Le 2 janvier, Jean-Yves Le Drian s’exprimait sur l’opération Sangaris : « Je vous le dis parce que je me souviens qu’au mois de février de l’année dernière, des experts – vous savez, il faut toujours faire attention parce que les experts sont souvent autoproclamés – disaient “ah mais au Mali – trois semaines après le déclenchement de l’opération Serval – la France s’enlise”. Heureusement que nous n’avons pas écouté les experts. Et que la détermination de nos forces, leurs compétences, a permis le résultat que l’on connaît. Je le dis pour le Mali mais je le dis aussi pour la République centrafricaine »
Il est bien le seul membre du gouvernement à s’être exprimé sur l’opération Sangaris, ces dernières semaines. Elle a été à peine évoquée durant les vœux de François Hollande et encore c’était pour soutenir nos forces, rien de plus. Une des dernières fois que le Président s’est exprimé en public à ce sujet c’était lors de l’hommage du 16 décembre aux deux soldats français tués : Antoine Le Quinio et Nicolas Vokaer. Ce jour-là, il n’a pas parlé du terme de la mission qui était fixé. On sait que le 27 décembre, il s’est entretenu avec le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon pour demander à ce que les Nations-Unies jouent un rôle plus important dans la période de transition tout en ajoutant que : « l’action de la France visait à protéger l’ensemble de la population centrafricaine des exactions commises à son encontre, sans discrimination. » Depuis plus rien… et il n’est pas question dans l’immédiat d’un autre déplacement du Président à Bangui. Quant à Laurent Fabius, on l’a entendu discrètement le 30 décembre lors d’un déplacement au Cameroun où il a répété que l’action de la France visait à protéger l’ensemble de la population centrafricaine des exactions commises à son encontre, sans discrimination. Il a rappelé que la France et des pays voisins voulaient permettre le rétablissement rapide et durable de la sécurité en République centrafricaine et l’organisation d’élections avant février 2015.
Et pourtant, les spécialistes s’accordent pour dire qu’il manque un but précis à l’opération Sangaris, qu’on ne sait plus trop où on va. Le général Pinard Legry nous l’avait confié lors d’une interview qu’il nous avait accordée : « la question est de savoir ce que l’on veut faire ». Pour le chercheur Roland Marchal dans Libération : « le concept d’opération des autorités françaises était simpliste et je crois même que, parmi les militaires, certains l’ont dit mais n’ont pas été écoutés…On serait donc en droit d’attendre des mesures d’ordre politique qui sont totalement absentes jusqu’à aujourd’hui. » Daniel Vernet, spécialiste des relations internationales sur Slate est tout aussi critique , dénonçant une mission ambigüe : « Pour éviter les massacres, qui ont fait plus d’un millier de morts rien que dans la capitale, il faut désarmer non seulement les combattants des deux camps, mais aussi les civils qui s’arment pour se défendre ou attaquer les adversaires. Les militaires ne sont pas les mieux placés et les mieux entraînés pour remplir des taches de rétablissement ou de maintien de l’ordre. Surtout quand le désordre dégénère en guerre civile. » . Pour lui, la solution politique n’est pas du tout évidente. Dernièrement, MSF a déclaré ne plus pouvoir soigner dans l’aéroport de Bangui sauf cas d’urgence et a réduit son équipe médicale à cause des violences. C’est dire… si l’aéroport n’est même pas sûr.
Le dernier sondage révélait que l’opération Sangaris était de plus en plus impopulaire, ce qui n’a rien d’étonnant. Tout le monde attend que nos dirigeants donnent une orientation claire et précise mais là, on a plutôt l’impression qu’ils ne savent plus trop quoi faire. D’ici le début du mois d’avril, le Parlement doit se prononcer sur la prolongation de l’intervention militaire en Centrafrique.
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