Le congrès américain  bombe le torse avec le « Ukraine Freedom Support Act », « un projet de loi visant à imposer des sanctions supplémentaires contre la Russie et à fournir un soutien militaire à l’Ukraine. » Ceci tandis que Vladimir Poutine continue de marquer des points dans la partie d’échec qui l’oppose aux USA sur la scène internationale. Dans ce contexte la visite de François Hollande à Moscou est-elle l’amorce d’une initiative indépendante de la France ?

Vladimir Poutine enchaine les voyages et ne revient jamais son porte-feuille vide à Moscou. Il a commencé par un duo sans accroc avec la Chine, dans la foulée il a signé les accords de l’Union Economique eurasiatique, il a poursuivi en levant une belle récolte de contrats et projets en Amérique latine, mais l’un des ses plus beaux coups a été l’échec et mat sur le Bosphore; ses contrats avec la Turquie: un fabuleux  pied de nez à Obama et à Angela Merkel avec l’un des partenaires pivots de l’OTAN; des contrats fastueux, et notamment le contrat stratégique autant qu’économique sur le gazoduc de la mer Noire en remplacement du Nord Stream vers l’UE! De quoi inquiéter les pays d’Europe qui dépendent du gaz russe. Mais il ne s’est pas arrêté là!

C’est en Inde que Poutine a continué de bousculer les pions d’Obama et de manière spectaculaire puisqu’il était officiellement accompagné de Sergueï Aksionov, le président de la république de Crimée, nouvellement rattachée à la Russie et détachée de l’Ukraine pro-occidentale.

L’Empire atlantique au pied du mur

Obama et Angela Merkel peuvent se rhabiller avec leurs sanctions économiques destinées à déstabiliser la Russie pour lui faire rendre gorge et notamment lui faire rendre la Crimée. D’ailleurs, en dehors des états vassalisés de l’Union Européenne, l’Amérique impressionne-t-elle encore réellement quelqu’un ? C’est une question qui peut se poser lorsqu’on voit Erdogan continuer de soutenir l’Etat Islamique face aux Kurdes de  Syrie et d’Irak combattue par la coalition occidentalo-arabe, lorsqu’on voit plusieurs pays d’Amérique latine (en dehors du Brésil qui en fait déjà partie), manifester leur velléités de rejoindre les BRICS pour s’affranchir du dollar, ou tout-au-moins les voit-on coopérer avec la Russie sur le plan économique, se substituant à l’embargo européo-américain des sanctions; l’Amérique latine qui a été la chasse gardée de l’oncle Sam durant des décennies, s’émancipe de plus en plus.

Certes l’OTAN roule les mécaniques autour des frontières russes et en Ukraine, mais où cela peut-il la mener ? Le président de Crimée a été reçu officiellement en Inde comme partie intégrante de la Russie! Sur le pourtour du Pacifique, même déconfiture,  avec la Corée du Sud, qui, elle-même, secoue le joug US, tandis que la Chine ne s’en laisse pas compter, bien épaulée au nord, face au Japon, par les russes.

Et pourtant l’armée américaine reste la plus puissante du monde et très largement. Mais ainsi que l’exposait Vladimir Poutine, que peut l’armée la plus puissante du monde contre le dernier cri de la défense nucléaire ?

Après l’échec et mat sur le Bosphore, les Etats-Unis essuient un autre cinglant revers à New delhi. 

Dans le domaine  militaro-technique  l’Inde représente  le plus important acheteur de la Russie. Mais les contrats signés entre les deux pays à l’occasion de cette visite ont également portés sur le pétrole: la Russie fournira à l’Inde 10 millions de tonnes de pétrole par an, à compter de 2015. Dans le domaine de l’énergie nucléaire, tandis que la France en pointe dans ce domaine s’apprête à en abandonner l’exportation et l’exploitation sous la poussée des verts (cornaqués par les Allemands), la Russie au contraire est en train de rafler tous les marchés. C’est le cas en Inde.

