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Quel Statu Quo maintenant pour Jérusalem ?

Le vote de l’ONU du jeudi 21 décembre n’aura surpris personne à part peut-être Trump qui croyait, non sans naïveté, qu’il aurait pu impressionner ses alliés en clamant qu’il saurait « se souvenir des noms » de ceux qui ne l’auraient pas suivi, voire que les peuples du monde allaient s’incliner devant les vitupérations de l’ambassadrice sioniste dont le discours fleuve a été traité comme il le méritait : par le mépris…

La résolution condamnant cette reconnaissance n’a été refusée que par…7 pays, (plus bien sûr Israël et les USA).

La décision irréfléchie de Trump, cédant aux instances juives et celles du lobby judéo-protestant évangélique, n’a été accueillie que comme une nouvelle provocation israélienne…

Le résultat du vote est absolument désastreux pour l’image américaine quand on voit que même les alliés traditionnels des Etats-Unis ont refusé de cautionner la démarche de reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme « capitale » d’Israël, ce qui est déjà en soi un déni de droit international : Jérusalem fait partie d’une zone n’appartenant à l’état d’Israël, envahie lors de la guerre des six jours et occupée depuis…

128 voix « pour » ; 35 « abstentions » et 9 « contre »…

Sans voir ici figurer les 21 pays absents, dont certains trop lâches sans doute…

On retrouve parmi les abstentions la plupart des pays habituellement soutiens hystériques d’Israël et/ou alliés des USA: Canada, Mexique, Panama, Paraguay, Argentine, Australie, Pologne, Croatie, Tchéquie, Lettonie… et même le Sud Soudan qui arborait le drapeau d’Israël au soir de son indépendance !

http://fr.timesofisrael.com/vote-a-lassemblee-generale-de-lonu-sur-le-statut-de-jerusalem/

Là où cela devient ubuesque, c’est lorsque l’on analyse qui sont les sept soutiens des atlanto-sionistes, les seuls qui ont ouvertement voté contre cette résolution :

Guatemala, Honduras, Iles Marshall, Micronésie, Palau, Togo, Nauru…

Tous des pays à la solde des USA pour des raisons économiques ou stratégiques (notamment les bases américaines du pacifique)…

Ainsi, Palau (ou les Palaos), archipel micronésien devenu indépendant, est un soutien de poids quand on sait que sa capitale Melekeok comporte…299 habitants !

Nauru, ilot autrefois connu pour recéler le phosphate exploitable le plus riche du monde (gisement épuisé depuis 1990) a pour capitale Yaren qui compte moins de 700 habitants !

Des pays de premier plan comme chacun peut le voir…

Le Togo fait figure de puissance économique au milieu…

Seul pays d’Afrique à avoir apporté son soutien à la parodie us-raélienne, le Togo vit depuis cinquante ans sous la dictature de fer de la famille Gnassimbé père (Eyadéma), puis fils (Faure) qui cherche par tous les moyens à devenir comme son père président à vie en faisant modifier la constitution malgré l’opposition de la population… Ce qui crée depuis six mois un climat quasi insurrectionnel face auquel le pouvoir envoie l’armée qui réplique en tirant à l’arme automatique, ce qui ne décourage pourtant pas l’opposition, malgré les morts !

http://news.icilome.com/?idnews=842165&t=de-nouvelles-mobilisations-les-27,-28-et-30-decembre-apres-la-sortie-de-faure-gnassingbe

L’entrisme israélien, économiquement perceptible dès les années 80, a mené Faure Gnassimbé à la convocation d’un « sommet Israël – Afrique » (sic !) qui devait se tenir à Lomé en novembre, mais qui a été repoussé sine die à la satisfaction de Netanyahu peu désireux de se retrouver au cœur de l’agitation liée aux difficultés intérieures du pays…

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/09/13/report-du-sommet-afrique-israel-au-togo-un-coup-porte-a-la-strategie-de-netanyahou_5185012_3212.html

On peut aussi souligner que le 20 décembre, veille du vote à l’ONU, la Banque Mondiale a fait un don (pas un prêt !) de 52 millions de dollars au Togo, une coïncidence évidemment sans aucun rapport avec le vote du lendemain…

http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2017/12/20/world-bank-supports-togos-efforts-to-strengthen-fiscal-framework-energy-and-ict-services

Peut-être lui aurait-il fallu multiplier les dons auprès des autres pays africains ? Pas sûr que cela aurait suffi !

Dans ce contexte, on doit s’interroger sur l’avenir de Jérusalem envisagée sous l’emprise israélienne – même si elle est quasi unanimement condamnée – et surtout sur le devenir des Lieux Saints, essentiellement chrétiens, mais aussi musulmans qui s’y trouvent…

Et les perspectives ne sont guère encourageantes quand on voit la virulence des occupants !

