
« Peut nous chaut que la Roumanie, la Moldavie ou les Pays Baltes soient sous influence de la Russie ou sous celle de la mafia bruxelloise. »
Poutine a-t-il l’intention d’envahir la Roumanie ? On l’entend partout, il est donc normal que je pose la question, non ?
Il est clair que la guerre en Ukraine tourne à l’avantage des Russes.
C’est ce que, personnellement, j’ai toujours dit depuis le début. Cela dit sans parti pris, il fallait être, soit cynique, soit totalement en-dehors des réalités, soit les deux pour espérer que la guerre en Ukraine tourne autrement.
L’aide que pouvaient apporter les États-Unis était très limitée, dans la mesure où un État doté de l’arme nucléaire n’attaque pas frontalement un autre État doté de l’arme nucléaire. À ce propos, on peut considérer que la Russie a été patiente en ne considérant jamais les États-Unis comme directement et totalement impliqués dans cette guerre. Il faut donc sans cesse aux États européens de nouveaux récits d’anticipation catastrophiques pour maintenir la tension et la pression à la fois sur les États-Unis et sur l’opinion des européens pour qu’ils continuent de « cracher au bassinet ».
Mais qu’en est-il objectivement ? La Russie est-elle aussi dangereuse qu’on le dit ?
En essayant de répondre objectivement à cette question, nous sommes obligés de remonter quelques années en arrière. Dans les années 90 et 2000, la Russie a très mal vécu la perte de sa sphère d’influence en Europe de l’est. Après la chute brutale de l’URSS qui a abouti à une aggravation du marasme économique dans lequel la Russie se trouvait, Moscou n’avait pas les moyens de garder la main sur les territoires d’Europe de l’Est dans la configuration de 1945. On a envie de dire, quand on se souvient de ce qu’a été le communisme, tant mieux. Cependant, la Russie avait espéré une sorte de zone neutre qui, du reste, avait été consentie (au moins verbalement) par les États-Unis. Quand on sait (et les Russes le savaient) ce que vaut la parole américaine, il y avait de quoi être inquiets. Mais le président Eltsine était redevable aux États-Unis, grâce au coup de force de décembre 1991 fait dans le dos de Gorbatchev, de son statut de chef d’État.
D’ailleurs, l’Europe occidentale, jadis très gorbatchévienne, n’a pas bougé le petit doigt pour sauver un cheveu (il n’en avait pas beaucoup) de celui qu’elle avait porté au pinacle avant même son arrivée officielle à la tête de l’État soviétique.
Donc Eltsine a fait ce qu’il a pu. On rappellera tout de même qu’il a sauvé l’essentiel, à savoir, faire en sorte que la Russie reprenne les prérogatives internationales de l’Union Soviétique, notamment le statut de membre permanent au Conseil de sécurité. Mais côté américain, ça poussait très fort, encouragés qu’ils étaient par l’engouement populaire d’une liberté retrouvée à l’est. Malheureusement, les administrations américaines successives en ont profité de façon déraisonnable, alors qu’il eut fallu une certaine modération. Le président Chirac, qui n’a pas dit que des âneries, mettait en garde sur la nécessité de ne pas humilier la Russie. À Washington, le sentiment de toute-puissance rendait aveugle et sourd. Ce qu’on n’avait pas prévu, c’est, non pas l’arrivée de Poutine, mais le fait que celui-ci échapperait à tout contrôle. Or Poutine, lui, est déterminé, mais aussi raisonnable, entre autre parce qu’il a le temps. Trump lui a quatre ans avec l’incertitude des élections de mi-mandat.
Pour revenir à la question de savoir si Poutine veut ou non mettre la main sur la Roumanie, les Pays Baltes et je ne sais quoi d’autre, il faut bien comprendre une chose : Poutine joue sa partie sur l’échiquier.
Il est donc clair que si l’occasion se présente, il ne manquera pas d’accroître son influence sur la politique de ces pays. Comment le lui reprocher, puisque c’est ce que font les États-Unis en permanence ? Parallèlement, nous ne pouvons pas éviter la question de savoir pourquoi la Roumanie qui a connu Ceaușescu et la Hongrie qui a connu les chars de Khroutchev en 1956, penchent dangereusement pour la Russie ? Les médias et les responsables politiques occidentaux se gardent bien de répondre à cette question. Car ce faisant, il faudrait remettre en question la popularité de la politique de Bruxelles qui avait promis liberté et prospérité aux pays d’Europe de l’est, tout en oubliant de préciser ce à quoi il faudrait renoncer.
Et si nous, occidentaux, envisagions les choses autrement : si nous nous disions qu’après tout, peut nous chaut que la Roumanie, la Moldavie ou les Pays Baltes soient sous influence de la Russie ou sous celle de la mafia bruxelloise.
Enfin, pour prendre le cas particulier de la Roumanie, peut-être serait-il bon que d’autres, (à commencer par les Roumains eux-mêmes), aillent y mettre le nez. En effet, ce pays a beaucoup servi de terrain de jeu à l’OTAN pour commettre des choses peu avouables, et je pèse mes mots. Je me demande, du reste, si dans le marchandage des négociations en Ukraine il ne sera pas mis dans la balance une certaine discrétion sur des choses qui pourraient être retrouvées par les Russes comme des crimes commis entre 1991 et aujourd’hui.
Dans tous les cas, ce n’est pas la peine de nous faire peur à longueur d’antenne avec le fait que si la Russie gagne elle pourrait faire ceci ou cela et qu’il faut à tout prix l’en empêcher.
On a assez payé pour les Pays Baltes. Et si Bucarest est privée de gaypride, c’est peut-être mieux pour ses enfants.
Jacques Frantz
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