pères fondateurs, de refonder une nouvelle Europe »[xi].

Selon les plus optimistes, l’effondrement de l’Union européenne et de l’Euro ouvrirait une porte salutaire, une occasion historique pour les pays d’Europe de sortir de la domination des marchés financiers, de s’affranchir du dictât des lobbies (en particulier le lobby bancaire) qui tiennent le Politburo de Bruxelles. Effectivement, il y a là une opportunité historique qui se présente, encore faut-il que les partisans d’un retour des nations et des monnaies nationales eussent été solidement organisés et prêts à saisir l’opportunité qui s’offre à eux.

Si cette crise a été provoquée par une branche de l’oligarchie occidentale pour passer à une étape supérieure – il s’agit ici du fameux concept de Karl Marx, le « saut qualitatif » menant à un « changement qualitatif », une redéfinition matérialiste d’une conception historique qu’il a emprunté, consciemment ou non, au messianisme juif –, elle a, pour ce faire, abaissé sa garde. C’est donc le moment de frapper ; mais au regard de la vacuité idéologique et programmatique, de la division et du noyautage des mouvements souverainistes en Europe (qui existent à droite mais aussi qu’à gauche), il est à parier qu’ils se laisseront dépasser par les évènements.

Youssef Hindi | 26 juin 2016

[i] Valeurs Actuelles, Brexit : Georges Soros prédit l’appauvrissement « de la plupart des électeurs », 21/06/2016.

[ii] The Telegraph, Euro-federalists financed by US spy chiefs, 19/09/2000, traduit en français par l’Union Populaire Républicaine le 18 novembre 2011.

[iii] Voir les courbes statistiques des balances commerciales française et allemande sur le site de Perspective Monde : http://perspective.usherbrooke.ca/

[iv] Le Hunfington Post, Barak Obama menace le Royaume-Uni de conséquences commerciales en cas de Brexit, 23/04/2016.

[v] Zbigniew Brzezinski, Le grand échiquier, L’Amérique et le reste du monde, 1997, Bayard Editions, pp. 103-104.

[vi] Zbigniew Brzezinski, op. cit., p. 74.

[vii] Pierre Hillard, Le Brexit victorieux. Et maintenant ?, Boulevard Voltaire, 24/06/2016.

[viii] Voir la nouvelle carte pour l’Amérique sur le site du New York Times : A New Map for America, New York Times, 15/04/2016.

[ix] Pierre Hillard, op. cit.

[x] Henry Mance, Ukip donor Richard Desmond unsure over EU exit, FT.com, 12/06/2016.

[xi] Europe 1, Brexit : « révélateur d’un malaise trop longtemps ignoré au sein de l’UE », pour Manuel Valls.