Le sucre est une matière première en général relativement stable, mais que se permet de temps à autre de délirantes flambées des cours, dues en général à des investissements spéculatifs, notamment au milieu des années 70 (d’où le film du même nom) où le sucre passa en quelques semaines de 10 à 55 cents la livre, avant de dégringoler aussi rapidement, en 1981 où il atteignit 45 cents et 2011 où il fut côté à 34 cents. En un siècle, de 1912 à 2016, le cours du sucre oscilla entre 1,25 cent et 65,2 cents.
Il y a actuellement une guerre ouverte entre deux lobbies puissants qui prennent en otage le monde médical et les états producteurs : le lobby sucrier et le lobby de l’huile de palme. Comme pourrait dire le bon Monsieur de Lapalisse, les champs où poussent les palmiers à huile ne sont plus des champs où poussent de la canne à sucre… L’Indonésie, riche pays agricole, est la première productrice mondiale d’huile de palme (plus de la moitié : 52 %), mais aussi une productrice de sucre. Pour les amateurs de précisions agricoles, la plante qui fournit le maïs est de la même famille que celle fournissant le sucre de canne, beaucoup de pays tropicaux produisant les deux (Brésil, Inde, Indonésie, Mexique)… Prenons le cas de la Thaïlande, 4e productrice mondiale de sucre. La Malaise voisine produit 35 % de la production mondiale d’huile de palme, dont les plantations ont franchi sa frontière : 3 % de la production mondiale d’huile de palme est produite par le Siam. Le Mexique, le Brésil, la Colombie voient une production locale démarrer.
Sucre contre huile de palme, jugées toutes deux responsables de la « malbouffe » à coup d’anathèmes et de campagnes médiatiques, l’huile de palme étant pleines d’acides gras saturés qui s’installent dans les artères, faisant de celle-ci une sorte de jungle de Calais. La campagne contre les sucres ajoutés est partie du New York Times, quotidien tellement liés à certains pouvoirs décisionnels sur le plan boursier que son objectivité est sujette à caution. L’industrie sucrière est notamment accusée d’avoir payé des scientifiques pour avoir rejeté sur le gras les maladies cardio-vasculaires. A sa décharge, elle n’est ni la première, ni la dernière à le faire. Une autre campagne, partie de Paris et du scientifique Serge Ahmed, accuse le sucre d’être une « drogue », voulant faire baisser la consommation des Français de 94 grammes par jour à 25. Rappelons que l’Europe va entrer au 1er octobre 2017 dans une politique de fin des quotas sucriers contre la betterave à sucre, qui fournit un quart du sucre mondial. Au fait, qui est le premier producteur mondial de betterave à sucre ? La Russie, suivie de près par la France… La production d’édulcorants betteraviers, moins chers de 5 à 10 % que le sucre normal, sera développée pour le marché français, allemand et anglais.
Au niveau mondial, notons que l’Inde, deuxième productrice mondiale de sucre avec 15 % n’en exporte pas, et ce malgré la dérégulation de 2013, année où les stocks mondiaux se sont effondrés. 2013, année décidément clé, fut celle aussi où un nouveau débouché prometteur fut découvert pour le sucre : le bioplastique, qui représentera 1,2 million de tonnes de sucre utilisée en 2020 contre 0,11 en 2013. Autre utilisation industrielle du sucre : remplacer le fameux lithium pour la fabrication de batteries. Au Brésil, c’est la filiale des agro-carburants qui est privilégiée pour la production, ce qui déplait au lobby pétrolier américain. Lobby qui, comme ses petits frères yankee n’aime pas du tout voir le Brésil voler de ses propres ailes (même si, pour des raisons structurelles, le Brésil ne décollera jamais). L’industrialisation de l’utilisation du sucre, combinée à l’offensive des palmistes et même tempérée par l’accroissement du sucre de betterave, entraînera ipso facto la diminution de la part du sucre consommé alimentairement. Et quoi de mieux pour cela que de brandir le nouveau tabou des temps modernes : le « danger pour la santé » ?
Hristo XIEP
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