Lorsque l’archevêque Hanna a lancé en juillet un appel vibrant à la sauvegarde des Lieux Saints chrétiens et musulmans de Jérusalem, on a assisté à un déchaînement hystérique largement relayé par tous les médias de la communauté sur le thème de « la haine du juif » (sic !)

https://www.lemondejuif.info/2017/07/haine-juif-larcheveque-hanna-appelle-a-proteger-lieux-saints-chretiens-musulmans-de-jerusalem/

Et le vote de jeudi a conduit à un florilège de désinformation, de propagande et d’ignorance rédigé avec un aplomb inimaginable !

La palme en revient sans contexte à Europe-Israël où Souhail Ftouh, avocat tunisien fanatisé, porté aux nues par le CRIF et Dreuz-info, a réussi une prouesse en seulement trois lignes.

Jugez-en !

« Israël est le seul pays au monde dont la capitale officielle n’est pas reconnue. Les ambassades de la quasi-totalité des pays sont établies à Tel Aviv. Il est également utile de noter que Jérusalem, tout au long de son histoire, n’a jamais été la capitale d’aucun pays à part Israël. »

http://www.europe-israel.org/2017/12/encore-une-fois-lonu-nie-les-liens-disrael-avec-jerusalem-liran-parle-dun-clou-dans-le-cercueil-des-sionistes/

On en reste sans voix !

D’abord, Jérusalem n’est pas une ville de l’actuel pays nommé Israël : c’est une métropole située dans un territoire étranger à l’état d’Israël, envahi, occupé, colonisé, que la puissance conquérante cherche à annexer.

Toutes les résolutions des instances internationales depuis cinquante ans vont dans ce sens.

Pas étonnant que les pays étrangers maintiennent leurs délégations dans la capitale officielle du pays choisie lors de sa création conformément aux décisions de l’ONU : Tel Aviv !

On est là en plein déni…

Mais la suite atteint des sommets où l’ignorance historique le dispute à la désinformation :

« Jérusalem, tout au long de son histoire, n’a jamais été la capitale d’aucun pays à part Israël. » (sic !)

Il fallait l’oser !

D’abord, Jérusalem n’est pas originellement une ville juive, ni même d’origine hébraïque.

C’est vraisemblablement primitivement une bourgade des Hyxôs construite au début du XIIeme siècle, après leur l’expulsion du delta du Nil par les pharaons du Nouvel Empire…

Maurice Benayoum admet que des Hébreux se sont installés là dans une ville préexistante du nom de Salem où, selon lui, existait sans doute un culte rendu à une divinité Sedek…

http://frblogs.timesofisrael.com/jerusalem-dans-la-conscience-juive/

Et là les confusions, volontaires ou non, liées à la notion d’état et à celle de nation sont appelées à la rescousse.

<

p align= »JUSTIFY »>La fameuse « nation Ysraël » émergente qui apparaît mentionnée pour la première fois dans l’histoire sur la stèle de Mérenptah (campagne de 1207av. JV) finit par se sédentariser à l’intérieur des terres en constituant deux royaumes : Israël au nord et Juda au sud.

Le royaume d’Israël qui n’apparaît clairement qu’avec Omri aura pour capitale Samara qu’il va fonder…

Il sera conquis et anéanti par le roi Salmanazar V en 722 av JC.

La population hébreue, déportée et disparue aux confins orientaux de l’empire assyrien, sera remplacée par des populations orientales immigrées là: les futurs Samaritains…

Ce très éphémère royaume d’Israël n’a jamais eu Jérusalem pour capitale !

Jérusalem a été capitale du royaume du sud appelé aussi Royaume de Juda (d’où son nom ultérieur de Judée)

Jérusalem n’a donc jamais été la capitale d’Israël !

Au royaume de Juda, après la conquête du royaume par Nabuchodonosor, la capitale fut transférée à Mitzpah en Benjamin et Jérusalem ne redeviendra « capitale » qu’au milieu quatrième siècle … pour gouverner la nouvelle Judée, province perse de Yehud Medinata…

C’est de la fin de cette période que datent les premières monnaies – perses – mentionnant (enfin !) Jérusalem.

Plus tard, ville du temple, Jérusalem battra monnaie sur autorisation de l’occupant, et sera la capitale du royaume fantoche gréco-romain et hasmonéen de la province…

Jérusalem a donc été la capitale d’une entité territoriale majoritairement juive, pratiquement jamais politiquement indépendante, qui ne s’est jamais alors appelée Israël, appartenant à un empire, perse, grec puis romain, mais toujours non juif !

Ajoutons pour finir que dans sa plus grande extension territoriale, il a existé un royaume ayant effectivement Jérusalem pour capitale, mais il n’était plus juif : le royaume latin de Jérusalem, de l’époque des croisades, qui allait durer pratiquement deux siècles…

Jamais la définition de la nation selon Karl W. Deuutsch n’aura été aussi juste :

« Une nation […] est un groupe de personnes unies par une erreur commune sur leurs ancêtres et une aversion commune envers leurs voisins. »

(Le Nationalisme et ses alternatives, 1969.)