Encore un autre fait important concerne les énormes perspectives de coopération entre la République indienne et l’Union économique eurasiatique (Russie, Kazakhstan, Biélorussie, Arménie, puis Kirghizistan et Tadjikistan), dont Vladimir Poutine s’est également félicité : « L’Union économique eurasiatique qui deviendra effective à partir du 1er janvier 2015 ouvre des perspectives nouvelles à la coopération russo-indienne. »

Mais, selon Mikhail Gamandiy-Egorov, « le coup de maître de cette visite concerne la Crimée. Le chef de la République de Crimée, Sergueï Aksionov, en accompagnant de la délégation russe, a effectué ainsi sa première visite officielle à l’étranger, depuis que la péninsule s’est ralliée à la Fédération de Russie en mars dernier. D’autant plus en Inde, l’une des principales puissances asiatiques et mondiales…

« Le but de cette visite est d’établir des contacts avec les entités commerciales de l’Inde, ainsi que de trouver des moyens de coopération, qui peuvent être mis en œuvre sur le territoire de la République de Crimée. Notamment dans les domaines de la culture et la transformation de la production agricole, la production et la vente des médicaments, l’industrie de la pêche »…,a affirmé Sergueï Aksionov. Il a en outre invité les investisseurs indiens à visiter la Crimée pour voir de leurs propres yeux les opportunités existantes et établir les partenariats dans les domaines intéressants. »

On le voit, le projet de l’OTAN était d’isoler la Russie et c’est encore ce que l’Empire s’efforce de croire mais c’est seulement parce que dans sa mégalomanie il a perdu le sens des réalités.

Dans ce contexte la visite de François Hollande à Moscou, au cours de laquelle le retour de la Crimée au sein de l’Ukraine a été tout simplement gommé ne manifesterait-il pas le premier frémissement d’une volonté de la France de  secouer le joug des Etats-Unis et de son alliée l’Allemagne, dont la tutelle européenne n’a pour le moment pas démontré la moindre efficacité, sur aucun plan? La crise économique de l’Union n’a jamais été pire, au point que la zone euro semble à l’agonie et le leadership américain en Ukraine court au fiasco, surtout en ce qui concerne l’UE qui a tout investi sans rien récolter. François Hollande aura-t-il le courage de saisir la main de la Russie pour redresser sa courbe de popularité devant l’échec de ses alliés de l’Empire qui ont plombé la France ? La question lui est posée!

Lorsque le mécanisme des rapports de force se coince, n’est-il pas sur le point de s’inverser ?

Où le mécanisme des rapports de force entre les Etats-Unis et la Russie a-t-il coincé ? Et si en fait c’était la Russie qui avait changé les règles du jeu et que l’Ukraine n’en était que le révélateur ?

Jusqu’à la réélection de Vladimir Poutine à la présidence de la fédération de Russie, en 2012, celle-ci se comportait, bon gré, mal gré, en sous-Etat. En cas de problème les USA prenaient l’initiative des discussions et la Russie semblait s’exécuter. Aux yeux du monde, selon la position américaine, la Russie devait rester à sa place d’Etat vaincu au terme de la guerre froide. Même Vladimir Poutine au cours de son premier mandat avait offert sa coopération aux USA à propos de l’Afghanistan, sans contre-partie évidente.

« On se souvient de la façon dont Samantha Power, ambassadrice des États-Unis auprès de l’ONU, s’était exclamée, au Conseil de sécurité : « Vous avez perdu et vous ne devez pas l’oublier ! »

Ou encore de la célèbre déclaration de Zbigniew Brzeziński [conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter entre 1977 et 1981, ndlr] : « Le nouvel ordre mondial se crée contre la Russie, aux frais de la Russie et sur les ruines de la Russie. » Jusqu’à la chancelière allemande Angela Merkel, qui se demandait récemment si Vladimir Poutine n’avait pas « perdu tout contact avec la réalité ». » (Source)

Et là on comprend très bien la lourdeur de ce que sous-entendait  cette réflexion: restez à votre place, si vous ne vous tenez pas tranquille nous ne ferons qu’une bouchée de la Russie! L’OTAN est la plus redoutable armée du monde, nos missiles vous visent depuis la Pologne!

« De là, la conclusion élémentaire exprimée par Poutine, le 18 novembre dernier, lors du Forum d’actions du Front populaire : « Les Américains ne veulent pas nous humilier, ils veulent nous soumettre, ils veulent régler leurs problèmes sur notre dos. Ils veulent nous subordonner à leur influence. »

Et il ajoutait: « Jamais personne dans l’Histoire n’est parvenu à cela avec la Russie, et personne n’y parviendra. » 

« Cela ne fait aucun doute : tant que la politique des Occidentaux à l’égard de [la Russie] ne changera pas (ne voulaient-ils pas que l’intégration européenne de l’Ukraine et ses réformes économiques se fassent aux frais [de la Russie] ?!), il ne faudra s’attendre à aucune reconnaissance publique de notre statut de partenaire égal. » explique le Courrier de la Russie

