Nous nous émerveillons chaque jour de l’utilité spectaculaire liée au numérique, des objets connectés les plus simples aux plateformes spatiales, des algorithmes au Big data ; bien sûr la médecine a bénéficié aussi de cette révolution informatique dont d’ailleurs nous n’avons pas ou mal évalué les conséquences ne serait-ce que pour l’emploi. Mais peut-être sans le savoir, avons-nous joué les apprentis sorciers, voire les Frankenstein. Il y a lieu de se demander si nous n’allons pas être détruits sans nous en rendre compte par l’intelligence artificielle (I.A.). Le titre de mon dernier ouvrage était La fin de l’espèce humaine dont le thème général pouvait se résumer par la phrase de Stephen Hawking disant que si l’intelligence artificielle devenait autonome et se créait elle-même, « la race humaine disparaîtrait ». Or nous avons appris qu’en mai 2017, des chercheurs de Google Brain – logiciel d’apprentissage en profondeur- ont annoncé la création d’AutoML, une intelligence artificielle capable de créer et générer ses propres IA.

Il y a depuis 12 ans un avertissement donné dans mes écrits et conférences ; il est malheureusement voilé par les succès stupéfiants et grisants des progrès afférents au numérique. Il s’agit de l’interface. Tout objet informatisé peut être pris en charge par un autre objet informatisé ; ce peut être notamment par des personnes malveillantes appelées « hackers ». Les cas les plus spectaculaires sont les piratages de la NASA, du Pentagone, du réseau électrique d’un tiers de l’Amérique. Plus ressentis sont ceux de nos ordinateurs ; mais il y a aussi ceux des voitures, dont il est possible d’en perturber les commandes ; ce qui a été réalisé récemment à titre expérimental.

Dans le domaine médical, nous avons signalé l’interface avec les seringues auto-pulsées qui peuvent être prises en charge par un tiers ; il y a aussi les implants cérébraux, auditifs ou oculaires ; sans parler du piratage de 80 hôpitaux français. Des dispositifs informatisés servant à « hacker » peuvent-ils se généraliser ? Se pose donc le problème de la cybersécurité.

Or fin mars, le Collège des cardiologues américains s’inquiète : « Tous les dispositifs cardiaques implantables courent le risque d’être la cible de pirates, avec des dangers potentiels pour la santé des patients » Il s’agit essentiellement des pacemakers numériques implantés dans la poitrine et stimulant électriquement le cœur s’il s’arrête. Si un hacker réussit à les contrôler, il peut tuer le porteur à distance. En Amérique la Food and Drug Administration qui contrôle tout ce qui peut nuire à la santé, a fait mettre à jour 500.000 pacemakers qui présentaient des failles de sécurité informatiques. « Elles donnaient la possibilité d’accéder à l’appareil et de modifier les commandes du pacemaker en utilisant du matériel disponible dans le commerce ». Rien que cela…

Ainsi les cardiologues ont dû reconnaître que les pacemakers étaient à risque. De même le Dr Boveda cardiologue et membre de la Société de cardiologie écrit : « Aujourd’hui, la plupart des appareils implantés, que ce soient les stimulateurs cardiaques, les défibrillateurs, voire même les holters, qui enregistrent le rythme cardiaque, peuvent être suivis à distance par Internet. »

Faut-il s’affoler d’une telle situation ? De fait une attaque de logiciels malveillants semble très improbable. Mais il peut exister des docteurs Mabuse, des tueurs en série qui, pour se venger du monde où ils vivent, seraient tentés de tuer ainsi à distance. Bien sûr, les chercheurs travaillent pour sécuriser ces appareils. En France, l’Agence de sécurité du médicament envoie aux fabricants de ces pacemakers un certain nombre de recommandations. Est-ce suffisant ? Personne ne peut à ce jour donner la réponse.

Jean-Pierre Dickès

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