Dans ce climat délétère Israël annonce maintenant son départ de l’Unesco…

https://jssnews.com/2017/12/22/israel-annonce-son-depart-de-lunesco/

Cela n’a que peu d’importance sauf en ce qui concerne la sauvegarde des Lieux Saints pour lesquels on est droit de s’inquiéter…

On sait que le wahhabisme est particulièrement en cour en Israël, même si ce rameau dévoyé de l’Islam est aujourd’hui rejeté définitivement par le sunnisme.

Son fondamentalisme ne s’opposerait pas à la destruction des mosquées de l’esplanade du temple au motif que celles-ci sont plus associées à la personnalité du prophète. Le rêve pour les juifs fanatiques qui veulent faire table rase sur l’esplanade pour y construire le « Troisième Temple »…

Quant aux Lieux Saints chrétiens, il suffit de voir l’annexion prévisible du cénacle par une yeshiva à laquelle le pape s’oppose àpeine, et l’offensive récurrente des promoteurs immobiliers israélien contre le patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem, pour comprendre l’inquiétude que suscite la reconnaissance légitimée d’Israël comme nouveau possesseur de la ville…Chacun a encore en mémoire l’odieuse manœuvre sioniste en 2012, coupant l’eau au Saint Sépulcre au prétexte que les factures n’en étaient pas payées depuis quinze ans, alors que de tous temps l’eau y fut fournie gratuitement… et allant jusqu’à faire bloquer les comptes bancaires !…

https://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Actualite/Monde/A-Jerusalem-une-compagnie-d-eau-bloque-le-compte-de-l-eglise-du-Saint-Sepulcre-2012-11-05-872210

Un peu d’histoire :

Après la conquête musulmane et les Croisades, la région est sous domination ottomane de 1244 jusqu’au XIXeme siècle. Le sultan confie alternativement les principaux lieux saints chrétiens aux Catholiques (notamment l’Ordre franciscain qui assure la custode de Terre Sainte) et aux Orthodoxes (notamment grecs). Les communautés chrétiennes étant dotées de droits de propriété et d’usage de chaque sanctuaire (communautés gardiennes, propriétaires, ayant droit, usagères, etc.).

Chaque communauté religieuse obtiendra, sur fond de pression politique et de corruption, des firmans octroyés par la « Sublime Porte ». Ainsi, après la défaite des Ottomans à la bataille de Vienne en 1683, un firman de 1690 obligera les Grecs à restituer aux catholiques le contrôle principal des sanctuaires.

Mais à la suite de la nuit des Rameaux (2 avril 1757) où les franciscains sont chassés du Saint Sépulcre par la foule, le rapport de force s’inverse et est confirmé par un firman de 1767 qui remet aux orthodoxes une grande partie de la basilique de la Nativité, la tombe de la Très Sainte Vierge Marie et la presque totalité de la Basilique du Saint Sépulcre.

A la veille de la guerre de Crimée, le 8 février 1852, sous la pression du tsar Nicolas I, le sultan promulgue un nouveau firman qui confirme le Statu Quo de 1767, qui est encore en vigueur !

Confirmé par le traité de Paris de 1856 et déclaré inviolable dans le traité de Berlin de 1878, le Statu Quo jouit d’une garantie continue en regard du droit international, jamais démentie à ce jour !

Une certaine mémoire de la chrétienté…

Symbolique illustration très médiatisée de la complexité des relations entre les communautés et des traditions qui s’y rattachent, « l’échelle inamovible » – dont personne ne connaît plus ni l’origine de son dépôt, ni le propriétaire légitime – reste au pied d’une fenêtre sur la façade du Saint Sépulcre.

Le pape s’est clairement prononcé pour le respect du Statu Quo notamment à Jérusalem, refusant d’accepter l’annexion de Jérusalem-est résultant de facto de la décision de Trump.

https://www.la-croix.com/Monde/Moyen-Orient/Le-pape-Francois-appelle-respecter-statu-quo-Jerusalem-2017-12-06-1200897493

Actuellement, le Saint-Sépulcre se divise en cinq grandes sections : le Golgotha, la Tombe, la Basilique, le Corridor et la Crypte de la Croix.

Six groupes se partagent son espace, représentés chacun par une paire d’immenses candélabres placés, dans un ordre précis et allumés selon les offices en un rite immuable, devant l’entrée de l’Edicule :

Et contrairement à ce que certains pourraient supposer, ce statu quo va bien au-delà et intéresse l’ensemble des édifices religieux, tant à Jérusalem – telles les stations du chemin de croix de la via dolorosa qui appartiennent à différentes communautés – que dans les autres lieux emblématiques à travers le pays, partout placés sous l’administration et la sauvegarde de la Custodie de Terre Sainte, et des communautés orientales qui les desservent…

Mais pour combien de temps encore ?

Claude Timmerman

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