Depuis 2012, la Russie ne marche plus! Désormais, « Elle refuse de « se mettre à la place » des hommes politiques occidentaux, qui, s’ils ne peuvent ou ne veulent pas mener avec la Russie des négociations publiques, ont tout de même besoin de son aide sur différents points. Ainsi, le déchaînement de russophobie en Occident auquel nous avons assisté ces derniers mois n’est rien d’autre qu’une tentative de contraindre la Russie à continuer de se comporter comme avant, à continuer de respecter les anciennes règles du jeu. »

Poutine discours 5 dec 2014

L’ordre du monde changera et il a déjà changé

Qui m’aime me suive! a lancé à la face des nations le président de la Russie, et beaucoup répondent présent. La France va-t-elle se dégager du carcan de l’Union Européenne et de l’Allemagne ? La main lui est tendue, mais cela demande du courage pour la saisir! De Gaulle face aux USA avait créé une troisième voie, ce qui nous avait donné notre indépendance et nous avait valu l’amitié russe jusqu’à une époque récente … Maintenant que la Russie a fait sa contre-révolution va-t-on lui fermer la porte et préférer nous enferrer dans une vassalité atlantiste ? Cela semble être notre destinée présente, mais les lignes bougent…

« La question qui se pose est de savoir pourquoi Moscou a attendu la période actuelle pour s’affirmer aussi farouchement. Il se trouve que la crise ukrainienne a rappelé avec force la nécessité de créer un nouveau système de sécurité en Europe. Ce n’est pas la première fois, d’ailleurs, que la question de la création d’un tel système est soulevée par la Russie. Il suffit de se rappeler les sempiternelles discussions autour du Traité sur les forces conventionnelles en Europe. C’est la même question qu’évoquait encore le célèbre discours de Vladimir Poutine lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, en 2007. Elle est revenue au cœur des débats au moment de la guerre en Géorgie en 2008. Et elle retrouve toute son actualité aujourd’hui, avec la crise en Ukraine. »

La crise en Ukraine et la façon  extraordinaire dont Vladimir Poutine a su réagir au niveau mondial avec les succès évoqués ci-dessus en Chine, en Amérique Latine, en Afrique du Sud, en Turquie etc. et maintenant en Inde, avec de plus en plus d’assurance, a étendu la demande russe d’un nouveau système de sécurité par-delà l’Union Européenne. En effet dans son discours à la nation du 5 décembre l’Union Européenne qu’il a couverte de son mépris, ne semble même plus l’intéresser, il a compris que ses Etats s’étaient vassalisés. C’est à son véritable adversaire qu’il s’est adressé, aux USA et face à eux il affirme qu’il va créer avec les pays amis de la Russie un nouvel ordre mondial multipolaire et que le modèle unipolaire américain actuel a tout simplement vécu.

On comprend que c’est le fond même du problème – la création d’un nouveau système de sécurité non plus seulement en Europe, mais dans le monde – « qui incite aujourd’hui Moscou à vouloir que tous les débats aient lieu sur la scène publique. Autrement, aucun nouveau système ne pourra jamais voir le jour. On comprend aussi pourquoi l’Occident s’y oppose avec tant de fermeté : les Américains sont bien contents de pouvoir contrôler l’Europe via l’OTAN ; et non seulement, ils ne prévoient aucune place dans le système existant [à la Russie], mais ils l’en excluent progressivement depuis déjà un quart de siècle. Toutefois, on est aujourd’hui arrivé à un point tel qu’il n’existe plus qu’une seule alternative à des débats publics. Et elle est inquiétante. »

Oui, soit les USA renoncent à leur velléité de domination mondiale unipolaire, soit aveuglés par leur super-puissance armée, ils pourraient bien déclencher un nouveau conflit mondial, qui ne serait pas forcément de la même nature que ceux que nous avons connu au XXè siècle. Toutes les hypothèses sur la forme d’une nouvelle conflagration mondiale sont envisageables, de la multiplication infinie des conflits locaux pour un chaos mondialisé à une guerre classique, tout est possible. Les USA peuvent aussi devenir raisonnables et accepter que leur système dollar et leur modèle démocratique n’est pas le rêve de tous les pays du monde…

Une Europe de l’Atlantique au Pacifique, pour peu que l’Europe occidentale secoue le joug de Big Brother, serait aussi un moyen d’éviter la guerre et de rééquilibrer les forces tout en prenant notre destin en main.

Emilie Defresne

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