Pour contrer l’opposition à la PMA, Jean-Louis Touraine (LREM), le rapporteur de la commission concernant le projet de loi bioéthique, a déclaré qu’ « il n’y a pas de droit de l’enfant à avoir un père ».
Paroles stupéfiantes qui en disent long sur l’état des mentalités et leur fuite face au réel, ce réel qui leur rappelle qu’« au départ » d’un enfant il faut « un père et une mère ».
Atlantico a publié hier l’analyse intéressante d’un haut-fonctionnaire, François Martin, qui voit dans ces dérives idéologiques proposées par le gouvernement « le symptôme d’un mal idéologique profond » et une avancée vers un « meilleur des mondes » totalitaire :
« Atlantico : Jean-Louis Touraine, rapporteur LREM de la commission concernant le projet de loi bioéthique, a déclaré qu’il n’y avait pas de droit de l’enfant à avoir un père. Si cette déclaration est incontestable juridiquement, ne traduit-elle pas une conception particulière de la société, dans laquelle le rôle spécifique du père est négligeable ?
François Martin : Cette déclaration a peu de sens juridique. Certes, il n’y a pas de principe de droit international ou autre exigeant que l’enfant soit élevé par son père et sa mère, sinon toute adoption serait impossible, or il y a toujours eu des orphelins. Mais la PMA sans père et la GPA fabriquent des orphelins.
La déclaration des droits de l’enfant du 20 novembre 1959 et, plus encore, la convention internationale des droits de l’enfant de 1989 évoquent le rôle des parents : l’enfant « doit, autant que possible, grandir sous la sauvegarde et la responsabilité de ses parents » (principe 6 de la déclaration) ; il a « dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux » (article 7 de la convention) ; « les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement » (article 18 de la convention). Ces textes sont clairs. L’adoption consiste à donner des parents à un enfant qui les a perdus (ou à qui il a été enlevé pour des raisons légitimes : violence, incapacité) non à donner un enfant à des parents qui ne peuvent en avoir. Or un couple de femmes ou un couple d’hommes ne peuvent pas avoir d’enfant. Il est nécessaire qu’il y ait au départ un père et une mère. Prenons un enfant en bas âge dont le père meurt. La mère peut se remarier avec un autre homme qui deviendra le tuteur de l’enfant et en assurera les responsabilités. Il n’en deviendra jamais le père biologique ! allons plus loin : la mère se remarie avec une femme (puisque la loi désormais l’autorise). Celle-ci pourra assurer conjointement des responsabilités d’éducation de l’enfant : personne ne le conteste. Elle n’en deviendra pas pour autant sa mère biologique ! Et là, nous parlons d’un accident : la mort du père. Pas de la création délibérée d’un enfant réputé « sans père », qui est une absurdité biologique et donc juridique.
A quoi mène la logique de ces propos, qui consiste à nier la dépendance de l’enfant vis à vis de ses deux parents ? Elle ressemble à s’y méprendre à celle qui a mené à des propositions d’éducation collectiviste…
Oui, relisez « le meilleur des mondes ». L’idée de séparer l’éducation (puis la fabrique) des enfants de leur filiation biologique est proprement totalitaire et contraire à la dignité humaine.
Les parents ont une responsabilité, non seulement vis-à vis de l’enfant, mais aussi envers la société. Nier la dépendance entre l’enfant et ses parents supprime cette responsabilité: l’enfant devient un objet social que l’on peut formater au gré des dirigeants de cette société, pour en faire un sujet docile, ce qui est le rêve du totalitarisme. Et cela nie la diversité fondamentale de la nature humaine, fruit de l’histoire propre de chaque personne, qui est unique. Cette histoire propre a besoin d’origines pour se construire, quitte à s’en affranchir à l’âge adulte. Prétendument sans père ou sans mère, un enfant sera nécessairement amputé d’une partie de son histoire. Donc plus fragile et plus malléable.
Dans le même temps, le projet de loi de bioéthique repose sur l’idée d’un droit de tous à avoir un enfant, et inverse donc la logique contenue dans l’idée du droit de l’enfant à avoir un père. Dans quelle mesure cette inversion peut faire peser sur l’enfant un poids psychologique ?
Le droit à avoir un enfant, ou droit à l’enfant, est la négation – réactionnaire au sens propre du mot – du droit de l’enfant. De sujet de droit qu’il est devenu à l’époque moderne, notamment avec les deux textes précités, l’enfant redevient objet de droit, une propriété que l’on peut acquérir, ce qui nous renvoie aux tous premiers temps du droit romain. Est-ce cela le progrès ? En outre, la déclaration et la convention évoquent comme principe fondamental « l’intérêt supérieur de l’enfant ». Avec la PMA sans père (le « M » est d’ailleurs un abus de langage dans ce cas, puisqu’il ne s’agit en aucun cas d’une action médicale visant à réparer un dysfonctionnement naturel) ce principe est totalement perdu de vue au nom de l’intérêt (que l’on peut difficilement qualifier de « supérieur ») d’un couple de femmes – par définition infertile – à avoir un enfant. Enfin, il est évident qu’un enfant ainsi réputé né « sans père » (ou « sans mère », ce qui est l’étape suivante) ressentira à tout le moins le poids psychologique que cette absurdité représente. Mais quand il sera en âge de le réaliser et de peut-être en souffrir, il sera trop tard.
Au nom d’un soi-disant progressisme qui est en fait une formidable régression, des apprentis sorciers irresponsables vont aider à la fabrique d’enfants envers qui la dette morale sera irréparable. Il est vrai que quand le problème se posera, ses auteurs ne seront plus aux affaires ; alors pourquoi se préoccuper de conséquences qui vont très au-delà des prochaines échéances électorales, puisque seules ces dernières comptent ? »
Francesca de Villasmundo
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